Rves courts

 

 

 

 

 

MON MEDECIN

 

Je passerai certainement la voir dans les mois qui viennent, munie de ma CMU que jՎtalerai sur sa table de mŽdecin, en charge des finances de la sŽcuritŽ sociale de lՎtat, pour lui rŽclamer un arrt maladie, le nime depuis que je la connais. Je serai certainement livide, le poids en zone rouge, comme aime ˆ dire ma psy, un peu penchŽe comme pour se protŽger, elle se recroquevillera sur les papiers quÕelle prendra avec des pincettes du tiroir et consentira ˆ signer trois jours. Pour commencer, car a mՎtonnerai quÕen trois jours je puisse extraire de moi la gangue qui sÕest nourrie de ma santŽ, dont le tissu revit ds que je franchis le pas de mon lieu de travail ; mon cerveau tombe en miettes sur la moquette soigneusement nettoyŽe par notre homme ˆ tout faire, un sans papier qui sՎclaire ˆ la bougie et qui se nourrit de pattes dans ses sept mtres carrŽs laissŽs ˆ lÕabandon par son propriŽtaire ˆ qui il donne les trois quarts de son salaire.

 

 

LE REPAS

 

Des bouts de nourriture qu'elle fram”nta avant d'ingŽrer difficilement passaient par la cavitŽ sphŽrique de la gorge, des morceaux gris, lourds comme des cailloux, enveloppŽs dans une pielita qui ne laisse pas passer l'air, se frayaient leur chemin avec difficultŽ, poticnindu-se de tesuturile serrŽs, comme un phallus oprit de catre, par l'ouverture en trompe l'Īil d'un vagin.

 

- fram”nta : en langue roumaine se prononce Ō framinetaĶ : malaxe

- pielita : en langue roumaine se prononce Ō piŽlitzaĶ : membrane

- poticnindu-se : en langue roumaine se prononce Ō potiqueninedoussŽĶ : butant, trŽbuchant sur

- de tesuturile : en langue roumaine se prononce Ō dŽ tzŽssoutourilŽĶ : des tissus

- oprit de catre : en langue roumaine se prononce Ō oprite dŽ quatrŽĶ : arrtŽ dans son Žlan

 

 

Les fibres par lesquelles passaient ses Žmotions se sont dŽsintŽgrŽes et ont crŽŽ un kyste dans lequel sont allŽs sÕengouffrer ses cris, ces fibres avaient ŽtŽ disloquŽes et elle avait perdu les mots pour eux, pour les redŽfinir et se frappa la tte contre les murs en se disant quÕelle en Žtait incapable ; la forme de ses yeux, ses paupires sՎtaient dŽformŽes comme sous lÕeffet dÕune modification apportŽe ˆ leur ordonnancement... Je les appelle les liens affectifs. Un besoin intŽrieur de leurs rŽflexes interactifs provoqua dans leur muette paralysie le dŽrglement du systme nerveux, accrochŽs comme ˆ des fils tŽnus, de mots, ˆ des absences qui appelaient le raccord. La coupure a effacŽ le suivi des traits, cousus comme des restes sur le visage tumŽfiŽ.

 

 

LÕADULTERE

 

Jean s'est dit que la mort avanait ˆ pas de gŽant vers lui. Son corps flirtait avec elle. Felice n'Žtait pas en mesure de lui dire la vŽritŽ. Elle lui avait promis, pourtant, les mots s'Žtaient dŽsagrŽgŽs sur le bout de sa langue. Jean tenait ˆ savoir comme pour percer un mystre, en savoir plus sur ce qu'il ne pourra jamais dŽtenir de cette rŽalitŽ.

Elle aurait pu penser que pour lui c'Žtait un soulagement, il allait amener avec lui ce secret dans la tombe, au lieu de a, elle tournait les mots dans sa tte, incapable de se dŽcider, comme si elle doutait ˆ la fin de la vŽracitŽ de ce qu'elle s'apprtait ˆ lui dire. Etait-ce si important, aprs tout, qu'il sache que son passŽ avait ŽtŽ une sinistre farce, qu'elle s'est abandonnŽe ˆ lui comme par un coup du sort, ˆ bout de soi-mme, harcelŽe par le manque d'argent et l'angoisse.

Elle n'avait jamais pu lui dire des mots qui restaient ŽtouffŽs dans leurs grains, Žtrangre ˆ lui et par la force des choses ˆ elle-mme car elle s'est mise en tte de remplir son r™le d'Žpouse ˆ la perfection. Venir l'emmerder sur son lit de mort, le harceler, jusqu'ˆ ce qu'il parte, la chambre lugubre, la peur de la mort installŽe dans la pice lui ™tait ses moyens.

 

 

LE MATIN

 

Finissant la nuit seule dans le lit aux vieux draps dŽchirŽs sՎcrasant sous la couverture, m‰chant des angoisses arrtŽes dans sa gorge aux yeux plombŽs, plongŽe dans le souvenir de ce garon qui collait ˆ la peau. Elle se leva, ouvrit la bo”te ˆ bijoux, sortit un collier quÕelle accrocha ˆ son cou. Elle sÕallongea sur le lit, ouvrit la fermeture son collier, le posa sur la commode, adopta la position de fĪtus pour donner suite ˆ ses rves. Elle affichait une silhouette de pantin dŽsarticulŽ. Les lourds rideaux molletonnŽs, dentelŽs dÕune feuille de plastique, habillaient la pice comme un duvet un corps et dominaient la hauteur du plafond. La pice roulait, comme une fusŽe sur son orbite, sur sa tte.

 

 

LÕENFERMEMENT

 

Au fond de sa cellule, Chris dormait, recroquevillŽ en chien de fusil. On entendait des cris de la cellule voisine. Jean a dž piquer sa crise. Il avait mal ˆ un bras. Il avait mal dormi la nuit, tenta de se lever, s'assit sur la chaise. Les cris cessrent quelques minutes. C'Žtait l'heure du dŽjeuner. Le temps d'enfermement Žtait rŽglŽ comme une horloge, pas le temps de s'ennuyer. Les hurlements reprirent de plus belle, quand il sÕest agi de sortir pour manger. AlignŽs comme des fils, ils suivirent les ordres du ge™lier. Racnete sous forme de blagues emplissaient le local :

- Et toi, le sida•que pŽdŽ, je vais te niquer ˆ mort! Tire-toi.

Jean se positionna ˆ l'Žcart des autres et se parlait. Chris le regardait, ŽnervŽ, il se sentait plus seul que lui. Le ge™lier sÕarrta devant lui et annona une visite. L'Žtonnement avec lequel Jean accueillit la nouvelle lui semblait feint.

Il se leva, bras ballants, puant et suivit en tra”nant ses jambes, le ge™lier. Chris prit sa place pour tre tranquille, et sirotait la soupe, pipi de chat. Une remarque dŽsobligeante l'obligea ˆ se dŽfendre.

 

- racnete : en roumain, se prononce Ō raquenŽtŽ Ķ : des rugissements

 

 

Je vivais ˆ la pŽriphŽrie des villes, prs dÕun feu de paille lŽger, pŽtillant, un culcus en voile de vent, pendant des annŽes jÕai vŽcu lˆ, tout seul. Un jour, ils me surprirent, mÕont dit de dŽguerpir : ordre de police. Je ne savais pas o aller, alors jÕerrai comme ca, de route en route.

 

- culcus : en roumain se prononce Ō couleqouche Ķ : nid, abri

 

 

AU TRAVAIL

 

La solitude se fait bouche bŽante. F”sia de trotoar se surpa et mÕenterre. Je tÕamne demain le voir, il aura des yeux de plomb, le nez carrŽ, des genoux comme des citrons giclant leur jus savoureux sur le sol. QuelquÕun aspirait son sang, le fil branchŽ ˆ la prise. Derrire, vtue dÕun uniforme, debout. Elle lÕamena devant sa chef qui dŽbrancha le fil et lÕinstigua ˆ lÕisoloir.

 

– F”sia de trotoar se surpa : en roumain se prononce Įfichia dŽ trotoŠre se sourepaČ : le tronon de trottoir sÕeffondre

 

 

TAILLADE

 

JÕai mis sur la peau de mon visage des taillades. Les t‰ches que le sang a mises sur ma peau se sont Žtendues et se sont ŽcoulŽes par mes yeux. Je ne saurais le dire autrement que par taillades successives. JÕaimerais cacher des mots qui sont autres que ceux par lesquels les gens sÕexpriment.

 

 

LA MORT

 

Le loup frappa de la lumire verte de ses yeux ; ses traits tombants, ses yeux pleureurs l'avertirent. Le monsieur lisait sur des pages jaunies une sagesse dŽposŽe depuis des sicles. Ces marques lui guŽrissaient son enfant virtuellement, pour amoindrir l'effet de sa chute. Il est allŽ cueillir au bout du chemin des fleurs, des boutons, petits, et lui mit sur son nez, dans ses oreilles, lui Žtouffa le creux qui tentait de l'aspirer, le marqua aux genoux, ˆ la tte, sur la plante des pieds, des petits boutons ovales, qui, striviti, laissaient un jus diaphane, teintŽ de senteurs ‰cres, de fruits pourris. C'est lˆ qu'il fit sa demeure. La terre absorbait le jus puant, c'est lˆ o il fit sa demeure. Il construisit derrire la maison une sŽpulture.

 

- striviti : en roumain se prononce Į setrivitzi Č : ŽcrasŽs

 

 

LÕENVOL

 

- ‚a jacte en roumain.

- C'est sa langue, il para”t que a existe.

- Marron, foncŽe. Elle a un problme, la tte enfermŽe dans un bocal empli de liquide opaque.

- Tu la vois, toi ?

- Non.

- Donne lui ˆ bouffer, elle ne mange pas.

Elle essaye de se faire petite, a mis un mur devant son visage, et si elle avait eu le don dÕubiquitŽ, elle aurait bougŽ dans la pice ˆ c™tŽ o s'enferme, se contracte, rides et ridules noires gonflent son visage comme une bulle qui, entra”nŽe par les mouvements de l'air dispara”t par la fentre leganata d'alvŽole en alvŽole par les courants atmosphŽriques s'Žchappe par l'ouverture de la fentre.

 

- leganat : en roumain se prononce Ō leguanateĶ : bercŽ

 

 

LÕhomme avait rangŽ le cadavre dans sa bo”te ˆ brosse ˆ dents.

 

 

LA VILLE

 

Je vivais dans des cartons au bord de l'autoroute. Je me suis laissŽe, aprs le Contrat Emploi SolidaritŽ, celui ˆ l'armŽe ou n'importe o. Quand cela s'est-il passŽ ? Ont-ils rŽellement voulu me tuer ? Ils l'ont fait. Puis je me suis laissŽe, lassŽe, j'ai fui. Au tournoi de ping-pong de cette annŽe, qui a gagnŽ, t'en souviens-tu ?

