Le travail de lĠombre
(notes sur Paul Celan)
Ç Cruche
de terre.
Cruche de terre o la main du potier sĠest greffe.
Cruche de terre que la main dĠune ombre a pour
toujours scelle.
Cruche de terre avec le sceau de lĠombre. È
Quatre
vers dĠAssise [1], dĠune simplicit foudroyante, comme
souvent chez Celan. Effet dĠnigmatique vidence, dĠÇ obscure clart È peut-tre – Celan, citant
Pascal, reprend lĠide que les potes font profession de lĠobscur
: Ç Ne nous reprochez pas le manque de clart puisque nous en faisons
profession È [2]
–, effet de profondeur lumineuse dĠun sens qui semble sĠvanouir
au moment mme o il se donne. Son panouissement, sa germination dans les mots
en signe la consumation immdiate : la rptition nĠaboutit pas la position
de lĠobjet, la plnitude de cette cruche de terre que les anaphores font
surgir et ressurgir, mais sa disparition. Le sceau de lĠombre recouvre
finalement lĠobjet en mme temps quĠil le produit, il le subtilise notre imagination au
moment o il le fait paratre. Peu peu sĠajoute la cruche, expose au premier
vers comme seule et unique ralit apparemment tangible et solide, ce par quoi
elle se dralise : sa forme, trace du travail et de la main de
lĠhomme qui nous la rend presque invisible.
La rencontre de la matire et de
la forme ouvre un espace qui est un territoire de lĠombre, que lĠombre fait
paratre : la densit de la chose, la consistance de la matire, la
plnitude de lĠtant sombrent dans ce versant mystrieux o le rel se ddouble
et se rabat sur son propre vestige. Thtre de dralisation : au moment o
lĠobjet vient tre et se profile dans lĠexistence, sa forme nĠest plus ce qui
le soutient, lĠidentifie et le configure, mais ce qui lĠefface. Le travail, la production, ne sont plus que
travail de lĠombre, Ïuvre du ngatif :
Ç Cruche de terre que la
main dĠune ombre a pour toujours scelle
Cruche de terre avec le sceau
de lĠombre. È
Le regard que le vers nous fait
porter sur lĠobjet le couvre peu peu dĠabsence, la chose est voile de privation
: la cruche a certes Ç pour toujours
È t scelle, ce qui en un sens lĠinscrit dans la dure, la permanence
de la chose et de la substance. Mais ce qui la scelle, ce quoi elle est
scelle, cĠest lĠombre, trace invisible et inconsistante. La main est devenue ombre, et
lĠombre fait natre la cruche comme rsultat du travail manuel. CĠest le rien
– dont on va voir quĠil occupe chez Celan une place cruciale – qui produit
lĠobjet : celui-ci est pour toujours hant par le nant de lĠombre. Ce que
produit le potier, ce nĠest donc pas quelque chose, mais une transformation par
le rien : de la terre informe nat peu peu la cruche comme forme dĠun travail qui
ne produit pas un objet mais ne fait que laisser une trace. Le travail –
ce par quoi lĠhomme fait le monde en tant que monde
– nĠest plus cration, production, il nĠest que
manipulation dĠune matire premire qui laisse merger une forme fantme, un
sceau sans lumire. Comme si lĠinvisible pouvait seul rendre possible lĠobjet
et lui donner ralit.
Tout se mle dans une forme de ralit
qui se rvle impossible : la cruche et la main sĠagencent et se fondent
dans la rptition qui les unit pour finalement les abolir. Ce qui donne,
apparemment, ralit lĠobjet, ce qui engendre la cruche, cĠest ce sceau de
lĠombre
qui nĠest le sceau de rien et qui emporte dans la privation de lumire cela
mme quĠil fait venir lĠexistence. DĠabord la main se greffe sur la
cruche et en devient solidaire, sĠy incorpore mme (puisque Ç greffe È dit lĠintrication
de la chair dans la chair), puis la main devient Ç main dĠune ombre È et passe de
lĠhomme lĠombre en effaant le premier, puis cĠest finalement la cruche qui
sĠefface, de nĠexister que par le sceau de cette ombre : la forme de lĠobjet
nat dĠun rien, nĠest rien, presque plus rien. Le travail nĠest plus production,
il nĠest plus que vestige, vanouissement. Et la cruche : un rsidu, une trace,
ralit de ce qui nĠest plus que ce qui reste. Survivance – peut-tre.
A travers cette strophe
dĠÇ Assise È, on commence voir que la langue de Celan, leste de nant et jamais greve de vide, est en lutte avec elle-mme.
Ce que la parole fait paratre, elle le supprime dans le mouvement o elle
lĠexpose. Ce qui est dit dans et par la rptition s'vapore, ne se ritre que
pour sĠamenuiser. Nous pensons saisir une signification, une image nat, un
sens sĠlabore, qui se dissipent dans le mouvement de leur apparatre. La forme
de lĠobjet est trace de la main de lĠhomme, fruit d'un travail
conu comme nantisation. Etrange faon quĠa le sens de se creuser
comme vide au-dedans des significations, lĠintrieur mme des mots. En cette
Ç greffe È potique, se nouent la main et la forme de la cruche, mais la parole
qui les fait exister est porteuse dĠune terrible ambigut puisquĠelle ne leur
accorde de prix quĠen les faisant peu peu entrer dans le nant. Ce que le
vers exprime se donne ainsi comme contraire de ce par quoi il sĠexprime :
les mots sĠajoutent pour faire natre une scne qui va vers son propre
anantissement et le registre du potique sĠinstalle au-del des significations,
en rupture, comme territoire qui ne peut tre atteint quĠ travers leur
ngation. Le langage laisse venir un sens qui est la ngation mme des signes. Il en va ici de la possibilit de la langue, de la
parole potique.
