Voix des doubles et voix des troubles daprs Fernando Pessoa

 

 

                                                tre oblig dentendre me rend fou.1

                                                Nous vivons un entracte avec orchestre.2

 

 

            Pessoa, fils d'un critique musical, est n en face de lOpra de Lisbonne, le thtre So Carlos. Or, il aura t un grand auditif : les notations dcrivant des lments de paysages sonores sont nombreuses et fines, fournissant souvent le cur battant dune page de prose ou dun pome, et les rflexions sur les manires et les effets d'un bruit ou dune musique laborent quant elles un leit-motiv de luvre particulirement lancinant.3 Il faut donc mettre laccent, lorsquon sintresse aux voix dans lunivers pessoen, sur le phnomne suivant, qui nest certes pas spcifique Pessoa mais qui, pour lui, est primordial : loreille dirige vers lenvironnement sonore est indissociable dune oreille attentive aux sons plus ou moins audibles qui retentissent dans ce que, faute de mieux, on pourrait appeler  espace intrieur . Nous proposons par ailleurs4 dutiliser le terme  acousmatique  pour caractriser les phnomnes retentissant dans cette dimension souvent occulte dans les proccupations intellectuelles de la  modernit . Pessoa a sans conteste fait de ce lieu acoustique spcifique et secret, de cette  scne acousmatique , le domaine privilgi de son uvre.

Cest par exemple en  premier lieu aux bruits du corps propre que plus dune notation auditive pessoenne sattache, comme on prend conscience dune basse obstine ou continue :  Il y a toujours, dans ce que nous croyons tre le son, un son de fin de tout, de vent dans la nuit, et si jՎcoute mieux, le bruit de mes poumons et de mon cur. 5 Ces rumeurs rythmes qui vivent dans le corps fournissent sans doute une matire premire que luvre est amene travailler. Bien des pomes viennent le confirmer, comme le sonnet Audita ccant,6 dans son deuxime quatrain :

 

Loue soucieuse, qui vient se coller aux portes

O elle souponne des dieux, na quune gloire :

La pulsation du sang en elle, qui apparie

Son bruit aux pas attnus par la distance.7

 

Mais cest surtout, en deuxime lieu, tout ce que le romantisme, et pas seulement Victor Hugo (que Pessoa, dailleurs, naimait pas), pouvait appeler  voix intrieures , qui retentit dans ce quil est convenu de nommer la conscience, mais galement dans ce quon se hasardera ici dsigner vaguement et hypothtiquement comme infra-conscience. Pessoa est trs tt fascin par la polyphonie chaotique qui sourd des diverses strates configurant la caverne labyrinthique de lintriorit :  Il y a en moi un tumulte terrible , note-t-il en franais,8 sans doute autour de ses vingt ans, soulignant dailleurs sur le manuscrit les trois T de lallitration, laquelle se manifeste ds lors comme lenregistrement, dans la matire langagire, des turbulences sonores qui se prcipitent et tourbillonnent tout comme si, de ces maelstrms, devaient enfin bientt merger des voix reconnaissables. Pessoa, si attentif aux intervalles de toutes sortes qui informent lespace acousmatique, est arriv laborer une formule charge, titres divers, den rendre compte. Si un  tumulte terrible  retentit intrieurement, il faut exercer sur lui une coute active charge de le mtamorphoser en autre chose, cest--dire, selon lui, en  fictions de linterlude . Nous revenons plus bas sur cette expression pessoenne, rcurrente et affecte divers emplois : nous souhaitons seulement faire remarquer ds prsent la nature musicale de lintervalle intrieur selon Pessoa, comme si le travail sur le tumulte initial et incessant consistait en faire une espce de musique (linterlude semble transitoire et ne pas pouvoir prtendre faire uvre au sens plein du terme), et ce, sous le sceau de la fiction, autrement dit de linvention. Ds lors, la dmarche de Pessoa ne peut que nous apparatre concerte, constitue en stratgie charge daccomplir au mieux la tche consistant couter dans le tumulte intrieur tout ce dont il est porteur, afin dՎlaborer peu peu les  fictions de linterlude , mises en uvre des vnements acousmatiques quune coute affine a pris pour cibles.

Les intentions qui vont, dans cette perspective, crer la stratgie de luvre pessoenne peuvent tre voques grce quelques formules qui nous permettront de prciser comment Pessoa se devait dՐtre lՎcoute de la voix des troubles pour mieux faire merger en lui la voix des doubles. Lui qui a maintes fois exprim son vu  de  sentir tout de toutes les manires 9 , il lui a fallu en effet, tant donn lՎtroite imbrication des sensations et du langage, des motions et des  voix intrieures  telles que nous venons de les introduire, il lui a fallu donc  [d]onner chaque motion une personnalit, chaque tat dՉme, une me. 10

Il lui arrive dailleurs de mettre en scne ce travail dans son uvre. Cest ainsi par exemple que le pome une voix qui chante, du recueil anglais Le Violoneux fou (1991-1917),11 peut tre considr comme ladresse enflamme quun pote dobdience post-symboliste destine quelque instance acousmatique mystrieuse, tout autant que cruciale pour sa cration. Tout le pome serait citer et commenter, mais on se contentera de signaler que la deuxime strophe est tout particulirement riche denseignements. La voix acousmatique fte dans ce pome y apparat en effet comme un agent de prdilection pour lentreprise de dissolution de soi qui est ncessaire au bon rgime de lhtronymie :  Dissous-moi dans tes notes !  Il sagit dabsorber la conscience et tout lappareil de la sensibilit dans une coute flottante, abandonne lunivers acousmatique :  Laisse-moi tre aux sons qui par toi ont leur voix ! / Fais-moi autre que moi [] Cette attention hallucine  ( [] fais-moi me rjouir / Dentendre le temps [] ), extatique ( Et fais que je devienne / Un dehors de moi-mme [] ), permet de dcouvrir une  tierce ralit , dans laquelle les troubles ont enfin pu susciter un double, incarn sans nul doute dans la figure ponyme du recueil, ce  violoneux fou  dont la musique avive  [l]e sentiment perdu / Des qutes oublies. 12 Ce double est si important quoutre le recueil prcit, il est prsent dans un pome portugais de 1917, qui permet dailleurs den mieux saisir la personnalit.13 Grce sa musique tout se mtamorphose et lintervalle intrieur se creuse comme un abme, au point dailleurs que la chute est vertigineuse et douloureuse, arrachant Pessoa un cri de dni, comme si une exprience aussi radicale tait si effrayante quil faille la vivre non dans une extase intense, dfinitive, dmente, mais en alternance, rhapsodiquement, en mettant distance la folie, selon une stratgie longuement mrie, rcusant la ngativit du trouble :