Des restes d'tres humains Žtaient assis ˆ mes c™tŽs, au Centre Social ou ˆ l'ANPE. J'ai plaquŽ sur les cartons des grilles au tissage dense, pour que a tienne le coup au passage de l'hiver. Je me suis installŽe ici parce que j'Žtais ˆ bout, prs d'une dŽcharge o je fais mes courses. L'ailleurs m'a pris de court en allant le rejoindre, dans la ville la nourriture doit tre plus fra”che.

 

 

CENTRE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE

 

Elle pŽnŽtra secouŽe de hoquets qui m‰chent sa peine dans le hall devant sa psy qui lui embo”tait le pas, se sprijjini contre un mur ne dŽtournant son visage, masque mortuaire ”necat dans une flaque de dŽchets, affluent quÕelle Žvacue dans son usine corporelle qui digre, expulse, ˆ laquelle elle lasse le soin de filtrer, jeter dÕo elle extrait une nymphe balayant son corps. La psychologue nous offre un visage rayonnant, le corps excitŽ tourne sur lui-mme, rejoint la salle de mŽdecins, fait demi-tour dans le hall gardant en bouche un bol alimentaire de culpabilitŽ et de dŽgožt. "Madame Frie va sÕoccuper de vous." Ë travers la porte vitrŽe, elle affiche un sourire.

 

- se sprijjni : en roumain se prononce Ō sŽ sprijiniĶ : sÕadossa, sÕappuya

- ”necat : en roumain se prononce Ō ”nequateĶ : noyŽ

 

 

LE MƒTRO

 

Le bord du trottoir Žtait traversŽ par lÕeau des Žgouts. La rue Žtait en pente. Il sÕapprtait ˆ pleuvoir. Il ne savait pas vraiment o aller, ressemblait ˆ une voiture sans chauffeur. Ses jambes devenaient plus lourdes pendant quÕil marchait. Il descendit ˆ Rambuteau. Des silhouettes se dŽcoupaient sur les affiches encollŽes le long des murs. Le mŽtro avait filŽ droit dans le tunnel. Une cabine dÕalarme sՎlanait vers le haut.

Des gens se dirigeaient dans les tunnels ou montaient les marches qui menaient dehors. Prs dÕun mur, un homme sortit tout dÕun coup son couteau et lÕenfona dans une personne ˆ la peau foncŽe qui passait.

 

 

LE BANC 

 

Les trottoirs dans une lumire noire, parcourue dÕenseignes lumineuses et panneaux aux noms des boutiques, aux lettres picur”nd (laissant s'Žcouler) sur le rideau ˆ la couleur dŽlayŽe par le tissu l‰che de pluie, (pŽnŽtrŽe dans les fibres, absorbŽe par le tissu), qui ˆ travers les gouttes laissait sa piqžre. JՎtais ˆ trois pas de lui, il ne me reconnaissait pas, je me retins de le jeter dans le caniveau, de reproduire le moment o il me poussa violemment sur le banc.

 

 

AU BAR

 

Il arriva hier, une table plus loin, il mangeait, les hommes Žtaient debout, quelques-uns bouffaient au bar, je ne savais pas son nom, il faisait beau, l'un dÕentre eux vomit et quitta le cafŽ, il dŽplia ses jambes sous la table.

Ce soir, il ne vit que son ombre passe, mais il savait qu'avec quelques miettes il irait pas loin.

 

 

LE COUPLE

 

Les visites se faisaient de plus en plus rares, il n'avait plus toute sa tte, aboutissait difficilement ˆ un dialogue cohŽrent avec l'autre. Il se confrontait ˆ des silences, des trous qui se rŽsorbaient lentement, difficilement au bout de quelques minutes. Elle n'avait manquŽ aucune de ces journŽes de permission, et ne voulait pas le laisser seul, pas un seul instant.

Ils se sont rencontrŽs pour la premire fois sur une vallŽe, accompagnŽs de leurs amis, lors d'un pique-nique, se sont passŽ le sel, lancŽs des Īillades timides au dŽbut et francs lorsque la discussion s'est engagŽe. Leur couple s-a ”nchegat sur des impressions qu'ils avaient en commun, qui se sont avŽrŽes de plus en plus clairs, limpides, ca venind de la sine.

Elle avait appris trop tard l'accident, une avalanche de cris, quelques-uns cachŽs dans la foule, au timbre des sc”ncete des enfants. Ils se sont vus que plus tard, lorsque lui, tr”ntit sur une chaise roulante en transit dans la rŽalitŽ, bouchŽe par des r‰les, lui souriait. Il Žtait ˆ l'abri des souvenirs. Elle Žtait lˆ le dimanche.

 

- s-a ”nchegat : en roumain se prononce Ō sa ”nquŽguate Ķ : sÕest consolidŽ

- ca venind de la sine : en roumain se prononce Ō qua veninede dŽ la sinŽ Ķ : comme allant de soi

- sc”ncete : en roumain se prononce Ō sc”netchŽtŽ Ķ : glapissements

- tr”ntit : en roumain se prononce Ō tr”netite Ķ : renversŽ

 

 

STEPHANE

 

StŽphane avait les poignets attachŽs, les organes jaillis de lÕestomac, comme les fils dÕun cadavre de tŽlŽ que je trouvais lÕautre jour dans la rue. Les fils Žjectaient la tte de StŽphane, ses mains frles, mallŽables suivaient lÕordonnancement des particules dÕair, dont il tailladait les contours, tirant le trait noueux, rompu, glissant du bo”tier tele qui le rŽvŽlait, tracait, entourŽ dÕun personnage dans la rue, une clope au bec.

 

 

LÕATTENTE

 

Deux pelŽs et trois tondus dans le hall de gare. C'est une petite gare. Une femme est assise, droguŽe, ˆ c™tŽ de son ami. Il leur manque deux euros pour prendre le train. Son ami le demande ˆ tous les voyageurs. La fille est enceinte. Sa tte tourne. "Ils n'ont pas deux euros." Je n'ai pas deux euros. Ils ne sont pas lˆ. Ils ont dž trouver les sous. Y a un groupe qui doit arriver. Ils doivent tre lˆ d'une seconde ˆ l'autre. Ils vont sortir du train. Je dois les convoyer jusqu'ˆ Lille.

 

 

LA CHARRETTE

 

Je regardais la lune, dessus des virgules blanches. Un Īil s'Žcoulait sur elle. L'aura qui la cernait Žtait pŽnŽtrŽe de gouttes de sang. Celle-ci se trouvait sous la vožte cŽleste. Elle Žtait tirŽe par une charrette, trasa par un homme qui ducea oale, dans laquelle se trouvaient ses fils. Pe trotoarul blanc, la lune s'Žcoulait.

Il allait en ville vendre du beurre. Un des enfants s'assit ˆ ses c™tŽs. Les autres s'Žtaient endormis. Des voitures le klaxonnaient ŽnervŽs. "Sales tziganes" criaient-il pendant qu'ils les dŽpassaient. Le petit s'Žtait rŽveillŽ et se blottit dans la veste de son pre. Ils arrivrent ˆ la ville pour vendre du beurre et du fromage.

 

- ducea oale : en roumain se prononce Ō dutchŽa oale Ķ : transportait des casseroles

- Pe trotoarul : en roumain se prononce ŌpŽ trotoaroule Ķ : sur le trottoir

 

 

LE VAGIN  

 

Vagin ŽcrasŽ sur un trottoir mouillŽ de ton sperme, au dŽpart vagin gauche, virtuel, puis petit ˆ petit pŽtri de tes mains, ŽcrasŽ entre tes doigts couleur p‰te de verre. Vagin mouillŽ de ta salive, au dŽpart gauche, livide, puis paroi lisse, pulvŽrisŽ au contact de mes yeux, vagin ŽcrasŽ sur le trottoir empreint de tes pas, un territoire avide ˆ cactus plantŽs sur la colline tout prs du ciel bleu qui baigne mon visage de ses nuages. Au dŽpart gauche, livide, empreint de tes pas, verre p‰teux transparaissent les hommes, en colonnes emmitouflŽs, au dos ”ncovoiat. Etroit le chemin qui les sŽpare sur le sol blanc, neigeux, se meuvent comme des tremuris, dÕaucuns tombent, puis vers les longues terres vertes au bout duquel se tient un homme nu, ˆ lÕallure grotesque et hallucinŽe qui me fait signe de ne pas bouger, de rester neclintita ˆ ma place.

 

- ”ncovoia : en roumain se prononce Ō innequovo•aĶ : courbŽ

-  tremuris  : en roumain se prononce Ō trŽmouricheĶ : bruissement

- neclintita : en roumain se prononce Ō nequelinnetitaĶ : immobile

 

 

LÕATTENTE

 

Deux pelŽs et trois tondus dans le hall de gare. C'est une petite gare. Une femme est assise, droguŽe, ˆ c™tŽ de son ami. Il leur manque deux euros pour prendre le train. Son ami le demande ˆ tous les voyageurs. La fille est enceinte. Sa tte tourne. "Ils n'ont pas deux euros." Je n'ai pas deux euros. Ils ne sont pas lˆ. Ils ont dž trouver les sous. Y a un groupe qui doit arriver. Ils doivent tre lˆ d'une seconde ˆ l'autre. Ils vont sortir du train. Je dois les convoyer jusqu'ˆ Lille.

 

 

UNE LIAISON

 

JÕavais passŽ des journŽes entires brouillant des idŽes, fac”nd farmece cu pleoapele cazute au prince charmant pour quÕil se transforme en fĪtus malade, rŽduit, consommŽ, dŽterminŽ ˆ Žjaculer un liquide horizontal ˆ lÕodeur putride, aux petites gouttes purulentes qui Žclatent sous la peau, serties de poussire dÕor, amassŽs en une bague au doigt, tirant le reste dÕun cordon ombilical dÕune fabrique de boyaux ayant comme fonction de filtre par leur contenu lÕarrivŽe dÕair et dՎtrangler mon passage, empreinte dans laquelle les habitants avaient pour habitude de jeter les btes mortes. Je tournais ˆ grands pas autour du puits.

 

- fac”nd farmece cu pleoapele cazute : en roumain se prononce Ō faqu”nede pharemetchŽ qou plŽoapŽlŽ quazoutŽĶ : ensorcelant les paupires tombŽes, renversŽes

 

 

on arrte pas de me dire de renter chez miiii

 

 

C'est elle qui lui avait racontŽ la nouvelle. Un jus d'orange ˆ midi avait soulagŽ sa fatigue. Elle se cambra sur la chaise du cafŽ, se tenant prte ˆ affronter l'aprs-midi de travail. L'usine fermait tard, ces heures Žtaient un boulet qui tombait comme en plein repos dominical. La respiration tendue, elle se leva et avana comme une somnambule vers le mŽtro. Elle descendit pas ˆ pas l'escalier, en faisant attention de ne pas se rompre le cou, le revers de sa personne s'accommodait mal ˆ la vulgaritŽ agressive qui rŽgnait au boulot et cherchait une Žchappatoire lorsque le pic de tolŽrance Žtait atteint. Un homme assis par terre, en bas de lÕescalier la regardait ou peut-tre pas, impassible depuis des mois, une pancarte ˆ la main, marquŽ : "J'ai faim." "Il fallait s'entraider Ķ, pensait-elle dŽsespŽrŽment. Parfois ˆ bout, vivement quoi ?