* * *
LĠapparition de la cruche se
transforme en rcit de sa disparition. La cruche de terre, dont la prsence
semble se confirmer mesure que les rptitions en martlent le nom, sombre
progressivement dans ce qui la supprime et ce qui la supprime est cela mme qui la
produit : le travail. Ce que le langage nous livre, ce quĠil faonne, cĠest un
objet nantis par le double geste qui le fait venir au jour : geste du potier
dĠabord, geste du pote ensuite. Ils sont l'image l'un de l'autre. La
production manuelle et la production verbale de la cruche
signifient ensemble sa nantisation. Le travail humain, production artisanale ou
cration symbolique, est atteint au coeur de son pouvoir. Le langage est rappel lui-mme : sa dimension symbolique, son pouvoir de mise en
prsence et de configuration du rel, sont pervertis, neutraliss. Ainsi, par exemple,
Ç lĠamour
efface son nom : il
se ddie
toi. È [3]
LĠefficacit
du langage est l encore celle dĠun geste dĠeffacement, de suppression. Ce qui est supprim
est le nom, lĠoutil symbolique qui permet lĠapprhension du rel. LĠamour ne
peut agir – se ddier lĠtre aim, tre pome donc – quĠen
sĠabolissant lui-mme comme signe. Celan nous parle dĠun rel o les choses
sĠactualisent dans leur propre disparition : de mme que la main du potier
nĠest quĠune greffe dĠombre sur la cruche et engendre celle-ci comme vestige,
lĠamour ne devient rel quĠen supprimant ce par quoi il prend forme, son propre nom. Comme le travail du potier, celui du pote Ïuvre
lĠeffacement, ou plutt, ne peut Ïuvrer quĠen un mouvement o le langage
sĠabolit comme ralit souveraine, capable dĠnoncer et de fixer lĠtant. Ce
qui dfinit lĠobjet, sa forme, ce sceau qui donne son essence la
cruche ou ce nom qui fixe la ralit de lĠamour (si bien que lĠaim devient justement
Ç Personne È, tre anonyme et sans nom, sans identit), ne laissent
advenir le rel quĠils visent quĠ travers la ngation des formes qui le
configurent.
La cruche, le nom de lĠamour,
seraient la mtaphore du sens lui-mme, en tant que ce sens nĠadvient que
dans un mouvement o se conjuguent prsentification et anantissement. CĠest le
travail de lĠombre qui Ïuvre dans ces figures – ce que dit un autre pome
magnifique :
Ç Les Cruches
Aux tables longues du temps
trinquent les cruches de Dieu.
Elles boivent, elles vident les
yeux des voyants et les yeux des aveugles
les cÏurs des ombres efficientes,
la joue creuse du soir.
Elles sont les plus majestueuses
des trinqueurs :
elles portent le vide la bouche
comme le plein
et ne dbordent pas comme toi ou
bien moi. È [4]
Les cruches sont le symbole de
cette nouvelle forme de ralit quĠinstaure la posie et qui oscille en
permanence entre les catgories qui nous servent fixer le rel
(on pourrait, ailleurs, analyser la mise en scne des catgories spatiales pour
observer comment les dimensions et les coordonnes se renversent et
sĠtreignent, se fondent et changent leurs rles, sĠannulent et convergent).
Ainsi les cruches Ç portent le
vide la bouche comme le plein È
: elles ne sont pas moiti pleines ou moiti vides mais contiennent
le vide Ç comme le plein È et cĠest cela mme qui est bu. Ce qui est
rel, cĠest la coprsence du plein et du vide, ils ont la mme valeur et le
mme statut. Les cruches Ç vident les yeux des voyants et les yeux des aveugles
È :
les deux faces du rel ne sĠopposent plus mais sont rtablies au mme niveau
par cette nouvelle effectivit du vide, du non-tre, qui entrane galement la
transfiguration des rapports objet/sujet, agent/patient (ce sont les cruches
qui boivent et qui trinquent : Ç Elles boivent (É) Elles sont les plus
majestueuses des trinqueurs È).
Les ombres
sont Ç efficientes È : elles ont un pouvoir, une efficacit. J.-P. Lefebvre le
souligne dans une note de traduction : Ç Waltend connote ici lĠeffectivit et la
puissance opratoire sur la ralit È [5]. Les Ç ombres
efficientes È sont lĠÏuvre du ngatif, elles signifient le registre de la
privation au travail. La posie ne semble nouveau possible –
aprs Auschwitz – que comme rhabilitation de la ngativit intrinsque
au langage, comme pouvoir de neutralisation, plus que de ngation, du rel – car cette neutralisation nĠa pas la capacit dĠoprer un mouvement dialectique de synthse mais inaugure une transfiguration o le
rel est aboli dans sa consistance et sa densit mmes. Fin de la Prsence (au double sens du temps et de l'espace) : le
rel est travers par le rgime mineur de lĠabsence et du vide.