 

Toi le violoneux fou

Qui joue l-bas dehors

Quelque chose de peu

Mais qui fait pleurer lՉme

[]

Qui ta donn larchet

Qui arrache la note

Par quoi jatteins le Fleuve

Et la Ville Inconnue ?

 

Quoi quil en soit, arrte,

Arrte-toi, mon frre,

Car toute la douleur

Je lai au fond du cur.

 

Cette stratgie sappelle htronymie et il faut sans doute ici rappeler ceux de ses traits distinctifs qui sont pertinents pour notre question.

Les auteurs fictifs que Pessoa, en lui, a suscits lui ont permis damplifier jusquՈ lՎcriture cratrice les  voix intrieures , au point den former comme on le sait des personnalits distinctes et diverses, toutes cres partir de certains ples du  tumulte  intrieur. Certaines de ces instances sont nommes les htronymes, dautres sont trop embryonnaires pour quon puisse en toute logique leur confrer ce titre, et il en est enfin deux qui ont un statut particulier : lorthonyme Fernando Pessoa, et le demi-htronyme Bernardo Soares. On ne dressera pas ici  la cartographie de cette constellation.14 On tentera en revanche danalyser brivement les diffrentes tonalits, les diffrents grains, les diffrents rythmes qui caractrisent les voix des doubles, telles quelles se font entendre partir du phnomne de scissiparit intrieure dclench par loreille interne et instaurant lintervalle-interlude o tout se joue, et dans lequel les troubles sont amens changer de nature et de fonction.

Une formule du Livre de lintranquillit nous renseigne prcisment sur le mcanisme de ces mergences acousmatiques :  Je me suis cr cho et abme, en pensant. 15 Ce qui compte ici, cest lՎcart, lintervalle intrinsque lՎcho, qui fonctionne un peu comme une sorte de sonde acoustique utilise pour explorer labme, autrement dit la scne acousmatique elle-mme conue comme un gouffre vertigineux. La pense qui dclenche ces ractions en chane est un autre nom pour dsigner lՎcoute acousmatique, lattention intrieure consistant reprer la rumeur des diffrents troubles, y reconnatre des voix embryonnaires et fournir linvention la matire propice lՎlaboration de chacun de ces doubles. La notion de double ici ne repose en aucune faon sur un modle spculaire : le ddoublement pluriel de lhtronymie ne saccomplit pas dans un miroir mais dans une chambre chos, selon le paradigme de ces temples chos dont Pascal Quignard, aprs avoir mentionn le recensement tabli par Murray Schafer de ces btiments sacrs, dit :  L'cho engendre le mystre du monde alter ego. Lucrce disait simplement que tout lieu cho est un temple. 16  

ceci prs que dans ce temple secret quest la scne acousmatique, lՎcho qui se rpercute rencontre des reliefs diffrents et rend des sons diffrents, la mesure des troubles qui y rsonnent : cest ainsi quil ny a pas un seul alter ego, mais, invitablement, plusieurs.

Dautre part, sil est vrai que nous contrlons notre propre voix au fur et mesure que nous lՎmettons, grce dincessantes boucles audiophonatoires qui nous permettent de la faonner dans ses inflexions, son grain, sa tessiture, ses intonations, il faut penser que dans le temple cho(s) de lhtronymie sont luvre des boucles audiophonatoires mtaphoriques destines dvelopper des  voix aisment reconnaissables, distinctes de celles des autres instances vocales htronymiques, en fonction des retentissements particuliers qui ont pu tre au pralable perus lorsque tel ou tel cho a rendu son bruit spcifique, permettant lauscultation de tel ou tel trouble dfinissant ds lors telle ou telle voix. Il y aurait l une sorte dascse de soi, exploitant grce lacte potique la matire mouvante de la scne acousmatique, dans le cadre de cette entreprise de  dpersonnalisation  dont Pessoa a fait le moteur mme de lhtronymie :  Lorigine de mes htronymes se situe dans la tendance profondment hystrique qui existe chez moi.. [] Quoi quil en soit, lorigine mentale de mes htronymes se trouve dans ma tendance, organique et constante, la dpersonnalisation et la simulation.. 17 Mme si Pessoa fait rfrence une certaine terminologie pathologique (hystrie), on ne peut pas ne pas constater que les termes de  dpersonnalisation  et de  simulation  introduisent dans la question de lorigine des htronymes une autre dimension que purement maladive : travail sur soi et activit non dpourvue de caractre ludique dfinissent donc les  fictions de linterlude . Pessoa prcise dailleurs dans le mme texte :  Chez moi, ces phnomnes se sont [] intellectualiss 18 Autant dire quil ne faut sans doute pas les prendre comme des troubles maladifs, mme sils ont pu avoir un caractre pathologique ou tre les symptmes dune crise, en particulier pendant ladolescence : mais justement, cest la tche de lentreprise htronymique de transformer la crise en moteur de cration. 19

On est donc incit examiner les voix htronymiques comme voix des doubles autant que des troubles : il sagit autrement dit den faire une description aussi bien  musicale  que  physiologique , sans oublier que la faon dont les diffrentes instances qui sont censes les mettre conduisent leur propre coute ne peut tre que rvlatrice, au nom des boucles audiophonatoires, des caractristiques de leur voix respective : dis-moi comment tu coutes, et je pourrai comprendre comment tu tՎcoutes, cest--dire comment tu dfinis, en lՎmettant, ta propre voix.