 

 

Les sŽquences du film firent volte-face, sa chair bleuit au fur et ˆ mesure, son oncle venu dÕon ne sait o sÕadressa ˆ elle pour lui demander de lÕargent. Į Ne me demandez rien Č. Les ŽlŽments flottaient. Dans la prison il fit la tte.

 

 

LE PREMIER CRI

 

Il Žtait prt ˆ la laisser tomber, d'autant plus qu'elle allait lui pondre un m™me. Le jour bŽni arriva ou selon l'avis des mŽdecins il Žtait trop tard pour tuer l'enfant. Ils la placrent dans un centre d'accueil tenu par une association humanitaire. EffarŽ par la nouvelle, le garon dŽguerpit sur le champ et ne lui donna plus signe de vie. EntourŽe de filles enceintes, elle se sentait protŽgŽe et ˆ l'abri, mit une croix sur le sexe masculin en gŽnŽral et attendit patiemment l'arrivŽe de l'enfant. Quelques heures avant la naissance, le pre, prŽvenu par des amis, arriva ˆ l'h™pital. Elle feignit l'indiffŽrence, la pŽridurale lui fit oublier sa prŽsence. La tte ensanglantŽe et poilue pointa de son entrecuisse.

- Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? laissa Žchapper le garon vers le nouveau-nŽ.

La mre le foudroya du regard. Il demeura immobile, la tte vide, gnŽ par la situation inconfortable dans laquelle il Žtait.

 

 

SANS TITRE

 

Quand je traversai le tunnel un hululement mÕaccompagna. Une porte quand jÕavanai. Je poussai la planche de bois. Du gaz coula sur son dos. Je me trouvai sans tte. Paysage furtif du bas. QuelquÕun lui tirait la peau du cou et ses traits se baissrent. Le squelette.

 

 

Nous vivons seuls avec un personnage quÕon a crŽe soi-mme de toutes pices. ënghesuit, mal ˆ lÕaise. Des nomades ˆ ttes dÕaigles, sur des terres quÕils ont foulŽ de leurs pieds. Mettre au plus bas, mettre bas. Lui sՎtait fait la malle, une malle grea, quÕil avait du mal ˆ soulever. QuÕil avait pensŽ jeter mais qui sÕest avŽrŽe par la suite pour ses comptes quotidiens, entre les chemises propres et les pantalons apprtŽs pour la prŽsentation dans les boulots o il jouait un personnage selon.

 

- ”nghesuit : en roumain se prononce Ō ”neguessouite Ķ : bousculŽ

- grea : en roumain se prononce Ō guerŽa Ķ : lourde

 

 

PERVERSION

 

La rue Žtait vide. QuelquÕun venait de sÕy faufiler ; dans un coin au fond, sous lÕescalier (quÕil recouvrait par la suite dÕun sac-poubelle) il amenait de la sanie, deux yeux de verre, des os et diffŽrentes btes de petite taille ou insecte quÕil tuait ˆ petit feu sur place. Il repartait quand la souffrance cessait.

 

 

LÕHISTOIRE

 

Une histoire planante, de celles quÕon raconte ˆ corps perdu, une histoire des plus sacrŽes qui remonte ˆ des temps m”ncate de catre viermi cei mai nesuferiti, que je chantais cu note stricate une ascension sans but vŽritable, au fond de quelques vŽritŽs brutes qui vont appara”tre ˆ la lumire vite. Une histoire qui remonte ˆ la nuit des temps qui prendra effet et fin lorsque des jours blancs, aveuglants m”ncate de timpuri vont cŽlŽbrer des contacts lŽgrement sanguinolents qui ne pourront et vont se disperser comme une vase noire et baveuse sur les futures variantes ; des senteurs m”ncate de timpuri, une victoire des plus acharnŽes contre des Žvnements malgrŽ eux confus, une histoire vivant des calamitŽs ˆ bout de ce qui para”t tre une ŽternitŽ.

 

- m”ncate de catre viermi cei mai nesuferiti :  en roumain se prononce Ō m”nequatŽ dŽ quatrŽ v•erm• tche• ma• nessoufŽritz•Ķ : mangŽes par les vers les plus immondes, vils

- cu note stricate :  en roumain se prononce Ō qou notŽ striquatŽĶ : avec de fausses notes

- m”ncate de timpuri :  en roumain se prononce Ō m”nequatŽ dŽ timepour•Ķ : mangŽes, rongŽes par le temps

 

 

LA VILLE

 

Je passe dans la ville, ˆ ce moment noire sans la moindre bouchŽe dÕair frais emplie de gaz dՎchappement. On voit le toit de la voiture qui sÕextrait de la route. Et par moments on dirait que cÕest pour se rassurer de ce qui pourrait arriver au-dessus dÕelle. Cet espace souterrain la plongeait dans ses pensŽes calmes et irrŽflŽchies par intermittence vite dŽchirŽs les alentours.

 

 

LA TETE

 

Je marchais le long de la voie, il faisait frisquet. Un clochard m'interpella pour me demander une cigarette. La nuit Žtait tombŽe. Ë la maison, ma mre dormait. Aprs tout ce travail, jour et nuit. Je fumais une cigarette et me mis ˆ dessiner. Je flippais, ma mre bossait pour deux et elle avait le double de mon ‰ge. Si a avait ŽtŽ un homme, j'y nÕaurais pas vu d'inconvŽnient. Mon psy a bien travaillŽ, je ne fais plus de crises. Je suis bien plus cool maintenant. Les projets me comprimaient la tte. ‚a tombait toujours ˆ l'eau. ‚a sert ˆ rien. Ils se dŽgagent par la bouche des autres avec des mots comme : "Rentre dans ton pays !" Le temps s'Žtire et tord pŽniblement mon corps. ‚a provoque de l'Žnergie nŽgative qui me donne un air encore plus agressif. J'essaye de faire sortir une forme de mon gribouillis, elle appara”t doucement, je lui donne l'apparence d'une tte. Mon psy ressemble ˆ un mannequin chic, sa peau, ses vtements sont impeccables. Il veut m'imposer ses leons, a ne marche pas, il est le moule dans lequel je forge ma p‰te.

 

 

LA VILLE

 

L'homme allait par les chemins vides. Il faisait noir. Il n'arrivait pas ˆ dormir. Des bandes de jeunes traversaient le quartier. Ë presque tous les portails, des gens dormaient par terre.

La main a trouŽ dans la peau : des vampires aux langues pendantes en manque, des sirnes bleues, sexy, des dragons en feu.

On avait collŽ quelques habitants aux parois extŽrieures du foyer, pour ne pas qu'ils se jettent par la fentre, avec de larges bandes de sparadrap. On leur donnait ˆ manger de loin pour vŽrifier leurs rŽflexes. De temps en temps quelques-uns se dŽcollaient. Y en avait qui s'amusaient ˆ bržler leurs sangles pour voir leurs rŽactions.

 

 

LE COURANT PASSE

 

Au dŽbut, la terre Žtait une forme sans limites, chaotique et fluide. QuelquÕun coupa dans sa masse afin de la contenir. Le bras ne repoussa plus, cicatrisa, cousu avec du fil. Mais entre les fils la chair dŽsirait sՎtendre et aux dŽpens de sa santŽ, elle coupa par endroits le fil et poursuivit sa croissance ; les blessures occasionnŽes cicatrisent peu ˆ peu. LÕĪil humain nÕarrivait pas ˆ suivre son dŽveloppement, rŽgi par des lois mŽconnues, car il avait lieu dans un espace illimitŽ dans lÕapesanteur. Donc, ˆ partir dÕun moment donnŽ, inexpliquŽ, nous ne voyons plus rien de lÕespace qui nous entoure et croyons quÕil est terminŽ.

 

 

LÕADMINISTRATION

 

Leurs peaux tombent. Des rictus sur le visage, des grimaces figŽes de la folie, des monstres sont nŽs. Ils tremblent, piŽtinent, des muscles de leurs visages sont morts, il nÕy a pas dÕinflux nerveux ou de volontŽ de les bouger. Ils parlent seuls et rient. Ils sÕamusent dans la folie, cÕest un autre monde. Si je leur parle, je suis foutue. Je me sens attaquŽe. Chacun dÕentre eux en est atteint, ils forment les bras dÕune pieuvre. Il est venu me dire que ca ne va pas, il nՎtait plus en lui-mme. Il ne restait de lui quÕune peau morte, il Žtait devenu tout petit, la vie lÕa quittŽ, son sourire Žtait juste un mouvement des mandibules.

 

 

LA SEPULTURE

 

Des mches de ses cheveux gisent, ca et lˆ, mouillŽes. Une sŽpulture Žtait creusŽe derrire une des tentes, petite, mais quelquÕun l'avait bien creusŽe, lˆ. Elle va tre recouverte.

 

 

Elle tourne la tte. La maladie la ronge, des yeux vides de fatigue, d'impuissance. Parfois des yeux tristes

 

 

LE CHAT

 

La sentant arriver, il dŽguerpit, comme une vague poussŽe par le courant, un fant™me qui s'est dissipŽ, absorbŽ dans l'atmosphre pour rŽflŽchir. Au loin, il prŽsageait de se laisser emporter par le courant d'une mer du sud, stagnante, turbulente, visqueuse, noire dans les profondeurs, tourbillonnante, qui jette des restes sur la plage, une petite bouche que j'absorbe, ˆ qui je dis des mots doux, comme celle du chat qui appelait de sa corbeille de ses petites pattes que je sois auprs d'elle avant de mourir.

 

 

LA FUITE

 

Pensant le dominer elle s'est cassŽ les dents lˆ-dessus, a quittŽ l'endroit avec le trou au milieu du parquet et a fait des kilomtres ˆ pied, seule, le vent la poussait dans le dos qui s'est fendu comme une pastque. Elle cracha sur un sol blanc, aseptisŽ, mince pellicule transparente laissant entrevoir des bouts de corps entremlŽs, ses pieds avaient accrochŽ l'asphalte et bougeaient au ralenti sur le sol carrelŽ, lyophilisŽ, putride.

Elle s'est sŽparŽe en deux. La terre crachait des jours entiers, pendant que l'autre continua son chemin, tte basse, peau grillŽe, en fait elle avait ds le premier jour pris la direction des nuages qui se sont largement entrouverts ˆ sa rencontre et l'ont gardŽe.

 

 

LA VILLE

 

Il faisait nuit, parfois un gŽmissement se faisait entendre. Des couvertures bougeaient imperceptiblement dans la nuit. Jean se tenait appuyŽ contre le mur. Ses rides Žtaient profondes et son visage dŽtruit par le manque de nourriture, et sa vie au jour le jour passŽe ˆ la rue. Il sՎteignit au petit matin.

 

 

Je suis seule, fatiguŽe et je pense ˆ mon ex, collant, une vŽritable plaie, je suis fatiguŽe, la tte dŽfoncŽe par une sŽrie de stupiditŽs que je dŽbite par cĪur dans la journŽe pour bouffer. (Je me pose des questions sur mon avenir tout tracŽ entre boulots de merde et cercle de frŽquentations aussi mal lotis que moi.)