Cet entrelacement du vide et du plein, de lĠtre et du non-tre, dfinit ce quĠon pourrait appeler le rgime de survivance de cette posie. Car tre survivant, cĠest perdurer dans lĠtre aprs lĠanantissement, ou plutt, cĠest faire de la nantisation la condition mme de lĠexistence – et lĠon pourra sĠaccorder dire que, au vu de sa biographie, durant toute sa vie, Celan a t pote afin de survivre. Survivre aux camps, la mort de ses parents, la destruction des Juifs dĠEurope, survivre dans un Paris hostile qui nĠa jamais su le reconnatre pleinement et sereinement. Un survivant est un tre qui fait de la mort et de lĠanantissement une condition de possibilit de sa propre vie et qui, en qualit de pote, se sert de la langue afin dĠassumer cette assomption du nant pour faire advenir un monde o il soit nouveau possible dĠhabiter.
Le rapport de la parole potique au nant sĠclaire travers la confrontation avec Mallarm, o tout se
joue prcisment autour de la question du pouvoir du langage. Dans Ç Le
Mridien È, Celan sĠinterroge : Ç devons-nous, avant tout
– disons – penser Mallarm jusque dans ses dernires
consquences ? È [6].
Or, chez
Mallarm, il semble que le langage soit dou dĠune consistance propre, dĠune
possibilit fondamentale dĠinaugurer une ralit nouvelle, idelle, qui est la
transposition du monde en mots, puisque Ç tout, dans le monde, existe pour
culminer en un livre È. Parce quĠil croit en la puissance symbolique du langage,
Mallarm pense pouvoir reconstruire en un livre, cĠest--dire en un univers
faits de mots purifis, ce qui existe dans le monde. Ainsi que le souligne Fernando Gil dans Ç La posie dĠexister È
[7], Ç chez Mallarm la structure de la langue se trouve lie
une thorie du potique comme transposition du monde en mots È :
pour le pote Ç plonger dans la structure de la langue est la faon de transposer le
monde È car Ç le langage ne perd pas, pour Mallarm, la relation un rfrent. Et le
travail de et sur la langue est investi dĠune mission dĠennoblissement thique
et politique, conformment au programme du Tombeau dĠE. Poe : Ç donner un sens plus
pur aux mots de la tribu È. È Cette mission suppose que le langage ait la
possibilit dĠtablir, ct du monde, lĠidalit de la rfrence potique ;
toujours selon Gil, Ç lĠopration ne consacre pas lĠauto-rfrence du mot,
elle tablit davantage la rfrence potique È. Ainsi la parole du pote jouit dĠun pouvoir capable dĠinaugurer dans le
langage et par le langage le double du monde dans son idalit. Le mot dĠordre
selon lequel il faut donner Ç un sens plus pur aux mots de la tribu È
dit trs explicitement cette qute presque phnomnologique : viser la
puret du noyau de sens par une mise en suspension de lĠexprience naturelle du
langage, tel quĠil est parl ordinairement par la Ç tribu È. Mallarm
recherche, la faon dĠun Husserl, une purification du sens.
Ainsi, Ç Je dis : une fleur ! et hors de lĠoubli
o ma voix relgue aucun contour, en tant que quelque chose dĠautre que les
calices sus, musicalement se lve, ide mme et suave, lĠabsente de tous les
bouquets. È [8] Le langage potique est
dou dĠune efficience qui consiste en la prsentification de lĠide mme ; on dira, sans trop
forcer le trait, que la parole potique nous conduit vers un noyau de sens qui
fait du mot (Ç une fleur ! È) le vecteur de lĠidalit et de
lĠintelligibilit, la faon dont le regard phnomnologique, brisant
la navet de lĠexprience naturelle par la fameuse pokh, nous permet de revenir lĠidalit du nome. Gil encore : Ç loin de se voir abolie, la fleur est constitue dans son essence potique et le mystre du langage consiste en ce que Ç la quasi-disparition vibratoire d'un fait de la nature È est la bonne manire de dire la chose dans sa vrit È. Est ainsi mise nu la
puissance symbolique du langage qui, laissant de ct les choses du monde (ici les
fleurs du bouquet) revient sur lui-mme pour faire surgir lĠidalit purifie
que les signes portent en eux.