Alberto Caeiro pratique inlassablement une coute sereine du paysage sonore, laquelle fait cho au regard dpourvu dintentionnalit (autant quil est dpouill de ses habitudes culturelles) qui est pour lui le paradigme idal de son rapport au monde. On ne sՎtonne gure, ds lors, que sa voix soit une voix gale, mais granuleuse, la fois faussement nave dans ses intonations et rellement rpeuse dans ses expressions. Cest pourquoi aussi Caeiro dit que sa voix sinscrit dans une criture en quelque sorte mtisse, la fois brute et labore, quil dfinit comme  la prose de [ses] vers .20 Il y a l une sorte dՎtat indtermin du langage, oscillant entre la transparence arienne, anonyme et impersonnelle, 21 et lopacit tellurique, minrale et fulgurante, et non moins anonyme et impersonnelle.  CՎtait comme la voix de la Terre, qui est tout et personne. 22  : telle est la confidence quun autre htronyme, lvaro de Campos, nous livre sur la voix de son matre. Un moment particulirement significatif de luvre mince de Caeiro est le pome o il fait rfrence au son du piano, parce quil nous rvle les raisons profondes du magistre quil exerce sur les autres instances de lhtronymie :  Pourquoi faut-il avoir un piano ? / Il vaut mieux avoir des oreilles / Et bien couter les sons qui naissent. 23 La voix de Caeiro semble donc saisie elle-mme au moment de sa naissance dans les fonds des rumeurs intrieures, hors de ce quil appelle  un couloir de la pense ,24 ce pour quoi elle est au bout du compte une voix tout autant lustrale que rustre. Voix fascinante de gourou.

Ricardo Reis, lorsquil sollicite un paysage sonore, semble linscrire toujours dans lՎcoulement inlassable et irrparable du devenir, comme si travers les bruits et les sons il sattachait avant tout se mettre en quelque sorte lՎcoute du temps lui-mme. Incontestablement nous tenons l lorigine de sa voix pre, non dpourvue dune certaine raucit, telle quelle se donne entendre dans ses odes o, reprenant la prosodie latine, il coule, comme on fait le mtal incandescent dans des moules contraignants, une langue portugaise charriant lenvi archasmes, latinismes, paradoxes et prciosits. Une rumeur doit se faire entendre dans cette voix la fois vhmente et apaise : celle que martle le  rythme antique aux pieds nus accord, / Ce rythme-l des nymphes rpt .25 Rumeur vhiculant des bribes de sagesse antique, tantt picurienne, tantt stocienne. Tout se passe comme si la voix de Reis retentissait la fois dans Chronos et dans Ain, cest--dire, pour reprendre des expressions deleuziennes, tout autant dans Saturne grondant au fond de Zeus26 quen tant que sons hors de  leur simple tat dactions et passions corporelles , loin du  bruitage des corps .27 La voix de Ricardo Reis est donc une voix extrmement travaille sur toutes les articulations possibles : jusques et y compris dans une prosodie subtile autant que martele comme on grave, au burin, une inscription dans la pierre :

 

Stylite inbranlable sur la ferme colonne

          Des vers o je demeure,

Je ne crains pas le futur innombrable flux

          Des temps et de l'oubli:

En effet quand l'esprit, fixe, contemple en lui

          Les reflets de ce monde,

Il devient leur matrice, et dans l'art va le monde

          Crant, lequel ne le dment.

Dedans la pierre ainsi l'instant extrieur grave

          Son tre, en elle perdurant.28

 

Avec lvaro de Campos nous dcouvrons diffrentes modalits dՎcoute exacerbe. Le premier Campos, celui qui fait encore tat des turbulences affadies de la dcadence post-symboliste, mime lՎcoute conduite dans le cadre dune sensibilit et dune conscience modeles selon les anamorphoses induites par lusage des drogues. Sa voix alors semble module selon diverses frquences de prdilection, tantt graves, tantt aigus, rarement installes dans le medium.29 Le deuxime Campos, celui des grandes odes, ptaradant, ructant, tonitruant, assourdissant, plonge lՎcoute dans un tourbillon vertigineux dexpriences exacerbes, dans une tension maintenue gnralement jusquՈ ses plus extrmes limites. Cest pourquoi il dtient lui aussi une voix module, mais selon dautres paramtres : les formants dans le grave, le medium et laigu peuvent y tre associs, cest une voix enflamme, plus prcisment une voix-flamme, une voix-incendie parcourant tous les tages comme un sisme drglant tout sonagraphe qui se risquerait vouloir lenregistrer.30 Cette voix se lance dans de frquents crescendos en forme dimmenses vagues ascendantes puis retombantes, strophe-antistrophe et pode nous dit-il,31 mais combien nerveusement menes selon les canons de lesthtique moderniste et futuriste ! Cest la voix de Campos en laquelle rsonnent le plus fortement les rumeurs sourdes du corps.32 Enfin, chez le Campos dernire manire, lՎcoute est devenue flottante, linstar de ce dialogue acousmatique que retranscrit tel pome clbre :

 

Jaimerais aimer aimer.

Un instant Passe-moi donc une cigarette,

De ce paquet sur la table de nuit.