 

 

LE BOULOT

 

Assis sur une chaise, le miroir lui renvoyait des orbites rougies, gonflŽes par la sollicitation des larmes, il avait remuŽ le buste de bas en haut pour dŽtruire en lui ce quoi lÕavait empchŽ de continuer son travail et de pouvoir subvenir ˆ ses besoins, qui lÕamena ˆ rompre des attaches internes ˆ son tre, dont le point gŽodŽsique se trouvait dans son origine. De bas en haut et de haut en bas, de bas en haut, de haut en bas ; avant il avait pensŽ ˆ se suicider. Sa mre Žtait tout prs. Les moments vŽcus se perdaient en elle comme dans une casserole sans fond. Le temps vŽcu nÕapportait aucun relief ˆ son quotidien tombait dans un ab”me comme sÕil nÕavait de prise sur elle, un temps ŽphŽmre, sans suite, Žcrasant.

 

 

LE QUAI

 

Un matin je me rŽveillais, je passais les limbes du sommeil, adhŽrais ˆ ses murs pour pŽnŽtrer sa demeure, les gestes maladroits du matin, lÕappelais vers moi pour mÕhabiller de sa peau et moulais mes premiers pas ˆ peine esquissŽs sur les siens.

 

 

Ë LA CNAM

 

Prabusit pe un cot, maintenu contre la rampe de lÕescalier, il observait dÕun Īil le va et vient des employŽs en attendant son tour au guichet numŽro deux. La semaine dÕavant, il avait prŽvu de consacrer une matinŽe au renouvellement de ses papiers santŽ. Ses pensŽes se adunau autour dÕune pile de Curriculum Vitae quÕil devait envoyer. Les intervalles qui participaient de la dŽcontraction ˆ la suite de son activitŽ ennuyeuse et fastidieuse se ”nfundau dans des coquilles aux parois fendues, dans cette atmosphre oppressante.

 

- Prabusit pe un cot :  en roumain se prononce Ō prabouchite pŽ oune quoteĶ : avachi sur un coude

- se adunau :  en roumain se prononce Ō sŽ adounaouĶ : sÕamassaient

- se ”nfundau :  en roumain se prononce Ō sŽ ”nefounedaouĶ : sÕenfonaient

 

 

LE SOMMEIL

 

Sous les tŽnbres, la nuit fait de ses cadavres une lente agonie. On entend le son sans fin, lugubre, long et Žvasif, un r‰le profond et subred qui glisse sur mon ventre et monte, absorbŽ par endroits, sous le long cou qui, au fur et ˆ mesure, dispara”t dans la chair, leurs ongles sÕenfonaient ˆ cet endroit de la peau sous la tte tassŽe, aux plis du visage voilant les yeux, o les pupilles demeuraient absentes une fois leur voile ™tŽ.

 

- subred : en roumain se prononce Ō chouberŽdŽ Ķ : fragile, frle

 

 

Je suis sorti hier de taule. Un parasite. Mon pre mÕa filŽ la cave de son mini-ch‰teau pour quelques mois. Attrape ! AujourdÕhui il fait beau, le gazon vert, les oiseaux piaillent. Les clefs de leur pav sont lˆ-haut. Ils les gardent sur eux. Des amis mÕont appelŽ. Fais gaffe ! Une nana, un monde virtuel. Une poupŽe rŽglo, classe. Et me vÕla parti pour une nouvelle donne. Cet ŽtŽ ca lui fera trente piges, dix de moins que moi. RŽveil six heures. Le piaillement des oiseaux rŽsonne dans mes oreilles.

 

 

LA RUE

 

Quelques fils de cheveux naissants par endroits sur le cr‰ne chauve, les paupires lourdes, disposŽes par deux ou trois couches superposŽes, mi-baissŽes sur les yeux grands, dÕun bleu dŽlavŽ, le corps interrompu dans sa dezvoltare, sÕamenuisant vers le bas, vieux, aux membres figŽs dans une position courbe, ˆ la peau profonde et lisse, aux lvres abritŽes par une pellicule mince qui faisait appara”tre deux surfaces gŽlatineuses rosacŽes strapunse de dents blanches. Elle humait lÕair frais du matin. Le ciel Žtait bleu outremer. Des petits yeux noirs en amande, fureteurs, qui occultaient un corps mince, frle se faufilaient parmi les gens, en les interrogeant du regard. Les corps troncs aux bouches crevassŽes, surmontŽes dÕyeux vifs enfoncŽs dans les chairs se dŽplaaient lentement avec leurs longs pieds plats.

 

- dezvoltare : en roumain se prononce Ō desevoletarŽ Ķ : croissance

- strapuns : en roumain se prononce Ō strapounesse Ķ : percŽ

 

 

Elle est au repos, le doigt sur la dŽtente. Le vroum dÕune voiture la fit se dŽplacer dÕun pas sur le pavŽ. Elle ne pensait dormir dorŽnavant que prs dÕelle. Son estomac crachait du feu. Elle Žtait ivre. Sa nuit chez Maud lÕavait mise hors dՎtat de fonctionner. Le garon plantait des arbres sur la pelouse. Il lui jeta un coup dÕĪil furtif. Elle mijotait des fragments de mots. Sa vie lÕavait repŽrŽ. Il fallait quÕelle assure, lui donner le change. En haut de la rue, un homme la regardait depuis tout ˆ lÕheure. Elle le vit sÕapprocher et allongea le pas. La rue Žtait vide. LÕhomme Žtait p‰le, sa peau Žtait du caoutchouc mouillŽ. Elle le fixa, cՎtait une ombre du lampadaire. Elle nÕavait rien avalŽ depuis plusieurs jours et se sentait dŽfaillir. Elle braqua son flingue et arracha son porte-monnaie. Elle prit la fuite en hurlant comme une cinglŽe.

 

 

SEPARATION

 

Elle demandait, lÕaspirait et se masturbait. Se levait du lit, traversait la chambre, comme sÕils Žtaient ensemble et son attitude dŽnotait une disponibilitŽ, reflŽtait la fabrication interne dÕun tre matrice du sien. Pourtant, le but est de sÕen debarrasser et de reconstituer avec soi-mme la personne que lÕon est, avec laquelle force est de composer. Dans le lit, il colle et l‰che lÕencoignure des fesses, mon tŽton rosteste les mots avec lesquels je lÕai aimŽ, me tire en lui et je luis. Parfois le soir, fatiguŽe, jÕentends des sons dÕexcitation qui Žtaient les miens avec lui, transformŽs en gŽmissements sado-mazo.

 

– rosteste : en roumain se prononce ĮrossetechetŽČ : prononce

 

 

Un homme tout ˆ lÕheure, a dit que les gens qui avaient des maisons, avaient aussi des noms ˆ coucher dehors : bllll. Et aussi la peau et il a montrŽ la sienne de la main, Et il a dit que cՎtait ˆ cause dÕeuxÉ ou de ca quÕil nÕa pas (pu obtenir) dÕHLM,

 

 

Il frappa et entra. Il Žtait grand, beau. Il se lava les mains et se mit ˆ table. La table Žtait vide, ainsi que l'appartement. Quelqu'un creusait des trous dans le sol. Elle remuait la tte ˆ la recherche d'une pensŽe qui s'Žtait perdue. Il la regardait, assis. Elle s'allongea sur le lit, en chien de fusil, il se tourna vers le lavabo. L'homme cessa de creuser et rasp”ndi la terre sur le sol. Ils marchrent tous les deux, nonchalamment sur la terre. 

 

- rasp”ndi : en roumain se prononce Ō rassep”nedi Ķ : rŽpandit

 

 

LA TETE

 

Je marchais le long de la voie, il faisait frisquet. Un clochard m'interpella pour me demander une cigarette. La nuit Žtait tombŽe. Ë la maison, ma mre dormait. Aprs tout ce travail, jour et nuit. Je fumais une cigarette et me mis ˆ dessiner. Je flippais, ma mre bossait pour deux et elle avait le double de mon ‰ge. Si a avait ŽtŽ un homme, j'y nÕaurais pas vu d'inconvŽnient. Mon psy a bien travaillŽ, je ne fais plus de crises. Je suis bien plus cool maintenant. Les projets me comprimaient la tte. ‚a tombait toujours ˆ l'eau. ‚a sert ˆ rien. Ils se dŽgagent par la bouche des autres avec des mots comme : "Rentre dans ton pays !" Le temps s'Žtire et tord pŽniblement mon corps. ‚a provoque de l'Žnergie nŽgative qui me donne un air encore plus agressif. J'essaye de faire sortir une forme de mon gribouillis, elle appara”t doucement, je lui donne l'apparence d'une tte. Mon psy ressemble ˆ un mannequin chic, sa peau, ses vtements sont impeccables. Il veut m'imposer ses leons, a ne marche pas, il est le moule dans lequel je forge ma p‰te.

 

 

LA MAISON

 

La nuit, survolant la ville, je cherchais la couleur dÕune lumire qui puisse Žclairer les vieux fant™mes qui me hantent, un immeuble dans lequel des voix perant ˆ travers les murs en bois, je puisse entendre le bruit des chaises, des tables et des rideaux, affranchis des mots de leurs propriŽtaires.

 

 

LA RUE

 

Un homme est lˆ et me regarde, ses yeux sՎcoulent sur son tronc ; son bras pend.

 

Il faisait froid, il sortit pour rŽcupŽrer des aliments dans la ville, Carl. Un chien le huma, remuant la queue, ses yeux rivŽs par terre cherchaient de la nourriture.

 

la nuit tombe, Manu arrive en moto, il s'arrte devant son pote. La ville est morte, il lui demande une cigarette,

il a cent vingt kilos, il m'Žpie, ses yeux sont ceux d'un poisson, un morceau de sa peau noire demeure par terre dans la rue.

 

 

LE MENDIANT

 

Le ciel Žtait dÕun jaune vert, ŽgouttŽ en t‰ches sales sur la moquette. Dans le ciel bleu, elles sՎtaient accumulŽes en strates qui voilaient la terre. TombŽes au fil du rasoir entrecoupent le paysage et parfois se posent sur les yeux telles des lentilles. En bas de son immeuble dans une lumire jaune, un enfant prŽpare des attentats, triste. Dans lÕorange, des enfants naissent au bord des routes, dans des squats et ˆ ras du bŽton des couloirs du mŽtro attendant un sou dÕune main qui sÕincline, sÕimmobilise dans leurs mains.

 

 

Les gens me faisaient l'effet d'ombres. Sans visage que je puisse dŽchiffrer comme Žtant mon semblable. ‚a me faisait cet effet-lˆ les premiers mois de mon exil.

 

 

SANS TITRE

 

Il arriva la nuit, un homme lÕattendait sur le pas de la porte, il rentra se coucher, quelquÕun dormait prs des poubelles.

Une fille passa et ramassa quelque chose par terre.