A sa faon,
Lacan a soulign cette puissante fonction du langage : Ç Le mot ou le
concept nĠest point autre chose pour lĠtre humain que le mot dans sa
matrialit. CĠest la chose mme. Ca nĠest pas simplement une ombre, un
souffle, une illusion virtuelle de la chose, cĠest la chose mme. Rflchissez
un petit instant dans le rel. CĠest du fait que le mot lphant existe dans leur langue,
et que lĠlphant entre ainsi dans leurs dlibrations, que les hommes ont pu
prendre lĠendroit des lphants, avant mme dĠy toucher, des rsolutions
beaucoup plus dcisives pour ces pachydermes que nĠimporte quoi qui leur est
arriv dans leur histoire – la traverse dĠun fleuve ou la strilisation
naturelle dĠune fort. Rien quĠavec le mot lphant et la faon dont les hommes en
usent, il arrive aux lphants des choses, favorables ou dfavorables, fastes
ou nfastes – de toute faon, catastrophiques – avant mme quĠon
ait commenc lever vers eux un arc ou un fusil. DĠailleurs, cĠest clair, il
suffit que je parle, il nĠy a pas besoin quĠils soient l, pour quĠils soient
bien l, grce au mot lphant, et plus rels que les individus lphants
contingents. È[9]
La puissance
de prsentification du mot, la possibilit dĠintroduire la chose mme dans le
discours, en tant quĠide plus relle que les individus, dfinit en partie la
fonction symbolique du langage ici mise en valeur.
La rponse
apporte par Celan va clairement lĠencontre de cette conception. Dans lĠdition critique
du Ç Mridien È, parue chez Suhrkamp en 1999 et qui mentionne des
variantes et des corrections du clbre discours, Celan voque son rejet de
lĠesthtique, disons idaliste et enthousiaste, de Mallarm :
Ç Dans
le pome : ce qui veut dire, je crois, que ce nĠest pas – ou que ce
nĠest plus – nĠen dplaise Mallarm [en franais dans le texte], dans une de ces
constructions de langage qui assemblent les mots, voire des mots pris en
eux-mmes, en usant de subtilits phontiques, smantiques et syntaxiques. Ce
nĠest pas dans le pome qui se comprend comme Ç musique de
mots È ; ni dans aucune forme dĠÇ atmosphre potique È due
lĠharmonie des Ç sonorits È ; et pas non plus ni dans le
pome comme le rsultat de crations de mots, de compressions de mots, de
dmolitions de mots, de jeux de mots ; ce nĠest pas dans lĠune ou lĠautre
des nouvelles formes de Ç lĠart de lĠexpression È ; et ce nĠest
pas non plus dans le pome qui se donne comme une Ç deuxime È ralit
qui serait lĠlvation symbolique du rel. È [10]
Celan dnie
sans ambigut toute autonomie au langage, que ce soit du ct du signifiant
(Ç musique de mots È, Ç sonorits È, etc.) ou du signifi
(Ç lvation symbolique du rel È). Selon lui, la parole potique a
perdu cette capacit dĠinstaurer dĠelle-mme, en vertu de ses capacits
propres, Ç une Ò deuximeÓ ralit qui serait lĠlvation
symbolique du rel È. Chez Mallarm, la posie est encore du ct du verbe, elle opre la
transposition du monde en mots qui leur tour instaurent leur propre rfrence
idelle. Chez Celan au contraire, la parole nĠest plus souveraine et ne jouit
plus de ce pouvoir symbolique, son acte foncier nĠest pas lĠinstitution dĠun
ordre idal et autonome des significations mais lĠpuisement de ce pouvoir.
Paralllement
cette destitution symbolique, ce nĠest plus la plnitude ni la densit qui
dfinissent lĠordre des choses, de ce qui est. La rvocation de la notion de
ralit est le corrlat de cet affaiblissement du langage : car Ç la ralit
nĠest pas, la ralit a tre cherche et conquise È [11].
Ç La ralit nĠest pas È est sans
doute la proposition potique la plus puissante qui soit, elle est le corrlat
direct de lĠide selon laquelle le pome ne peut plus se comprendre comme jeu
et pouvoir des signifiants, Ç constructions È ou Ç assemblage de
mots pris en eux-mmes È, Ç musique de mots È, Ç harmonie
des sonorits È. Ce par quoi la posie sĠest faite verbe, instaurant peu
peu sa propre ralit travers sa texture signifiante, est rejet. Si la
ralit tait, il suffirait de la dire telle quĠelle se prsente (le langage
rejoignant toujours dj lĠtre, ou lĠinstaurant nouveau dans son idalit)
et, en un sens, cette solution offrirait tout le confort de lĠontologie. Chaque
entit serait, grce au langage, elle-mme et rien quĠelle-mme –
Ç ide mme et suave È –, et le monde nous accueillerait dans
la prsence de son identit. La parole potique aurait ainsi le pouvoir, comme le dit
encore F. Gil, dĠinstituer Ç une le de sens dans la mer du hasard È
et cette le serait un rel enfin domestisqu. Le pote raliserait ainsi,
suivant prsent Valry (toujours propos de Mallarm) Ç le plus bel effort
des humains È qui Ç est de transformer leur dsordre en ordre, et le
hasard en pouvoir È (cit par Gil).