Continue Tu disais

Que dans le dveloppement de la mtaphysique

De Kant Hegel

Quelque chose sest perdu.

Je suis absolument daccord.

Oui, je tai bien cout.

Nondum amabam et amare amabam (Saint Augustin).

Comme cest curieux ces associations dides !

Je suis fatigu de penser ressentir autre chose.

Merci. Laisse, je vais lallumer. Continue. Hegel33

 

De le sorte, si,de manire gnrale, la voix de Campos semble ds lors voile, elle est parfois raille, hors de son rythme,34 parfois encore intense et bouillonnante, mais trs souvent cest une voix blanche, non pas au sens totalement dsincarn de la blancheur moderne, mais celui de la voix quune fivre trop forte a dtimbre.

Chez Bernardo Soares, lՎcoute est mene selon une fine oreille, attentive aux moindres nuances, en particulier lorsquelle est dirige vers des  sensations empreintes de mystre et de terreur , puisquelle y entend alors  les larves de lastral, les tres tranges, dots de corps diffrents, que la magie rituelle voque dans ses temples, les prsences dsincarnes de la matire situe dans notre plan, et qui rdent lentour de nos sens ferms, dans le silence physique dune rumeur intrieure [] 35 Marque par cette coute mticuleuse, la voix de Soares est soutenue, ce qui lui permet en fait de faire entendre les diffrences infinitsimales de la nuance, par un rythme apparemment monotone, celui de la prose o les cadences pisodiques des vers blancs ne font pas, selon Pessoa, disparatre la prose, linverse nՎtant pas vrai.36

On nabordera ici que trs succinctement les diffrentes voix orthonymiques, car lorthonyme est encore plus pluriel que Campos, sans doute autant que les trois principaux htronymes et le demi-htronyme runis, comme si lorthonyme tait un leurre de plus, dans le parcours sem dembches et de chausse-trappes quest la dpersonnalisation-simulation pessoenne, recouvrant une diversit intense aux fins de mettre en abyme, en quelque sorte,    lensemble du systme htronymique lui-mme.

On se contentera dabord de souligner les caractristiques spcifiques lorthonyme de langue anglaise. Son oue est curieuse de sons tranges, tant ceux de linfini[37] que ceux du dsir,[38] entendu dans son irruption la plus affolante. Pessoa en tant que pote anglais pratique en effet une coute transgressive aussi bien dans le domaine ontologique que dans celui de la sexualit, ce qui nest certainement pas sans rapport avec la langue anglaise quil manie : trange, contamine par le portugais, mlant dans une sorte de dlire linguistique les tats de la langue plusieurs poques (XVIIme, XIXme), de plusieurs gographies (Afrique du Sud, Grande-Bretagne, Amrique), ainsi que les styles de quelques auteurs de prdilection : entre autres, Shakespeare, Coleridge, Whitman Comme si une langue dgage des dterminations spatio-temporelles et des contraintes de lhistoricit tait la seule capable de rendre compte de lՎcoute des troubles ontologiques et sexuels. Outre que le choix de la langue anglaise (mais quelle langue anglaise !!! baroque, chimrique, composite) permettait sans doute un cart particulier dans le jeu des  fictions de linterlude , il semble aussi quil a entran lՎmergence dune voix allant, par fixation sur une tension extrme, haut dans laigu, un peu comme dans la  bande passante  mme de langlais, telle du moins quelle nous est prsente par Alfred Tomatis.[39]

Enfin, il faut rappeler que chez lorthonyme de langue portugaise un des thmes les plus frquemment trait est celui de lՎcoute intervallaire, en particulier dans les pomes rattachs au Cancioneiro ou  chansonnier , recueil de chansons. Une novelle fois est mise en abyme lopration fondatrice de lՎmergence des voix htronymiques, ce pour quoi la voix mme de cette instance qui cre le  chansonnier  est une voix murmure, voix dans laquelle les potentialits sont retenues, en suspens, sans tre dveloppes et dclines comme elles le sont partout ailleurs.

Il nest pas jusquau cycle des quatrains inspirs par la tradition populaire qui ne soit quelquefois marqu par le travail htronymique en tant que transmutation des troubles en doubles, comme par exemple dans le quatrain suivant :

 

Il y a un fou dans notre voix

Quand nous parlons. Nous larrtons :

Lui, mal-tre entre toi et moi,

Vient du fait que nous comprenons.[40]

 

Dans toute voix pessoenne, il y a bien une autre voix, faite de trouble (folie, mal-tre), mais aussi dune sorte de lucidit(comme le dit le dernier vers), laquelle est le moteur gnral de lentreprise htronymique.

Mais comment interprter ces phnomnes ?

Il existe de fait plusieurs paradigmes interprtatifs de lhtronymie, qui mettent presque tous laccent sur la ngativit qui semble travailler dans cette polyphonie dissonante, comme si les voix des doubles taient surtout voix de troubles au sens le plus dsesprant du terme.

Trois de ces paradigmes peuvent tre brivement voqus.