Il se leva, son pre lui hurla dessus d'tre rentrŽ tard, il Žtait au ch™mage, prit son p'tit dej, le pre s'Žloigna de la maison, triste, le monsieur sans abri se leva pour partir, il ouvrit la porte ˆ sa copine, firent l'amour, son pre rentra du boulot extenuŽ, ils mangrent, son fils sortit, et ne rentra que tard le soir, son pre alluma la tŽlŽ, il s'est endormi, le lendemain il repartait travailler, le garon restait lˆ ˆ rien foutreÉ.

 

 

DISNEY LAND

 

Elle Žtait au milieu de scne, elle avait oubliŽ de se nourrir et son corps a capatat l'aspect d'une mouette dŽcharnŽe, amenŽe par la houle sur le bord d'une mer polluŽe. Le sable avait une odeur de poisson pourri, ‰cre, la nuit s-a repezit pour enlever les lumires Žparses, tŽmoins des souffles de vie. Elle se leva anapoda. Des tourbillons incandescents descendirent du ciel, une voix se mit ˆ parler. "Cette terre ne veut pas de vous." Elle laissa derrire elle l'histoire qui la poussa ˆ venir jusqu'ici. La terre prit feu sous ses pieds, elle se roula sur le sable, se salit toute et glissa dans une groapa, sans doute sapata lˆ par des enfants du lieu.

Les enfants lui jetrent des bouts de nourriture. Ils s'amenrent autour d'elle, puis se lassrent, voyant qu'elle ne rŽagissait pas et partirent. Elle mangea puis s'endormit. Le lendemain au rŽveil, le soleil avait effacŽ les traces de la nuit. ‚a puait. Elle alla lentement vers la terre ferme, monta par le petit chemin en biais la colline sur des cailloux nickel, un village sorti tout droit de Disney Land s'Žtendait devant elle.

 

- a capatat : en roumain se prononce Ō a quapatateĶ : a pris

- s-a repezit : en roumain se prononce Ō quadŽ pŽĶ : tombe sur

- anapoda : en roumain se prononce Ō anapodaĶ : n'importe comment

- groapa : en roumain se prononce Ō gueroapaĶ : un trou

- sapata : en roumain se prononce Ō sapataĶ : creusŽe

 

 

On mÕa foutu dans une entreprise de rŽcupŽration de la jeunesse franaise supposŽe attardŽe mentale suite ˆ un boulot de merde quÕon trouve sur le marchŽ pour les jeunes dipl™mŽs, soi-disant pour les foutre sur les rails genre le contrat social de Rousseau.Pas ˆ pas Į la bonne sociŽtŽ qui date est tenue de pousser les jeunes ˆ coups de fouets psychologiques sur des chemins de travers, entendons par lˆ qui ne sont pas les leurs te dans lesquels en plus ils s e sentent trs mal, ˆ peu prs comme en t™le, les t™les en ce moment ayant trs mauvaise rŽputation, suicides, meurtres etc.

Un Žtat dÕesprit dans lequel tu te sens incoltit de toute part.

 

- ”ncoltit : en roumain se prononce Į ”nequoletzite Č : acculŽ

 

 

LES LOCATAIRES

 

CÕest une cave. CÕest ˆ c™tŽ des poubelles. Les gens savent qu'ils sont lˆ mais ils font comme si de rien Žtait ;...ils n'y prtaient pas attention. Ils montent un escalier plus haut puis s'enferment. Il sort un ou deux hommes ˆ la nuit tombante. Ils s'en vont ˆ la recherche de nourriture et puis reviennent.

Le matin, ils vont au boulot doucement, greoi comme pŽtrifiŽs, vers le lieu de travail, ils reviennent ŽpuisŽs ; puis le lendemain ils retournent travailler.

Les gens qui habitaient au sous-sol Žtaient une famille avec un garon et un autre petit. Les gens ne connaissaient point leur existence. Le bŽbŽ Žtait nourri au sein ; mais le garon avait souvent faim. Un jour la femme fut trouvŽe morte inanimŽe.

 

- greoi : en roumain se prononce Ō grŽo•Ķ : lourd

- sf”nt : en roumain se prononce Ō sf”nete Ķ : sain

 

 

LA MAISON

 

Il pŽnŽtra dans la maison vide, la fentre ouverte un garon est appuyŽ, jambes contre lui ˆ un mur, il se lve et fuit, ca pue.......ca pue, la porte reste ouverte, le garon s'allonge sur le c™tŽ, en chien de fusil, ca sent le bržlŽ d'en bas, de la courette, de la suie imprgne les fentres.

 

 

LA RUE

 

Les yeux, ils Žtaient bleus, quelques fils de cheveux blonds, atteint dÕalopŽcie. Il marchait sur le trottoir, un homme recouvrait l'entrŽe de l'immeuble, il est sorti acheter du pain ; un flic l'arrta pour lui demander son dž, c'est 100 balle jusqu'en bas de la rue, pas de carte d'identitŽ, on embarque, un black arrive, "c'est un RMIste, laisse-le".  Il traversa, "sale rat" pensa le flic.

Il monta casser la crožte.

 

 

LE DIAGNOSTIQUE

 

Il nÕen Žtait pas moins sžr que ce qui lui arrivait Žtait bien la rŽalitŽ. Un cancer nՎtait pas chose filante, de rien du tout, quÕon faisait couler comme lÕeau du bain et qui sÕen allait au bout dÕune demi-heure. LÕeau restait et au contraire se transformait en inondation, sÕinfiltre dans les meubles, mouille les habits, ne tarit pas et circule dans toutes les pices, prend possession du moindre centimtre de la maison.

La mort, il y a quelques mois, est passŽe me voir, nÕest pas rentrŽe dans la maison, elle mÕa juste prŽvenu de sa prochaine intervention chez moi, pendant un instant et elle est partie. PlongŽe dans cette H2O, transie de froid, ca sÕeffrite par endroits et certaines parties de lÕos ont ŽtŽ prises dans la banquise, lÕossature sÕeffondre et je cherche une accroche qui va court-circuiter cette machinerie ; le mŽdium qui lie les composantes de mon corps sÕest glacŽ et il craquelle.

 

 

LE FOYER

 

Il avait un don pour la peinture. Il a commencŽ ˆ esquisser au feutre un univers fini puis il est parti. Aprs sa premire crise de violence, jÕachetai des feutres et nous nous m”mes au boulot. Les filles qui habitaient le mme foyer mÕapprirent quÕil pŽtait souvent les vitres et les portes. Quand je fis part de son talent aux Žducateurs, ces derniers rŽpondirent que a nՎtait pas grave car sa maladie fait quÕil ne pourra bient™t bouger ses doigts.

 

 

LE BOIS

 

CՎtait sur le terrain vague, il sÕaccrochait ˆ ses basques dans ses bras cachŽ, au corps vtu par endroits dÕune peau dÕarbres, Žcorce. ƒvitant les flaques noroioase, suivant les chemins bordŽs de cailloux qui sՎtendaient dans lÕimmensitŽ, la sortie cogne sur des immeubles flŽtris et dŽmembrŽs, la route glisse sous ses pas, les arbres sont fous, ne sont plus que des bougŽs, se rarŽfient ˆ lÕhorizon.

 

– noroioase : en roumain se prononce Įnoro•oassŽČ: boueuses

 

 

LA PIECE

 

Sous la terre, des hommes vivaient dans les excroissances, renfoncements, abris, mici gauri, bulbes vides au tissage composŽ dÕune pellicule lisse de poubelles ou sacs plastiques, provoquŽs de catre lÕaffaissement des couches dues aux lŽgers et frŽquents soulvements des sols que la respiration de la terre avait fait pousser du trou dans lequel on les avait jetŽs se dŽtacher du lot, quÕon jetait rŽgulirement dans le trou, lÕemplacement prŽvu pour la dŽcharge, se dŽchirer en fines lamelles, circuler dans les strates de terre, se dŽsagrŽger au contacte de fines particules de terre pour a se ”nchega pe parcurs din nou et rŽappara”tre sous forme de suvite, glisse entre deux strates, parsemŽes dans la terre, entre deux couches, aux poalele dÕun monticule, qui inspirent de lÕoxygne lors dÕun tremblement de terre.

Dans ces tranches dÕintestins restent pour un temps, pentru un popas des habitants sous terre. Ils restent dans ces portions longtemps, menant une tranche de vie alaturi de ceilalti locuitori.

 

- mici gauri :  en roumain se prononce Ō mitchi gaour•Ķ : petits trous

- de catre :  en roumain se prononce Ō dŽ quatrŽĶ : par

- a se ”nchega pe parcurs din nou:  en roumain se prononce Ō a sŽ ”nequŽgua pŽ pareqouresse dine naou Ķ : reprendre forme en chemin

- poalele :  en roumain se prononce Ō poalŽlŽĶ : au pied

- pentru un popas :  en roumain se prononce Ō penetrou oune popasseĶ : pour une halte

- alaturi de ceilalti locuitori :  en roumain se prononce Ō alatour• dŽ tche•laletzi loqou•tor•Ķ : aux c™tŽs des autres habitants

 

 

LA FUITE

 

Pensant le dominer elle s'est cassŽ les dents lˆ-dessus, a quittŽ l'endroit avec le trou au milieu du parquet et a fait des kilomtres ˆ pied, seule, le vent la poussait dans le dos qui s'est fendu comme une pastque. Elle cracha sur un sol blanc, aseptisŽ, mince pellicule transparente laissant entrevoir des bouts de corps entremlŽs, ses pieds avaient accrochŽ l'asphalte et bougeaient au ralenti sur le sol carrelŽ, lyophilisŽ, putride.

Elle s'est sŽparŽe en deux. La terre crachait des jours entiers, pendant que l'autre continua son chemin, tte basse, peau grillŽe, en fait elle avait ds le premier jour pris la direction des nuages qui se sont largement entrouverts ˆ sa rencontre et l'ont gardŽe.

 

 

Au bout de ces feuilles chargŽes de souvenirs se trouvait une rŽalitŽ au dŽpart confuse puis, de plus en plus transparente. Son passŽ rŽvolu refaisait surface, des brches suintaient de feuilles dÕamande et de lauriers, de ramassis de merde qui puaient ˆ des kilomtres autour. Ces histoires sՎtaient dŽveloppŽes ˆ travers les annŽes, ont inscrit leurs mots enfouis.

Elle Žtait devant lui petite, menue, une voix dÕenfant par ˆ coups interrompue par des silences ou saccadŽes, ˆ bout de souffle. Il avait un air impuissant et parfois pervers, grimacant.

Elle avait les yeux clos, les cheveux sales, la m‰choire claquant des paroles. CՎtait par un aprs-midi dՎtŽ, dans les environs les bois portaient des ombres aux limites de la lisire Au bout de la cour, lՎlevage des pigeons prospŽrait, le bruit intense la fit se retourner. QuelquÕun pissait contre la haie

 

 

CՎtait loin, trs loin, vaguement on voit une digue, une femme, des cailloux, des feuilles que le vent fait trembler. Un air dense comme une p‰te dÕamande et lŽger, de sine-statator, voilŽ, abrite et rŽvle une naissance.