Mais il est beaucoup plus
inconfortable de vivre dans ou face une ralit qui nĠest pas, et dĠavoir ainsi
affaire au nant. Et si la ralit nĠest pas, si paralllement le langage ne
jouit plus de ce privilge qui consiste consacrer un ordre
autonome de ralit, cĠest prcisment parce que la ralit a Ç tre cherche
et conquise È, cĠest--dire exige un effort, peut-tre surhumain, ou inhumain,
dĠavoir lutter pour quĠelle advienne. Le pote, Ç bless par la ralit
et cherchant la ralit È[12],
est responsable devant ce rel vers lequel il est en chemin, et le chemin,
cĠest la posie elle-mme. Dsormais, le pome Ç montre lĠvidence une forte propension se
taire È parce qu'il est Ç le lieu o les mtaphores et autres tropes,
tous, se rduisent lĠabsurde È : il est Ç non pas la parole, non
pas du langage, et on peut penser que ce nĠest pas non plus une parole Òqui
correspondraitÓ par un pouvoir initial des mots. È [13]
Vouloir faire advenir la ralit
ne peut-tre que le dsir et la croyance dĠun pote, qui sait aussi que, par
ailleurs, le langage nĠest plus le corrlat de lĠtre.
* * *
Amenuisement dĠun rel travers
de nant. La ralit est ce vers quoi lĠon sĠavance et non ce qui permet de
sĠavancer, ni ce que le langage labore. La parole potique est la
faon de sĠavancer vers ce rel sans doute insaisissable. Ce qui est
dĠordinaire rejet hors de lĠtre, parce quĠontologiquement inconsistant
– lĠombre, lĠobscurit, le sommeil, le Rien, la nuit –, occupe
dsormais une place dcisive.
Le Rien, figure capitale, presque
toujours en majuscule et associ la nuit, rsidu de ce qui est, cre lĠespace
o la rencontre devient possible. Deux citations :
Ç toi quĠau fond des
temps,
dans le Rien dĠune nuit,
jĠai dans la Non-nuit ren-
contre, toi
Non-toi – : È [14]
Ç et parfois, quand
il nĠy avait plus que le Rien
entre nous, nous nous trouvions
lĠun lĠautre tout fait. È[15]
Dans Ç Tant
dĠtoiles È, lĠapparition du Rien est tout fait remarquable. Dire quĠil
nĠy a plus Ç que le Rien entre nous
È, ce nĠest pas dire quĠil nĠy a plus rien. Le Rien spare encore les
tres, les amants, il existe donc encore quelque chose comme espace, en tant
que reste dĠespace. Il existe cette infime distance entre deux personnes,
irrductible, que lĠon ne peut abolir. Et sĠil nĠy a plus Ç que le Rien È, cela
sous-entend quĠil nĠy a plus rien dĠautre. La puissance du Rien tient dans
cette vocation de ce qui est ni. Le Rien convoque le tout, cĠest--dire tout le
reste de ce qui est, par le fait mme quĠil nĠest rien de tout cela, et il le
convoque lorsque plus aucune chose nĠest l. Il est la ngation parfaite et
neutre du monde. Non pas sa destruction mais son annulation. Il met entre
parenthses, neutralise Tout.
Au dbut du pome, le pote dit
quĠil a regard la femme justement lorsquĠil tait Ç dehors auprs / des autres
mondes È. La rencontre ne peut pas avoir lieu dans ce monde, sans doute parce
que ce monde nĠest plus habitable, ou plus habitable comme avant. [16]
Ailleurs : Ç AVEC TOUTES MES
PENSEES, je
suis sorti hors du monde : tu tais l
È (La rose de personne p. 31).
La femme aime est rencontre
dans un espace hors du monde, dans un espace que le Rien et la nuit ont provisoirement
– ou peut-tre dfinitivement – ouvert.
Mais Le Rien, comme
neutralisation du monde, nĠest pas rien, puisquĠil sert tablir la rencontre.
Ce rsidu, cette prsence vide cre justement la possibilit dĠtre prs lĠun
de lĠautre, de se trouver Ç lĠun lĠautre tout fait È (je souligne). CĠest
lorsquĠil nĠy a plus que le Rien que lĠon se trouve Ç tout fait È : il faut ce
rsidu infranchissable pour faire advenir lĠunit du couple. Une autre faon de
dire lĠimpossibilit de lĠamour, ou sa fragilit ? Si lĠexactitude de la
rencontre, sa prcision et son ajustement, tiennent cette condition quĠil ne
doit pralablement plus rien y avoir de ce monde afin quĠelle puisse avoir
lieu, alors on comprend la difficult : quel est lĠespace adquat pour lĠamour
? Du reste ici, la rencontre sĠexprime au pass et cĠest dans un temps rvolu
quĠelle a pu avoir lieu. Et cette rencontre nĠa eu lieu que Ç parfois È. CĠest
dire sa raret.
Ç Le Rien È: Ç rien È nĠest quĠun
mot de la langue, non une chose du monde. Ç Le Rien È, comme ngation du monde – de ce monde-ci tel que lĠHistoire lĠa rendu invivable – exprime aussi
le pouvoir dĠun langage qui ne saisit plus les choses en leur intimit et nĠest
plus le corrlat de lĠtre, mais qui se porte au plus prs de sa propre
inconsistance et de son immatrialit, radicale : souffle, flatus vocis. Et le souffle est
omniprsent dans La rose de personne. Ç Le Rien È, cĠest la parole
comme annulation de Tout ce qui est. Ç Le Rien È, comme Ç Personne È, sont les mots
par lequel le langage se dsigne comme non-tre en visant eux-mmes le
non-tre, ils font merger cet interstice de sens neutre que le langage dploie
en se dployant comme nant, issue hors de lĠtre. Mots qui ne se rattachent
pas aux choses et qui flottent dans le vide, mots qui effacent tout ce qui est
par la puissance dĠune neutralisation totale mais sans violence.