Le premier, le plus ancien, et le plus ais remettre en cause, tudie luvre de Pessoa dun point de vue psychologique (voire psychanalytique) et sans doute, au bout du compte, moralisateur. Il a t prsent pour la premire fois par quelques-uns des compagnons tardifs de Pessoa, des gens plus jeunes que lui, qui ont beaucoup fait pour promouvoir luvre. La version minimale de cette voie interprtative est celle de Joo Gaspar Simes, qui considre que les voix de lhtronymie sont des masques apposs sur soi-mme par un tre dont le trouble majeur serait celui du psychotique : hant par la disparition de tout et mimant cette disparition dans la dissimulation, uvre de compensation symbolique accomplie sous la forme dun rite.[41] Dans cette perspective sinscrivent les nombreux commentaires superficiels – quon peut encore trouver de nos jours, dans les salons o lon cause et chez certains journalistes – qui invoquent par exemple le trouble de la schizophrnie, comme si Pessoa oubliait dans chaque voix intrieure toutes les autres, alors quon saperoit vite, en le lisant, que ce qui lintresse, cest leur entrelacs incessant. Je ne dirai rien de la version purement psychanalytique de ce paradigme[42]: jy ai dj fait allusion, et je ne crois pas que le souci de remonter vers une scne primitive, en dcryptant, laide doutils opratoires convenus et jamais interrogs quant leur validit, et les voix et les relations quelles tissent entre elles, puisse dboucher sur des enseignements fiables et intressants. Il y a srement une pluralit de scnes primitives, certaines dailleurs construites aprs coup, comme il y a une pluralit de voix acousmatiques qui retentissent sur le fond chaotique de nos rumeurs intrieures, ce qui me semble mettre en doute, au nom dun certain scepticisme, la croyance en la possibilit dune univocit structurant par en dessous une telle diversit.

Le deuxime paradigme appartient grosso modo la tradition existentialiste. Il chappe la navet du premier et construit, notamment dans les textes critiques consacrs Pessoa par Eduardo Loureno[43], tout un rseau subtil multipliant les dialectiques, qui semble articuler pertinemment lexprience des voix intrieures. Deux remarques sont faire.

Premirement, un prsuppos tenace est maintenu gnralement dans ces tudes, celui dun dsespoir intrinsque lexistence, comme si Pessoa dmontrait lenvi la formule cioranesque selon laquelle  Chaque tre est un hymne dtruit [44] La fragmentation des voix serait lindice majeur de cette destruction inhrente lexistence. Or, plus dun texte de Pessoa vient infirmer ce postulat : lՎparpillement existentiel peut tre vcu comme un voyage,[45] ce qui fait de luvre un nomadisme travers les champs de la conscience, de linfra-conscience et des sensations,[46] plutt quune qute dsespre comme cela fut sans doute, je ne le nie pas, le cas pour Pessoa lՎpoque de la crise adolescente (par exemple dans les textes pres dAlexander Search[47]). Telle formule du Livre de lintranquillit ne dit-elle pas :  Je nai pas fait de ma douleur un pome ; en revanche, jen ai fait un cortge.  ? Et plus loin dans la mme page :  Si jՎtais musicien, jՎcrirais ma propre marche funbre, et comme jaurais raison ! [48]

Deuximement, cette approche critique est presque toujours sourde lorigine acousmatique de lhtronymie, comme si les uvres des diffrentes instances htronymiques taient toujours dj installes demble dans les abstractions philosophiques.

Ainsi cest encore lanalyse dun trouble ngatif que nous sommes conduits par cette approche : trouble de la conscience en tant que conscience en raison de sa capacit de  nantisation .

Un troisime paradigme, pour lheure et ma connaissance exclusivement reprsent en France par Alain Badiou[49] et Judit Balso[50], sapplique lire le dispositif htronymique dun point de vue spcifiquement ontologique et mtaphysique. Pour Badiou lhtronymie installe  originairement la contingence du multiple  :  Bien plutt quil na crit une uvre, Pessoa a dploy une littrature entire o toutes les oppositions, tous les problmes de la pense du sicle, viennent sinscrire. [51] Pour Balso, chaque htronyme structure une  figure de pense [52], reposant sur des dfinitions construites force d  assignations ngatives . [53] Cette  figure de pense  a une fonction proprement philosophique dans le cadre de lhistoire de lontologie et de la mtaphysique au XXme sicle. Caeiro serait ainsi  gardien de lՐtre  ou  Gardeur , Campos  Veilleur , Reis  Effaceur des dieux , lorthonyme  Fictionneur  et Bernardo Soares  Inquiteur . Mme si cette perspective critique considre quil y a une positivit dans luvre de Pessoa, elle est corollaire dune double sous-valuation : dune part, le travail sur les sensations (et a fortiori sur les sensations auditives, pour ne pas parler des sensations acousmatiques) est ramen au statut dun simple reflet du travail sur les abstractions ; dautre part, la rhtorique, qui est ce que Pessoa a trouv pour donner forme aux voix des doubles se trouve dvalorise en tant ramene au statut de moyen utilis pour mettre mettre en uvre les fameuses  figures de pense .[54]

Or, bien des formules de Pessoa chappent ces analyses venues se plaquer, toutes casques et armes, de lempyre des concepts, sur une uvre qui semble en fait les dborder. Un fragment du Livre de lintranquillit est de ce point de vue sans appel, puisquil dmontre la dpendance dans laquelle les abstractions sont par rapport la rhtorique, autrement dit le fait que ce ne sont pas les  figures de pense  qui crent les voix htronymiques, mais que ce sont les caractristiques de ces voix qui induisent telle ou telle formulation philosophique :

 

La mtaphysique ma toujours paru tre un prolongement de notre folie latente. []

          dfaut de savoir, jՎcris ; et jemploie les grands mots de la Vrit, si trangers mon esprit, selon les besoins de mon motion. []

          Parfois cest simplement le rythme de la phrase qui demandera Dieu, et non pas des Dieux ; parfois les deux syllabes de lexpression  des Dieux  simposeront delles-mmes, et je change alors verbalement dunivers ; parfois au contraire simposent les exigences dune rime interne, un dcalage de rythme, un sursaut de lՎmotion    et le polythisme, ou le monothisme, doivent suivre alors, et ont tour tour ma prfrence. Les Dieux existent en fonction du style. [55]

 

Dans la mme perspective, une autre formule est explicite :  Sans syntaxe, pas dՎmotion durable. Limmortalit est une fonction de grammairien. [56]

On peut aussi citer cet autre fragment du mme livre qui nous dit que les  penses  ne sont que les discours entonns par les voix acousmatiques :

 

Je professe les opinions les plu opposes, les croyances les plus diverses. Cest que jamais je ne pense, ne parle ou nagis. Ce qui pense, parle ou agit pour moi, cest toujours un de mes rves, dans lequel je mincarne un moment donn.