Ë son arrivŽe, les murs Žtaient subrezi, ils ne tenaient pas debout, s'efforcaient ˆ se maintenir en position verticale, ils se sont vite craquelŽs, nous vivions dans un espace fermŽ.

 

- de sine-statator : en roumain se prononce Ō de sine-statatore Ķ : stagnant

- subrezi :  en roumain se prononce Ō choubrŽsi Ķ : frles, fragiles

 

 

LA SEPARATION

 

‚a se passait un beau jour du mois de Juillet. Tout en se reposant sur un banc du square qui se trouvait ˆ l'angle de ma rue, il Žpiait les alentours pour vŽrifier que personne ne le suivait. Il prit un grand bol d'air frais et se persuada de dormir quelques minutes. Les yeux fermŽs, il vit se promener celle pour qui son cĪur avait battu quelques instants, Žlu domicile dans sa gorge, couvert ses yeux et son nez d'un voile parfumŽ. Il la vit passer, chair pas tout ˆ fait dissoute, un fant™me entre ses pupilles et son front, tendre ses longs membres, dŽcouvrir son sexe, large ouvert, bouche bŽante, Žtouffer la respiration de sa poitrine contre son visage, pendre ses longs bras impuissants ˆ son cou, elle avana vers lui doucement, ˆ pas d'escargot, qui s'Žtrangla dans sa gorge, devenu fant™me. Tout seul sur le banc, il se convainc de la quitter, marcher en sa direction ˆ pas de sanglier parti pour spinteca sa proie, le temps de l'atteindre, avait dŽjˆ ingurgitŽ la moitiŽ, puis s'affaissa, ŽpuisŽe, sur la pelouse du square. Il fit demi-tour, elle le vit et s'enfuit. Un saule apleca ses fines branches sur le banc restŽ vide, ensemencŽ dans le cadre d'un programme de rŽnovation des espaces verts.

 

- spinteca : en roumain se prononce Ō spinetŽqua Ķ : Žventrer

- apleca : en roumain se prononce Ō apelŽqua Ķ : pencha

 

 

SANS TITRE

 

Un jour je lui dirai de ne plus sa ma masoare de haut en bas, miroir dŽformant l'image de soi. Ses yeux bleu noir derrire la glace se voyaient mi-ŽtonnŽs, mi-blasŽs sur le quai du mŽtro, un miroir posŽ lˆ pour les filles qui passent, on pense ˆ nousÉ "Te souviens-tu de la nuit bleue ? Quand je t'ai pris par la main comme un enfant et je t'ai embrassŽ sur les deux yeux pour te dire au revoir. Ķ

La barrire fut fr”nta et me retrouvais poussŽe malgrŽ moi sur une route parallle. Mes mots Žtaient censurŽs ˆ l'Žpoque et le sourire aguichant, ˆ l'abri des regards indiscrets, d'un homme ‰gŽ m'amenrent vers une lointaine peuplade ˆ l'autre bout de la plante.

 

- sa ma masoare : en langue roumaine se prononce Ō sa ma massoarŽĶ : me lorgner

- fr”nta : en langue roumaine se prononce Ō frinetaĶ : brisŽe

 

 

LE TRAVAIL

 

Je mÕappelle un comptoir dÕachat. JÕachte ˆ bas prix. Pouvons-nous passer (nous vous ferons une proposition, les murs de la pice sont dÕun gris translucide ˆ travers desquels se dessine une nŽbuleuse) nous ferons une estimation sur place, brouillant mes idŽes, qui suis-je donc ? Je dŽcroche, ˆ lÕautre bout ce nÕest pas moi ; je nÕai aucun moyen de mÕidentifier ˆ mon interlocuteur ; on raccroche et je dŽcroche ˆ nouveau. La patronne mÕapprend continuellement le mŽtier.

- Comment pouvez-vous faire une estimation ˆ vue dÕĪil ? Ce que vous faites est illŽgal.

- QuÕest-ce quÕil a dit ? demande la patronne.

- QuÕil nÕavait pas confiance.

- Tu nÕas rien dit pour le contrecarrer. Cela fait plus dÕun an que tu travailles ici tu nÕes pas  professionnelle.

 

 

LE SQUARE

 

JÕaimerais que de nos mains jointes sÕenvole un papillon aux bouts des ailes rouges, maintenu ˆ lÕaide dÕun b‰ton fin en bois que jÕessaye de maintenir en Žquilibre sur ma main. JÕaimerais que de nos mains aux doigts entrelacŽs ne se dŽgage la moindre particule (souffle) dÕair Žcrasant sous nos pas les feuilles (au bruit de voix ŽnervŽe), nous nous Žchapp‰mes dans une bulle dÕair dÕun noir Žpais et dense. Un promeneur vit un couple aux membres enjouŽs passer dans une poche dÕair transparente et quitter ainsi le square.

 

 

l'Žcole en franais, leurs colonies pŽnitentiaires de profs

 

 

LE BOULOT

 

Assis sur une chaise, le miroir lui renvoyait des orbites rougies, gonflŽes par la sollicitation des larmes, il avait remuŽ le buste de bas en haut pour dŽtruire en lui ce quoi lÕavait empchŽ de continuer son travail et de pouvoir subvenir ˆ ses besoins, qui lÕamena ˆ rompre des attaches internes ˆ son tre, dont le point gŽodŽsique se trouvait dans son origine. De bas en haut et de haut en bas, de bas en haut, de haut en bas ; avant il avait pensŽ ˆ se suicider. Sa mre Žtait tout prs. Les moments vŽcus se perdaient en elle comme dans une casserole sans fond. Le temps vŽcu nÕapportait aucun relief ˆ son quotidien tombait dans un ab”me comme sÕil nÕavait de prise sur elle, un temps ŽphŽmre, sans suite, Žcrasant.

 

 

QuelquÕun lui tirait la peau du cou et ses traits se baissrent. Le squelette.

 

 

LE MALADE

 

En allant vers son ami elle Žclaboussa des pieds les flaques qui sՎtaient formŽes avec la pluie. Entre les immeublesÉdes aires ”n paragina. Les immeubles sans visage sՎlevaient dans le quartier quÕelle traversait tous les jours. Derrire ces b‰timents, elle contournait blocuri mici construite ”n zigzag, pour arriver dans la citŽ, o, au cinquime Žtage dÕun immeuble situŽ ˆ droite, sur une allŽe adjacente, se trouvait lÕappartement de son ami. Elle poussa la porte, allongŽ sur le lit, il Žtait recouvert dÕun drap. Le visage gris et vieilli par la maladie se tenait penchŽ sur lÕoreiller.

La hauteur du lit sur lequel avait pris place son corps, tombŽ des mains dÕun infirmier, lui arrivait au cou. La souffrance emportait son visage dans un tourbillon et son corps Žtait patruns de drains et de perfusions. Ils lÕont laissŽ chez lui muni de lÕappareillage nŽcessaire ˆ sa survie aprs lÕintervention.

 

 

LE FOULARD

 

Il ramasse son cabas, met son bŽret, une fois dehors, le ciel Žtait d'un bleu limpide. Les vitrines Žtaient recouvertes en partie de peinture orange. Des promeneurs marchaient dans la ville, certains, vtus de fringues rupte volaient. Sa mre avait les yeux fermŽs, quelques fils pendaient sur le drap, cette dernire n'a plus que la peau sur les os, son cr‰ne est dŽcharnŽ, son fils est parti lui acheter une Žcharpe. Dans le magasin, des femmes essayent des chapeaux. Petrus les regarde par la vitre et rŽflŽchit ˆ ce qui pourrait aller ˆ sa mre, il pense quÕun foulard pourrait mieux lui convenir, ils sont agatate ˆ un prŽsentoir, la vendeuse en porte un elle-mme.

 

- rupte : en roumain se prononce Ō roupetŽĶ : dŽchirŽes

- agatate : en roumain se prononce Ō aguatzatŽĶ : accrochŽes

 

 

LE RENDEZ-VOUS

 

Elle marchait le long du quai. Au bout se tenait un homme, vtu dÕun impermŽable noir. Elle se dirigea vers lui, mi-confiante, mi-mŽfiante. Ses mains toujours baladeusesÉ Parfois elle vivait avec lui. A ses c™tŽs, seule, suivait son petit bonhomme son chemin. Quand il est entrŽ dans sa vie, il ne sÕen souvenait plus. Ë quel point son existence avait eu une incidence sur sa vie ? Au cafŽ, elle le regardait, il parlait depuis dŽjˆ un moment, elle ne lÕavait remarquŽ quÕun instant, il Žtait p‰le, le teint jauni par le temps passŽ. Il Žtait enfoncŽ dans son fauteuil, son ventre lui submergeait le cou. Elle sÕexcusa un moment, alla tŽlŽphoner ˆ son mŽdecin au bar pour annuler son rendez-vous. Ses lvres rouges dans le miroir brillaient. Ses yeux faisaient contraste. Elle nÕavait plus rien ˆ faire ˆ ses c™tŽs. LÕhomme avait senti lՎcart qui sՎtait creusŽ entre eux. Il eut un air dŽsolŽ, son corps s-a surpat dans le vide, en le voyant revenir. Le moindre mot Žtait devenu une torture, il sÕest repris et feint un air autoritaire, paternaliste ; elle lui souriait, amusŽ, mais ce jeu grotesque la dŽgožtait, elle prŽtexta un rendez-vous et quitta le cafŽ. Dans la rue, elle se sentit enfin seule et paumŽe.

 

- s-a surpat : en roumain se prononce Ō sa sourepate Ķ : sÕeffondra

 

 

LES RETROUVAILLES

 

Je suis parti ˆ la casse dans une valise en cuir vieilli, aux fermetures ciselŽes en bois sculptŽ en relief. On ne sÕest pas vus depuis une dizaine dÕannŽes. Ō Je suis rentrŽe hier de Berlin. J'ai un bŽbŽ Ķ. Je suis parti ˆ la casse, dans une bo”te en Plexiglas transparent. La bo”te avait les dimensions d'une usine dŽsaffectŽe. J'y suis entrŽ, attirŽ par l'odeur, au dŽpart, puis par le jeu des poutres apparentes qui structuraient l'espace telle une sculpture.