Autre exemple, dans
Ç Arbres-aux-lueurs È :
Ç Un mot,
pour lequel jĠai bien voulu te
perdre :
le mot
jamais. È [17]
Comme Ç le Rien È, Ç jamais È
vise une totalit, ici celle du temps, mais sans rien viser du tout. On
convoque la totalit temporelle pour la biffer aussitt. Jamais signifie Ç a
nĠa pas eu lieu È en mme temps que Ç cela nĠaura pas lieu È, cĠest une
affirmation, voire une promesse, mais sous la forme de la ngation. Ce nĠest
pas le temps qui est ici vis, mais le mot Ç jamais È en tant que tel. CĠest
bien du langage quĠil est question (le mot, le nom, hantent La rose de
personne), et cĠest pour obtenir ce mot, qui consacre le langage comme puissance de
nantisation, que Ç jĠai bien voulu te perdre È. Et cela a lieu au pass, en Ç
aval du monde È :
Ç Jamais. Aval du monde.
Je ne chantais pas. (...) È
Les mots privilgis par Celan sont faits
pour dire ce qui ne surgit quĠen un espace de parole dress contre la
consistance des choses et du monde. Ces mots expriment et exploitent le langage
comme ce qui se tient toujours en de du rel, hors de lui : car Ç la
ralit nĠest pas È.
* * *
Il ne faut pas oublier que Celan sĠinstalle dans une langue qui est celle des meurtriers de son
peuple, des assassins de sa mre, une langue qui a Ïuvr au pire et la destruction. SĠil est possible dĠcrire de la posie en allemand aprs
Auschwitz, cela ne peut avoir lieu quĠen vue de rdimer cette langue. Mais lui donner nouveau souffle et sens ne semble pouvoir se
faire quĠen dtruisant de lĠintrieur ce par quoi elle sĠest tablie. CĠest
pourquoi la Ç phnomnalit È de cette parole, la faon quĠelle a
dĠapparatre, dessine un trange mouvement o la condition du sens est dĠabord
la suppression de ce qui le rend possible. Le rapport de Celan sa langue ne
peut pas tre celui du pote ordinaire : il doit, en un sens, dtruire le moyen qui
lui permettra de parler, dtruire sa propre langue afin de pouvoir sĠy
installer et dĠÏuvrer son rtablissement. Je songe ici Ren Char :
Ç si tu dtruis, que ce soit avec des armes nuptiales È. Celan se
doit prcisment de dtruire cette langue qui est la langue de la mort –
cĠest--dire, il doit la Ç traverser È.
Ce point est clairement voqu
dans Ç lĠallocution de Brme È :
Ç Accessible, proche et non perdu demeura au milieu de
toutes les pertes seulement ceci : la langue. Elle, la langue, demeura non
perdue, oui, malgr tout. Mais elle devait prsent traverser ses propres
absences de rponse, traverser un terrible mutisme, traverser les mille
tnbres de paroles porteuses de mort. Elle les traversa et ne cda aucun mot
ce qui arriva ; mais cela mme qui arrivait, elle le traversa. Le traversa
et put revenir au jour, Ç enrichie È de tout cela. Dans cette
langue jĠai essay durant ces annes et les annes qui suivirent dĠcrire des
pomes : pour parler, pour mĠorienter, pour savoir o je me trouvais et
vers o jĠtais appel, pour projeter de la ralit mon devant. CĠtait, vous
voyez bien, appropriation, mouvement, cheminement, cĠtait la qute dĠune
direction. È [18]
Ainsi la langue de Celan nat
dĠune sorte de traumatisme congnital qui est que pour pouvoir se mettre
parler, il lui faut accepter dĠaffronter et de repasser Ç travers È la
langue des bourreaux et des tnbres, pour en ressortir. LĠacte potique sera
donc une traverse (au sens o l'on traverse, aussi, une preuve) de la langue : de ses Ç absences È, de
son Ç mutisme È, de ses Ç mille tnbres È, de ses
Ç paroles porteuses de mort È. On comprend mieux pourquoi le
mouvement du sens conjugue lĠtre et le nant, pourquoi la ralit potique
nĠadvient quĠ travers la nantisation du rel. La parole ne peut
plus tre ce verbe, quasi-mythique, qui consiste crer dans le langage
et par le langage, en sĠappuyant avec confiance sur ce que la langue offre
dĠtabli. La sdimentation des expressions, des significations, nĠest plus un
fondement : il faut dsormais saper ce fondement lui-mme.
Le premier pome de La rose de
personne est comme la mise en scne de ce rapport complexe de Celan sa langue.
Tout a lieu autour du verbe et de lĠactivit de Ç creuser È.
Ç Creuser È, dans ce pome, est le sme qui contient toute la densit
de cette traverse de la langue allemande.