Je discours et cest un moi-autre qui parle.[57]

 

Certes, il y a, lorigine des voix des doubles, des troubles au sens de perturbations ou de disfonctionnement (de rats dans le rgime normal dun moteur). Mais ces troubles sont dabord dordre musical (non pas exclusivement, mais essentiellement)[58] : quelque chose parasite le droulement dun mcanisme, drgule le flux des productions acousmatiques. Il semble que les diffrentes voix htronymiques sont charges de dvelopper, damplifier ces troubles. Bernardo Soares crit quelque part quon est condamn  lՎcho des mots vides [59], ce qui signifie quon ne peut se confier rien quaux concepts, aux signifis, et aux jeux de signification sans remettre en doute leur efficace et leur statut. Les voix des doubles nonnent des mots vides, ce que le Faust de Pessoa appelle de  vaines cogiteries [60] : une substance langagire sen dgage, matriau brut quil sagit de mettre en forme peu peu. Soares prtend aussi que si lart  souffre , cest  rythmiquement ,[61] ce qui devrait pouvoir dune part dconnecter tout le pathos dont sont chargs les deux premiers paradigmes voqus, et dautre part rcuser le mpris et le dni de la rhtorique dont fait montre le troisime.

On pourrait aussi interprter les troubles au sens de la mtaphore des troubles sociaux : agitations, conflits, rvoltes On serait amener faire le mme constat. Le  tumulte terrible  dont on a fait mention au dbut fait dire Soares :  jai envie de crier dans ma tte , ce qui confirme bien quՈ lorigine des voix intrieures, il peut exister de telles tensions. Mais ces cris sont traits par la suite la faon des musiciens : on y oublie le smantisme (qui sert dsormais un peu de contrainte formelle) et la pathologie (qui change radicalement de nature) pour y glorifier les sensations sonores, et plus que le concept et le pathos, ce sont le percept et laffect qui y rsonnent. Un autre passage du Live de lintranquillit peut tre ici voqu :

 

          Rendre purement littraire la rceptivit de nos sens ; et les motions, si leur apparition risque de nous amoindrir, les convertir alors en matriau simplement apparu pour en faire natre des statues sculptes en phrases fluides et scintillantes[62]

 

Alors, il faut bien se rendre cette constatation : trouble veut dire aussi hsitation, oscillation, sur fond dՎmois exacerbs (comme dans lexpression  tre troubl par quelquun ou quelque chose ). Il y a donc dans lՎmergence des voix acousmatiques un phnomne doscillation se propageant dans un espace conu par Pessoa, comme on la appris plus haut, comme un intervalle, mieux encore comme un interlude. Il appelle en effet, comme nous lavons dj mentionn, Fictions de linterlude lensemble de sa production htronymique, sans doute pour que lon se rende bien compte que les voix qui y retentissent sont un interlude, cest--dire tout la fois un jeu entre, le jeu mme de lentre (de lintervalle)[63] – et surtout une production de nature musicale.

Mettant en abyme dans luvre orthonymique – et ce, comme il se doit, tant donn ce qui a t dit sur les fonctions de lorthonyme – ces phnomnes de premire importance, il intitule aussi Fictions de linterlude un cycle de pomes chargs de faire passer le post-symbolisme dont il est issu autre chose, dune musique lautre.[64] La musique post-symboliste se crispe l sur des phnomnes rappelant lallitration emblmatique du  tumulte terrible . Une voix bgue retentit, qui semble tre la crispation rituelle quun surcrot dՎmotion opre quand est imminent lavnement de quelque chose inou. Ce qui survient l cest justement la voix des troubles, mais au sens de voix des oscillations, du tremblement.

On retrouve la formule plusieurs fois dans luvre, en particulier dans le Livre de lintranquillit, o on peut lire cette notation :  Fictions dinterlude, qui viennent couvrir, multicolores, le marasme et laigreur de notre intime croyance. [65]

Nous appelons de nos vux, en compagnie par exemple de Jos Gil,[66] une approche moins ngativiste des voix acousmatiques, reposant sur une conception positive de la notion de trouble. Ce ne sont ni le marasme ni laigreur qui intressent cette approche, mais le dploiement chromatique, polyphonique, multivoque, opr par les Fictions de linterlude. Il sagira den saisir la dimension baroque et maniriste. L  ventail vivant [67] quest le polylogue acousmatique des voix intrieures.

Et ce, au nom de la logique mme qui prside et lattention accorde aux voix acousmatiques et leur composition travers la stratgie htronymique des Fictions de linterlude. On a propos nagure dappeler cette logique logique de la vibration.[68]

Ce trembl de sens quest tout phnomne vibratoire, outre quil dtient comme par excellence le flou (le trouble ?) ncessaire ce travail souterrain et subreptice quest lentreprise du pote  qui feint , Pessoa lui sait dabord gr dՐtre la manifestation dune amphibologie, tour tour et la fois cratrice et destructrice, mouvement brownien propre bouleverser – puisquil tourne sans cesse autour des ples et brise toute dualit, toute logique binaire – les vieilles dialectiques de labsence et de la prsence, du proche et du lointain, de lՐtre et du nant, etc.

Lhtronymie pessoenne relve bien de cette logique de tiers-inclus, quelle dcline inlassablement et magistralement. Avec elle, la logique spculaire est dpasse par la logique de la vibration qui fait des troubles des voix quil faut composer, dcomposer, recomposer sans cesse, selon les rgles subtiles dun contrepoint entrelaant les doubles, linfini et ad libitum.