Ō Je suis revenue de Berlin, hier. Je voudrais te revoir. Ķ Je suis rentrŽ dans une bo”te ˆ peine plus grande qu'une bo”te d'allumettes exprs pour te revoir. Je suis rentrŽe dans une bo”te ˆ peine plus grande qu'une bo”te d'allumettes exprs pour te voir partir comme ˆ travers le trou d'une serrure. Elle Žtait posŽe sur le bŽton dans la cour d'un vieil immeuble, dans laquelle je suis entrŽ par hasard et elle m'a absorbŽe telle une coquille le corps de son hŽbergŽ. J'ai regardŽ les creux des fentres dans la pierre, o la lumire se diffusait ˆ l'extŽrieur ˆ travers le voile des rideaux. Je sifflais pendant que je te voyais te diriger vers la sortieÉ La petite bo”te s'effilocha ˆ la premire pluie. Ō Je suis revenue de Berlin. Je te tŽlŽphone ˆ ma prochaine venue France. Ķ

 

 

LE MARIONNETTISTE 

 

Dans le reflet du miroir se tenait mon ombre pas plus grande quÕune aiguille de croitor qui aimait se prŽlasser en face de la carrure solide de lÕhomme. JՎtais habillŽe de noir, maigre, aux collants et cape noire et lui avais mis une veste mangŽe par les mites, des pulls les uns sur les autres et acoperit dÕune veste l‰che, aux pantalons pattes dÕef. JÕavais pris de quoi me restaurer, mangeait tranquillement mon sandwich et dÕun coup mon ombre sՎvanouit, inhalŽe par la surface neteda, froide, suspendu dans les airs, il mit fin au dŽmembrement intelligent de mon corps. Je la cherchais autour de moi, la peur dans le ventre, sans bouger, pendant que mon ma”tre, (celui qui manipule les poupŽes) avait interrompu le maniement de ses fils, outil avec lequel il tissait ses histoires et Žtait parti boire son verre de rouge ˆ lÕANPE. La peur du vide me zg”lt”i de ma stupeur, je me retrouvais tas dÕos sur le sol du rez-de-chaussŽe.

 

- croitor : en roumain, se prononce Ō quero•tore Ķ : tailleur

- acoperit : en roumain, se prononce Ō aquoperite Ķ : vtu, couvert

- neteda : en roumain, se prononce Ō nŽtŽda Ķ : lisse

- zg”lt”i : en roumain, se prononce Ō segueletzi Ķ : secoua

 

 

Tu filmais par ˆ coups des fragments de vie qui moi me paraissent importants et dont le lien n'est que provisoire. Parfois tu sortais du cadre et tu me regardais, clin d'oeil ou furieux, "C'EST MA VIE". En regardant en arrire le chemin parcouru avec toi, je me surpris ˆ flipper, comme a toute seule, ou comme un trop plein qui Žtouffe. 

 

 

LE TETON

 

Ils faisaient d'une pierre deux coups dans le cul pour prŽcipiter mon dŽpart imminent vers un autre pays. Destination au choix ! Puis l'un d'eux se blottit en mon sein et sua par les deux bouts mes tŽtons pe care le adulmeca d'abord pour l'inscrire dans son souvenir de toutes les filles qu'il aima d'un instant ˆ l'autre. DŽtourna le regard ˆ plusieurs reprises vers d'autres lieux et l'odeur croissant en boule se glissa au bout de sa langue.

 

- pe care le adulmeca : en langue roumaine se prononce Ō pŽ quarŽ lŽ adoulemŽquaĶ : quÕelle flaira

 

 

UN MEURTRE

 

JÕai peur que quelquÕun, fou, comme il en devient beaucoup maintenant, de ces gens qui ne pensent pas, la tuent, des gens ˆ peine debout, des minables, des gens qui tuent, quelquÕun qui vit enfermŽ, qui ne voit rien que ce quÕil sait dŽjˆ, qui, ˆ un mot qui nÕest pas inscrit dans son tabel tue, aveuglŽ par des doutes quant ˆ la nŽcessitŽ de vivre de tel individu, au senti dÕun douteÉest aveuglŽ et tue, un mouvement fait glisserÉle quadrillage, le doigt posŽ sur lՎchiquier, mis au lieu de la signature, sÕapproche et dŽcolle du plan de la table et met le doigt dÕun geste depuis longtemps connu, stiut, ˆ peine visible. Ō Pan ! Ķ Elle est morte. Sourire. Demain une nouvelle journŽe.

 

- tabel : en roumain se prononce Ō tabele Ķ : schŽma

- stiut : en roumain se prononce Ō chetiouteĶ : connu

 

 

CÕest un cancer, un ulcre, un marasme de mots (troubles). Elle regarde par la fentre. Quelque chose coule ? Ë quoi tu penses ? QuÕest-ce qui est mieux ? Quand tu penses, cÕest pire, nÕest-ce pas ? Avec qui tu parles, toute seule ? Dis. Ne travaille pas ! CÕest pas bon. Avec qui tu es ? Seule ? JÕai dormi ˆ lÕh™pital. Trouve. Sois calme. Personne ne va te faire du mal. Viens. Habille-toi. Je ne sais pas. Je ne peux pas. Je ne sais pas. Sois seule. La pauvre ! Viens. NÕaies pas peur. (Nique ta mre.) Tu te retournes ? Mademoiselle. LŽgre. Je dors pareil. EntoilŽe. Comme avant. Une cousine ? Crve. Merde chats ! Je te laisse. Je sais. TuesÉdes chats ! Viens. Crves-toi !

 

 

Tu Žcris, quÕest-ce que tu fais ? Tu nÕaurais pas dž venir ici. Nous allons te tuer. Nous allons tՎventrer. Tu vas mourir comme les autres. Pourquoi tu ne rŽponds pas ? Tu as peur de nous. Tu vas aller ˆ la guerre. CÕest pas possible. Viens maintenant. TÕes nulle. On tÕaura. Je me suis trompŽe. Tu ne le mŽrites pas. JÕai lÕimpressionÉElle se trompe. Nous sommes les plus forts. Tu as lu. Ca suffit..Viens. Je ne tÕai rien demandŽ. Va voir ta psychologue. Quel ‰ge tu as. Tu te maries. Ne fais pas comme nous. Fais ta vie. JÕai lÕimpression que tu ne comprends pas. Pousses-toi. Encore. Je suis tombŽe sur des tarŽs. TÕas pas le choix. CÕest comme ca. Tu Žcris ? QuÕest-ce que tu Žcris ? Montre nous. JÕai lÕimpression que tu ne comprends pas de quoi il sÕagit.

 

 

A quoi tu penses. TÕes une demeurŽe. AujourdÕhui je suis nevue au travail. Le chef sÕest le vŽ de sa chaise. Aaa, Melle BougŽ, sur un ton de raillerie, l'autre s'est dirigŽ vers moi, une expression agressive sur le visage. Je stagne. On nÕaime pas ca.

 

 

 

Ah ? CÕest ce que tu crois. Il nÕest pas lˆ. Tu es toute seule. Ils ne te lÕont pas dit ? Tu parles encore ? Encore. Sois comme nous voulons que tu sois. Pointes comme survivant. Ne me regardes pas, bourrŽe. Envoles-toi. Parmi les ennemis. Ne regarde pas derrire toi. Sois calme.

 

 

Quand il a commencŽ ˆ me froisser, jՎtais en rain de penser ˆ autre chose. Elle sÕest levŽe du lit, mÕa regardŽ, son teint Žtait livide, les yeux sՎcoulaient sur son visage, elle mÕa poussŽe ˆ avancer et mÕa suivie. Rien ne fut plus comme avant. Il se trouve que pendant quÕelle me regardait je nՎtais pas la mme (moi-mme).

 

 

Avec un accent rŽgionaliste. Un jour jÕai perdu le fil des mots. Alors que jÕarrive dÕune autre plante. Aussi, ˆ lÕaube je faisais le mur avec lui. Nous Žtions ensemble comme le coton, nous faisions des galipedes sur les lignes de blŽ. Des petits os brisŽs nous dŽfendaient, ils Žtaient notre mascotte, contre les vaches gŽantes qui dans les champs, dŽfendaient leurs territoires.

 

 

Hier, jÕai tout mis dans un panier. Cet homme mÕa remerciŽ. Il entra ˆ la maison et sՎcroula devant la tŽlŽ. La porte se referma. Į QuÕest-ce que cՎtait ? Č La fourchette levŽe, la bouche plina. CՎtait Erasme de Rotterdam.

 

- plina : en roumain se prononce Į plina Č : pleine

 

 

LES BæTES IMMONDES         

 

Ō Nous sommes petits. On ne nous voit pas. Par instants ils veulent bien de nous, mais rarement. Les hommes se leapada de nous, cÕest naturel. Nous sommes nombreux, nous formons la couche atmosphŽrique. Nous disparaissons lorsque des regards se posent sur nous. Tout nous appartient. Nous allons partout o nous voulons. Quelques-uns nous saluent. Les hommes sentent notre prŽsence. Parfois, on sÕarrte devant lÕun dÕeux. ‚a fait son bonheur. Et il dispara”t car cela lui ferait du mal de nous tenir trop longtemps dans la main. "

Il est tombŽ, effacŽ sous les fanes du jardin ”n paragina. CÕest une charpie.

 

- se leapada : en roumain se prononce Ō sŽ lŽapada Ķ : se dŽbarrassent

- ”n paragina : en roumain se prononce Ō ”ne paratgina Ķ : laissŽ ˆ lÕabandon

 

 

LES VIEUX

 

Il ne lÕaima que trs peu. Ë peine de quoi sÕen souvenir aprs sa mort. ‚a les emmerdait de se voir. Ils allaient dÕeux-mmes chercher les ennuis. Leur mre est partie dans la dŽrŽliction, chez elle. De toute faon cÕest que des vieux, des peilles.

 

 

LE DEAL

 

- JÕen ai pas. Tu veux combien ? Je vais en chercher. Tu en prends combien ? Lve-lˆ. Combien tu veux ?

- TÕarrtes pas lˆ, lui chuchota un gars.

- Cent, cinquante ?

- Oui.

Il arpenta la rue ˆ toute vitesse.

- Tiens. Cinquante cÕest pas assez, se dit-il. Bernard en veut cent aussi.

Il procŽda ˆ un calcul rapide. ‚a lui rapporterait quinze euros.

- Les autres sont au Mc Do de Clichy.

- AhÉË une prochaine.

- CÕest ca.

Il enfourcha sa moto et dŽmarra. Ō Catalin en veut cinquante. Ķ Il se mit ˆ pleuvoir. Les rues se vidaient. Il augmenta la vitesse, se gelait les roustons. Il pleuvait ˆ torrents. Les rues Žtaient vides.

 

 

LES POTINS

 

Dans lÕascenseur, un homme Žtait enfermŽ. Tout le monde Žtait au courant. Aprs le passage des inspecteurs personne nÕosait le moindre geste. On dŽsirait plus que tout quÕil demeure enterrŽ dans la cage de lÕascenseur. ‚a servait ˆ rien dÕappeler de lÕaide. Il ne restait plus quՈ ne plus bouger, le temps de dispara”tre. Les murs de lÕimmeuble avaient ŽtŽ montŽs tels des Žcailles quÕon Žcartait une ˆ une pour sÕy cuibari, afin de conna”tre les potins qui couraient dans telle ou telle habitation.

 

- cuibari : en roumain se prononce Ō qou•bar• Ķ : abriter

 

 

LE VERNISSAGE

 

Les gens du foyer Žtaient Žmus. Les canapŽs Žtaient prts. Les tableaux beaux. Une petite fille dansait parmi nous. Mes autres collgues sont venus au fur et ˆ mesure. Je mis des fleurs dans un vase pour le buffet. Le couple ˆ lÕentrŽe va quitter bient™t le foyer. Ils ont trouvŽ un appartement. Je suis content car ils seront certainement plus heureux. Il papote.