Les premires strophes renvoient,
on sĠen doute, aux travaux forcs auxquels Paul Antschel a t contraint entre
1942 et 1944, enrl dans un bataillon de cantonniers. Mais, si lĠacte de
creuser est associ la mort ainsi quĠ la perte du langage, il est aussi li
de prs la renaissance et lĠamour. CĠest dans ce double mouvement portant
sur la transfiguration du verbe Ç creuser È que lĠon voit Celan traverser
sa langue pour tenter d'y faire briller nouveau la lumire du jour. Je cite le pome
dans son intgralit :
Ç Il
y avait de la terre en eux, et
ils creusaient.
Ils creusaient, creusaient, ainsi
passa leur jour, leur nuit. Ils
ne louaient pas Dieu
qui – entendaient-ils
– voulait tout a,
qui – entendaient-ils
– savait tout a.
Ils creusaient, et nĠentendaient
plus rien ;
ils ne devinrent pas sages,
nĠinventrent pas de chanson,
nĠimaginrent aucune sorte de
langue.
Ils creusaient.
Il vint un calme, il vint aussi
une tempte,
vinrent toutes les mers.
Je creuse, tu creuses, il creuse
aussi le ver,
et ce qui chante l-bas
dit : ils creusent.
ï un, nul, personne,
toi :
o a menait, si vers nulle
part ?
ï tu creuses et je creuse, je me
creuse jusquĠ toi –
notre doigt lĠanneau
sĠveille. È[19]
La rptition du verbe
Ç creuser È ne consiste pas, l encore, produire quelque chose,
mais soustraire, toujours davantage, liminer le rel, cĠest--dire ici la
terre elle-mme et les tres. Comme la terre est dans les personnages
eux-mmes, le fait de creuser revient se creuser soi-mme, comme il sera dit
la fin du pome. Se creuser soi-mme : une faon dĠÏuvrer sa propre
mort ? En un sens c'est possible car
lĠacte de creuser est associ la mort. Dans son tude sur Ç Paul
Celan ou la passion du rel È [20],
F. Cambon rappelle que le verbe allemand, Ç graben È, contient Ç Grab È, cĠest--dire
Ç le tombeau È, et il est clair que lĠacte de fouissement est dĠabord
associ lĠentreprise de mort, inpuisable, rpte jusquĠ extnuation. Ce
sont les prisonniers qui creusent, et lĠon creuse dĠabord des tombes, o ensevelir des corps et faire disparatre les morts. Et lĠexpression
Ç tout a È, semble dsigner, pudiquement mais sauvagement, la vaste entreprise
de destruction de la guerre.
Dans les trois premires
strophes, lĠexpression Ç sie gruben È est rpte cinq reprises
comme si cela ne sĠarrtait jamais et ne pouvait sĠarrter (le jour succde
la nuit sans interruption). Ce qui est frappant, cĠest que cette rptition est associe la disparition du langage et que lĠacte de creuser va de pair avec la fin
de toute parole : dĠabord Ç ils È nĠentendent plus rien (peut-tre
sont-ils dsormais sous terre, force dĠavoir creus) et sont privs de la possibilit
de communiquer. SĠen suit quĠils Ç nĠinventrent pas de chanson È et Ç
nĠimaginrent aucune sorte de langue È. Pas de son, pas de chant, pas de
langue : lĠhomme disparat en tant quĠtre de vie et de parole, ne rgnent
plus que la strilit et la mort.
Mais il semble quĠ force de se
rpter, force de creuser ce trou de mort quĠest la langue dans laquelle on
reoit lĠordre de creuser, la parole potique fasse advenir un espoir, la
possibilit dĠune autre ralit, qui se prsente justement comme la
transfiguration de la premire – la mort, la destruction –
travers une alchimie portant sur le verbe essentiel de ce pome,
Ç creuser È. En creusant, Celan traverse sa propre langue.
A lĠanonymat du pluriel
Ç ils È succde la quatrime strophe la relation, essentielle, du
Je et du Tu, face face qui est la condition pour que quelque chose
nouveau puisse avoir lieu. Seuls lĠamour, comme relation qui individue deux
singularits dans leur lan rciproque, et le pome comme espace
dialogique – dans ce pome le Ç tu È peut dsigner en mme
temps lĠtre aim et le lecteur, voire le lecteur comme tre aim, cette
ambigut est prsente chez Celan [21]
–, seuls lĠamour et le pome, donc, peuvent faire de ce verbe de mort un
verbe dĠespoir et de rencontre. Alors reviennent la posie, et le chant, et
lĠacte potique comme salut possible :
Ç Je creuse, tu creuses, il
creuse aussi le ver,
et ce qui chante l-bas
dit : ils creusent.
[É]
ï tu creuses et je creuse, je me
creuse jusquĠ toi –
notre doigt lĠanneau
sĠveille. È
Le ver Ç creuse È lui
aussi : sans doute creuse-t-il la langue qui est alle mourrant dans la
bouche des bourreaux. Creuser la langue signifie la pousser jusquĠau
bout, lĠextnuer, la rpter pour lĠpuiser et trouver dans cet puisement une
promesse, un espoir. Ce qui arrive effectivement ici o la posie devient vritablement une
arme nuptiale : en rptant peu peu le verbe de mort, le pome fait
de ce verbe son contraire, et Ç creuser È devient lĠacte par lequel
la parole renat entre le Je et le Tu, et rend plus ncessaire, et plus
vritable que jamais, la promesse du renouveau. CĠest en Ç creusant
È la langue que le Je potique creuse et se creuse vers cette figure
loue (Ç toi È) qui est indistinctement le lecteur et lĠaim. Ce qui est
creus, cĠest la langue elle-mme en tant que moyen de rejoindre lĠautre
– cĠest--dire au fond Ç personne È – qui le pome est destin. Le
dernier ver (Ç und am Finger erwarcht uns der Ring È) est une
promesse dĠamour, au terme dĠun pome qui sĠouvre sur la mise en
scne de lĠenfouissement destructeur et mortifre. LĠanneau est symbole
dĠunit, il est ici une alliance passe au doigt, une promesse pour le futur,
il permet le rveil des amants au terme d'une interminable nuit de mort.