 

 

Patrick Quillier

Universit de Nice-Sophia Antipolis  

 

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[1] Le livre de lintranquillit de Bernardo Soares, traduit du portugais par Franoise Laye, Christian Bourgois diteur, 1999, p.279

[2] Ibid., p.115

[3] Voir les articles ou prfaces que nous avons consacr ce sujet :  Linterlude infini, ou le paganisme impossible , in Fernando Pessoa, Pomes paens, Christian Bourgois, 1989, pp.7 14 ;  Fernando Pessoa ou la logique de la vibration , in Encontro internacional do centenrio de Fernando Pessoa, Secretaria de Estado da Cultura, Lisboa, 1990, pp.165 171 ;  Os cmbalos de Pessoa , in Colquio Letras 117-118, setembro-dezembro 1990 ;  Pessoa et loreille des doubles , in La question du double, BeauxArts – cole Rgionale des Beaux Arts, Le Mans, 1997 ;  La dramaturgie paradoxale de Faust: "tragdie du sujet" et tragdie de l'oreille , in Pessoa: unit, diversit, obliquit, dans Colloque de  Cerisy, textes runis par Pascal Dethurens et Maria Alzira Seixo, Christian Bourgois, 2000, p.427 451 ;  Htronymie, traduction et acroamatique , ibid., p.391 405

[4] Voir notamment  Des acousmates dApollinaire aux voix de Bonnefoy, Quelques rflexions sur la fine coute , dans Littrature et musique dans la France contemporaine, Actes du Colloque des 20-22 mars 1999 en Sorbonne, Jean-Louis Backs, Claude Doste et Danile Pistone d., Presses Universitaires de Strasbourg, 2001

[5] Le livre de lintranquillit, op. cit.,  p.289

[6]  Les choses entendues aveuglent .

[7] Dans uvres potiques, dition tablie et annote par Patrick Quillier, Bibliothque de la Pliade, Gallimard, 2001, p.1021

[8] Ibid.., p.1624 pour le texte et p.2048 pour son commentaire.

[9] Ibid., pp. 283, 290, 717, etc. Livre de lintranquillit, op. cit., p.l55

[10] Ibid., p.57

[11] uvres potiques, op. cit., pp.1554-1555

[12] Ibid., p.1505

[13] Ibid., pp.609-610

[14] Notre article  Pessoa et loreille des doubles , op.cit. tablit cette cartographie dun point de vue sonore et auditif, comme une sorte de sonagramme multiple.

[15] Le livre de lintranquillit, op. cit., p.125

[16] Dans La Haine de la musique, Calmann-Lvy, 1996, pp.165/6

[17] Dans la fameuse lettre dite  sur les htronymes , cite ici dans la traduction de Simone Biberfeld, dans Pessoa en personne, Jos Blanco d., La Diffrence, 1986, p.300

[18] Ibid.

[19] Dans un article intitul  Pulsions dans le langage et langage des pulsions , Franois Sauvagnat analyse le phnomne de certaines hallucinations audiophonatoires au cours desquelles le sujet  articule insensiblement des paroles quil peroit comme profres, soit par autrui, soit dans telle partie de son corps, mais sans que sa propre volont ny soit pour rien.  Bien que ses conclusions renvoient selon nous de trop prs dune part au langage freudien des pulsions guides par lappel du surmoi et dautre part la  grammaire philosophique  selon Wittgenstein, par laquelle le sujet atteindrait  une forme de certitude ,  sa toute dernire phrase, renvoyant des notions telles que la  vive voix  fonagyenne et  lexpressivit vocale  peut justifier des recherches pessoennes comme celle que nous prsentons ici. (Dans Revue dՃtudes Franaises dite par le Dpartement de Franais de la Facult des Lettres de l'Universit Etvs Lrnd de Budapest et le Centre Interuniversitaire dՃtudes Franaises (livraison automne 98 : publication des Actes du Colloque : Linguistiques, potiques, musiques – Rencontres en marge de luvre dIvn Fnagy et en hommage en son travail, organis par le Centre Interuniversitaire dՃtudes Franaises, en collaboration avec le Collegium Budapest, lInstitut Italien de Budapest et lAcadmie des Sciences de Hongrie, les 7, 8, 9 mai 1997), Patrick Quillier d., pp.63-78)

[20] uvres potiques, op. cit., p.29

[21] Voir le bel loge du vol de loiseau, qui  ne laisse pas de trace , ibid., p.37

[22] Posies et proses de lvaro de Campos publies du vivant de Pessoa, Jos Blanco d., La Diffrence, 1989, p.218

[23] uvres potiques, op. cit., p.19

[24] Ibid., p.39

[25] Ibid., p.93

[26] Voir Logique du sens, 10-18, 1969, p.225

[27] Ibid., p.227

[28] uvres potiques, op. cit., p.91

[29] Voir par exemple Opiarium (ibid., pp.193-197) ou la suite de sonnets intitule Barrow-on-Furness (ibid., pp.198-200)

[30] Lire tout particulirement Ode maritime, ibid., pp.231-233, et Salut Walt Whitman, ibid., pp.257-258

[31] Ibid., p.454

[32]  Comme je vous aimes tous, tous, tous , tous, / Par les yeux et par les oreilles et par lodorat / Et par le toucher (ce que vous palper reprsente pour moi !) / Et par lintelligence comme une antenne que vous faites vibrer ! Ah ! comme tous mes sens sont en rut de vous !  (ibid., p.208 –  Folie furieuse ! Envie de couiner, de sauter, / De rugir, de braire, denchaner bonds, cabrioles, cris avec tout le corps []  (ibid., p.261)

[33] Ibid., p.498

[34]  (Ces vers sont en dehors de mon rythme. / Moi aussi je suis en dehors de mon rythme.) , (ibid., p.463)

[35] Le livre de lintranquillit, op. cit., p.513

[36]  Dans la prose, nous pensons en toute libert. Nous pouvons y inclure des rythmes musicaux, et nanmoins penser. Nous pouvons y inclure des rythmes potiques, et demeurer cependant au-dehors. Un rythme de vers occasionnel ne gne pas la prose ; un rythme occasionnel de prose fait trbucher le vers. , (ibid., p.241)

[37] Voir lensemble du recueil Le Violoneux fou (uvres potiques, op. cit., pp.1505-1569)

[38] Voir pithalame (ibid., pp.1449-1461) et Antinos (ibid., pp.1465-1475)

[39] Dans Nous sommes tous ns polyglottes, Le livre de poche, Fixot, 1991, p.131, Tomatis dmontre quun locuteur anglais a une extrme sensibilit au suraigu (entre 2000 et 12 000 hertz).