Ainsi Celan transfigure le verbe
Ç creuser È en creusant cette langue qui est passe par le pire. Il sĠy
engage, lĠaffronte en tant que parole porteuse de mort pour ne rien lui laisser et enrichir tout ce qui, en elle, a t saccag et dtruit. Mais si aprs Auschwitz
il ne laisse ni les tnbres ni le mutisme ensevelir lĠallemand, sa
parole, dfinitivement, reste une parole dchue : elle loue lĠamour comme seule issue
en un monde certes pacifi mais toujours hostile, et sans jamais croire
lĠillusion dĠun langage souverain. Parole dĠombre et de nant, elle
tente dĠaller vers cette ralit fragile qui nĠest, pour reprendre lĠimage
clbre du discours de Brme, quĠun improbable rivage lĠhorizon du pome,
Ç Terre-CÏur peut-tre (...) un Tu qui parler È.
Eric
Beauron, avril 2010
[1] P. Celan, De Seuil en Seuil, in Choix de pomes, Gallimard, 1998, trad. J.P. Lefebvre, p.
98.
[2] P. Celan, Le Mridien & autres
proses, Seuil, 2002,
trad. J. Launay, p. 72. Celan ajoute : Ç Sinon congnitale, au moins
conjointe-adjointe la posie en faveur dĠune rencontre venir depuis un
horizon lointain ou tranger – projet par moi peut-tre –, telle
est cette obscurit È. LĠobscurit comme dimension premire de lĠespace
o, en lĠabsence de lumire, sĠouvre nouveau un monde, un nouveau monde comme
Ç rencontre venir depuis un horizon lointain ou tranger È.
Obscurit, horizon, rencontre : trois termes qui dlimitent lĠespace potique
de Celan.
[3] Ç Douze ans È,
La rose de personne, J. Corti, 2002, trad. M. Broda, p. 29.
[4] Dans Pavot et Mmoire, in Choix de pomes, op. cit. p. 69.
[5] Ibid.,
p. 334
[6] P. Celan, Le mridien & autres
proses, op. cit. p. 68 (N.d.t.)
[7] La traduction de Ç La posie
dĠexister È est publie dans ce mme numro.
[8] S. Mallarm, Ç Crise de vers È,
Îuvres Compltes, Pliade, Paris, Gallimard, 1945, p.
368.
[9] J. Lacan, Ecrits
techniques de Freud (Sminaire 1).
[10] Cit dans Le Mridien & autres proses, op. cit., p. 106.
[11] Selon la rponse faite par Celan la
librairie Flinker en 1958, voir Le Mridien & autres proses, op. cit., p. 32.
[12] Le MridienÉ , op. cit., p.
58.
[13] Ibid.,
pp. 74-79.
[14] P. Celan, Ç Radix, Matrix
È, La rose de personne, op. cit. p.65.
[15] P. Celan, Ç Tant dĠtoiles
È, La rose de personne, op. cit. p. 23.
[16] Dans Ç TA DEMEURE EST DEUX, ETERNEL, in-habitable È, le seul
lieu o lĠamour trouve exister est un dehors pluvieux, il nĠy a plus de
foyer, plus de couche nuptiale, plus de chambre ou dĠintrieur protecteur, et
le Ç lit pitoyable È est dress debout sous la pluieÉ on ne peut plus y dormir,
cf. La rose de personne, op. cit., p.77.
[17] P. Celan, Ç Arbres aux
lueurs È, La rose de personne, op. cit. p. 53.
[18] P. Celan, Ç Allocution de Brme È, in Le
Mridien & autres proses, op. cit. p. 56.
[19] Celan, La rose de personne, Corti, 2002, trad. M. Broda, p.
13.
[20] In Europe,
2001, pp. 99-121.
[21] Voir sur ce point Ç lĠallocution
de Brme È : Ç Le pome peut, puisquĠil est un mode dĠapparition du langage et,
comme tel, dialogique par essence, tre une bouteille la mer, mise lĠeau
dans la croyance – pas toujours forte dĠesprances, certes –
quĠelle pourrait tre en quelque lieu et quelque temps entrane vers une
terre, Terre-Coeur peut-tre. Les pomes sont aussi de cette faon en chemin :
ils mettent un cap. Sur quoi ? Sur quelque chose qui se tient ouvert,
disponible, sur un Tu, peut-tre, un Tu qui parler, une ralit qui parler.
È in P. Celan, Ç Allocution de Brme È, Le mridien & autres proses, op. cit.,p.
57.