[40] uvres potiques, op. cit., p. 1107

[41] Voir par exemple louvrage Heteropsicografia de Fernando Pessoa, Porto, Inova, 1973

[42] Voir par exemple Leyla Perrone-Moiss,  Notas para uma leitura lacaniana do vcuo-Pesoa , Actas do Primeiro Congresso Internacional de Estudos Pessoanos (Porto, 3-5 de Abril de 1978), Porto, Braslia Editora / Centro de Estudos Pessoanos, 1979, pp. 457-469, et Norma Backes Tasca,  A experincia do informe , ibid., pp.575-592

[43] Voir notamment Fernando Pessoa, roi de notre Bavire, trad. Annie de Faria, Sguier / Chandeigne, 1988, et Pessoa lՎtranger absolu, trad. Annie de Faria, Chandeigne / Mtaili, 1990

[44] Dans Le Mauvais dmiurge, Gallimard, 1969, p.161

[45] Voir ces deux formules clbres : De moi-mme le vagabond / Je vois dans le vent les musiques / Et mon me elle-mme, errante, / Est une chanson de voyage. (uvres potiques, op. cit., p.717) –  [] je nՎvolue pas : je VOYAGE.  (Pessoa en personne, op. cit., p.309)

[46] En 1985 jai compos pour un concours international une cantate intitule, partir dun vers du recueil Message, Alm da Dor ( Au-del de la douleur ). Javais certes mis la formule de Cioran comme devise danonymat, mais je lavais trait musicalement dans chacune des sections composant luvre. Ainsi, l  aria  de chaque htronyme prsentait un moment donn un  hymne dtruit , une sorte de choral que diverses techniques de composition mavaient permis de  dconstruire  chaque fois diffremment. Ce qui allait bien dans le sens du dpassement de la douleur dans une exprience-limite. Je renvoie la description technique de cette cantate que je donne dans  Htronymie, traduction et acroamatique , op. cit., pp.404-405

[47] Voir par exemple uvres potiques, op. cit., pp.1366-1370 ( une main), 1372-1373 (Insomnie), 1395-1397 (Chant du lpreux), 1426-1429 (clairs de folie)

[48] Les deux citations, dans Le livre de lintranquillit, op. cit., p.387

[49] Voir  Une tche philosophique : tre contemporain de Pessoa , dans Pessoa: unit, diversit, obliquit, op. cit., pp.141-155

[50] Voir  Lhtronymie : une ontologie potique sans mtaphysique , ibid., pp.157-190 et Pessoa, le passeur mtaphysique, ou la Posie comme pense de la posie comme pense, thse non publie, Universit des sciences humaines de Strasbourg, 1997

[51] Les deux citations dans  Une tche philosophique : tre contemporain de Pessoa , op.cit., p.154

[52] Voir, dans la thse prcite, les pages intitules  Oprations potiques et figures de pense , p.48-49

[53] Voir, entre autres pages possibles, le chapitre de la mme thse intitul  Quant lhtronymie : peut-on rcuser les assignations ngatives ? , pp.29-42

[54] Voir par exemple lՎloge des traits de rhtorique, dans Le Livre de lintranquillit, op. cit., pp.400-402

[55] Ibid., pp.116-117

[56] Ibid., p.242

[57] Ibid., p.230

[58] Voir cette formule significative :  Mon me est un orchestre cach ; je ne sais de quels instruments il joue et rsonne en moi, cordes et harpes, timbales et tambours. Je ne me connais que comme symphonie.  (Dans Le Livre de lintranquillit, Christian Bourgois d., 1988, p.36)

[59] Ce que confirme un des  rubayat  crits par Pessoa :  [] la confluence humaine en son ivresse / Est un vide en chos lancs de race en race.  (uvres potiques, op. cit., p.113)

[60] Dans Faust, La mort du prince, traduits et prsents par Patrick Quillier, Chandeigne, 1994, p.127

[61] Livre de lintranquillit, Christian Bourgois d., 1999, p.259 Voir galement cette formule :  Je me rappelle mon enfance les larmes aux yeux, mais ce sont des larmes rythmiques, o dj perce la prose.  (ibid., p.225)

[62] Ibid., p.375

[63] Voir mon article  Pessoa entre entre et entre  dans Entre Esthtisme et Avant-gardes, textes runis par Judit Karafith et Gyrgy Tverdota, Univesitas, Budapest, 2000

[64] Je renvoie ici au commentaire que je donne de ce cycle dans uvres potiques, op. cit., pp.1813-1816

[65] Livre de lintranquillit, op. cit., p.324

[66] Notamment dans ses ouvrages Fernando Pessoa ou la Mtaphysique des sensations, La Diffrence, 1988, et O Espao Interior, Editorial Presena, 1993

[67] Lexpression est spcifiquement relie par Pessoa au retentissement acousmatique (dans uvres potiques, op. cit., p.720)

[68] Dans  Fernando Pessoa ou la logique de la vibration , art. cit


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