 

 

RMI/RMA

 

Des gens vont se retrouver ˆ la rueÉdes gens malades, ou dans lÕincapacitŽ dÕassumer un travail. Ces jeunes qui vont mendier, vont se pieuter sur les trottoirs, les jeunes filles vont crever plus vite, violŽes puis Žteintes, dŽfigurŽes par la vie dehors, pendant que des gens gagnent un pognon fou. Mirella aura les dents cassŽes en un rien de temps, les soins ne seront plus remboursŽs pour les personnes sans-abri, ses vtements vont se dŽchirer, tout sales, elle aura froid, elle gagnera ˆ peine de quoi manger, un jour elle ne bougera plus. DÕautres vont suivre et dÕautres. DÕautres la recouvriront.

 

 

LE JARDIN

 

Les fleurs Žclosent, elles engendrent des pics vŽnŽneux. Sa corolle spongieuse forme de la bave au bord des lvres, se ferment, le soir venu. La racine est molle, la tige tavelŽe ; le ciel scintille. Un pŽtale se dŽtache du globe la tige cingle lÕair, le vent lŽger du matin dans le calice g”t, naissent les pistils jaunes, la fleur respire l'aube. Les fleurs d'une de ses collgues sont marrons tte-de-ngre. Este ofilita. Une brise fra”che me g”dila les narines. Le champ de fleurs est spulberat de v”nt.

 

- sunt asezate : en roumain se prononce Ō sounete achŽsatŽĶ : sont disposŽes

- Este ofilita : en roumain se prononce Ō essetŽ ophilitaĶ : elle est fanŽe

- g”dila : en roumain se prononce Ō guidilaĶ : chatouille

- spulberat de v”nt : en roumain se prononce Ō spouleberate de v”neteĶ : ŽparpillŽ par le vent

 

 

Je n'ai rien pour toi. Mme pas de l'eau. Ō Deux, trois gouttes, pour lui ca ira. Ķ

 

 

LA MORT

 

JÕai la peau livide, fripŽe, de grands yeux de nouveau-nŽ, ourlŽ et pam”ntiu est mon vtement, quÕelle tisse. Elle a en elle tous les cadavres et il reste leur rŽsille par terre qui recouvre des organes des morts.

 

- pam”ntiu : en roumain se prononce Ō paminet•ouĶ : terreux

 

 

RUE PIAT

 

Une femme hurle en bas, on lui a volŽ son sac. Une autre femme sÕarrte, cette dernire gŽmit sans arrt, elles sՎloignent vers le commissariat ensemble.

 

 

LA CHARRETTE

 

Je regardais la lune, elle Žtait bleu transparent, dessus des virgules blanches. Un Īil s'Žcoulait sur elle. L'aura blanche qui la cernait Žtait pŽnŽtrŽe de gouttes de sang. Celle-ci se trouvait sous la vožte cŽleste. Elle Žtait tirŽe par une charrette, trasa par un homme qui ducea oale, dans laquelle se trouvaient ses fils. Pe trotoarul blanc, la lune s'Žcoulait.

Il allait en ville vendre du beurre. Un des enfants s'assit ˆ ses c™tŽs. Les autres s'Žtaient endormis. Des voitures le klaxonnaient ŽnervŽs. "Sales tziganes" criaient-il pendant qu'ils les dŽpassaient. Le petit s'Žtait rŽveillŽ et se blottit dans la veste de son pre. Ils arrivrent ˆ la ville pour vendre du beurre et du fromage.

 

- trasa : en roumain se prononce Ōtrassa Ķ : conduite

- ducea oale : en roumain se prononce Ō doutchŽa oale Ķ : transportait des casseroles

- Pe trotoarul : en roumain se prononce ŌpŽ trotoaroule Ķ : sur le trottoir

 

 

AU BAR

 

Il arriva hier, une table plus loin il mangeait, des hommes Žtaient debout, quelques-uns bouffaient au bar, je ne savais pas son nom, il faisait pas beau, l'un dÕentre eux vomit et quitta le cafŽ, il dŽplia ses jambes sous la table.

Ce soir, il ne vit que son ombre passer, mais il savait qu'avec quelques miettes il irait pas loin.

 

 

LA SORCIERE

 

Il se perd dans la fort, une sorcire vtue de son voile noir appara”t devant lui ; il a peur car elle pousse un cri qui fige la fort tout entire, ce dernier se transforme en taupe et il rejoint le royaume souterrain ; un jour, une fille se promenait dans la fort, et glissa par inadvertance sur son terrier, de la peinture qu'elle portait dans son sac tomba dessus et la taupe redevint humaine.

 

 

LE REPORTAGE

 

On veut pas des assistŽs. Faut travailler...on veut pas d'assistŽs. Y a pas de misre. On doit travailler, on doit pas tre assistŽ, y a pas de misre... On veut pas des assistŽs ; y a pas de misre. Beaucoup, ils courent aprs les aides de l'Žtat. Y a trop d'assistŽs. Il faut rembourser l'Žtat. Les gens ils se font assister, l'argent il faut qu'il revienne ˆ l'Žtat. Il n'y a pas de misre. L'artre principale de la ville, le soir, fourmille de filles sexy qui font la fte. 

 

 

SANS TITRE 

 

Des b‰timents ˆ l'horizon, la mer est claire (est turquoise), un homme sort d'une maison, du sang sort des grilles de sa fentre, un visage de femme passe en filigrane, l'homme l‰che derrire lui une poudre et se consume, le ciel est recouvert d'une toile d'araignŽe violette,

un sillon, o d”ra de nuage blanc cade pe ciel,

 

- o d”ra de : en roumain se prononce Ō o dira dŽĶ : un sillon

- cade pe : en roumain se prononce Ō quadŽ pŽĶ : tombe sur

 

 

COSMOPOLITE

 

Un homme arrive, et regarde par l'entreb‰illement de la porte, il se demande qui c'est ; il fait beau. Un homme est assis : Ō Je peux entrer ? Vous me reconnaissez ? Je m'appelle Pavel, j'habite le mme pallier que vous. Qui suis-je ? Ō 

Je m'appelle Laurent. Connaissez-vous cette rue ? 

Il se lve.

Je m'appelle GŽrard, j'ai 32 j'arrive de NY, mon oncle s'et mariŽ en France et je visite Paris.

Je suis Myrbrune, roumaine. Je suis venu en France pour ...travail.

Je m'appelle Christelle, je suis d'origine des pays baltes, je suis venue visiter.

Je suis Rodica, j'aimerais m'Žtablir en France dŽfinitivement.

Mon nom est P‰ris, je viens de Hongrie, et j'aime beaucoup la France.

Je suis Ra•ko. Je veux vivre en France pour toujours.

Je suis Chris, j'aime bien le France et je veux vivre quelque temps ici.

Je viens de Bucarest. La France me pla”t beaucoup.

 

 

Ë LÕHīPITAL

 

Sur la place sombre, un homme qui attendait le bus fut interpellŽ par des garons. Il fut battu et on lui vola son sac. Il courut et prit le mur en plein visage. Les vitres lui ont lacŽrŽ la peau. Ses amis Žtaient partis devant. Le chauffeur du bus appela la police. Le propriŽtaire de lÕappartement vit lÕhomme ensanglantŽ, vŽrifia que cioburile provenaient de chez lui, et se demanda comment faire jouer les assurances pour se faire rembourser. LÕambulance arriva quelques minutes plus tard et les transport‰t ˆ lÕh™pital. Le bandit fut opŽrŽ. LÕinfirmier posa le lit de la victime dans un couloir saturŽ. Il succomba ˆ une hŽmorragie cŽrŽbrale.

 

- cioburile : en roumain se prononce Ō tch•obourilŽ Ķ : les tessons

 

 

ADA

 

Le canon de pistolet Žtait pointŽ sur son cr‰ne, ˆ genoux son bŽbŽ hurlait. Elle appelle Wanda.

- Ils menacent mon bŽbŽ, ils cherchent sÕil reste quelque chose, jÕai tout plaquŽ, moi, salut.

- A la prochaine, essaie avec ton mari de flic, elle rigole.- Il reste du poulet dÕhier soir. Ils mÕont embarquŽ, trouvŽ au super U, quand je faisais mes courses. QuÕest-ce quÕon fait ? Ils vont comprendre que tÕas dŽcrochŽ.

Ada sÕhabille et finit la nuit au bar. Son mec ne se doute de rien.

-  Bonne journŽe, mon chŽri !

Des copines appellent pour la mettre sur un coup, mais elle sÕest rangŽe. Elle attend son deuxime enfant, elle est plus belle que jamais.

 

 

- Dati-mi si mie un franc va rog !

Aveugles, des ombres, des manteaux foncŽs, une sŽrie de visages passaient devant elle, des visages sortis tout droit d'une histoire tout autre que la sienne. Elle avalait o turma de oameni. Venue de nulle part pour eux. Elle se sent poursuivie, par ceux-la mmes qui l'ont jetŽe hors du pays. Elle n'a aucune preuve. Des amis m'attendent sur le quai. Ils balayent les murs de leurs yeux ˆ la recherche d'on ne sait quoi.

- Si tu bouges, on te tue.

Je me suis laissŽ violer par des salauds, qui m'ont traitŽe de "Sale tzigane !".

Ces inconnus me laissent indiffŽrente. Je pourrai leur dire n'importe quoi...

- Alors, Magda?

Mme eux, je ne retiens plus leurs visages. Puis, les uns partent, d'autres reviennent.

 

- Dati-mi si mie un franc va rog ! : en roumain se prononce Į datzimi chi miŽ oune franeque va rogue Č :   donnez-moi un franc, sÕil vous pla”t

- o turma de oameni : en roumain se prononce Į o tourema dŽ oamŽni Č : un troupeau de gens

 

 

Son fils lui fut enlevŽ ds tout petit. Sa vie ne lui appartenait plus. Elle Žtait entre les mains du pouvoir en place. C'Žtait par un aprs-midi d'hiver, le froid glacial dispersait une lumire blanche, aveuglante. On frappa ˆ la porte. Des soldats pŽnŽtrrent dans la maison et lui annoncrent la dŽcision de l'organe suprme du parti de prendre son enfant pour lui donner l'Žducation qu'il mŽrite, afin qu'il devienne un membre digne de ce pays. La mre se ”mpotrivi, essaya de discuter, et se posta devant le berceau couvrant de ses deux bras l'enfant.

- "Ne le prenez pas", hurlait-elle.

Ils la poussrent, des soldats l'immobilisrent sur une chaise. Ils volrent l'enfant, donnrent un coup de pied dans le ventre de la mre pour pas qu'elle les suive et disparurent dans la neige.

 

- se ”mpotrivi : en roumain se prononce Į sŽ ”mepotrivi Č sÕopposait

 

 

- Au bout de toi, Éfinissant en paix,

- QuÕest-ce que tu me donnes ?

- Moi. Je suis la Mort.

- tu viens me voir, voir si tu peux sa ”nhati ceva. Mon heure nÕest pas encore venue. Je veux vivre.

- Je suis lˆ. Je repasserai.

 

- sa ”nhati ceva : en roumain se prononce Į sa ”nehatzi tcheva Č : pour empoigner quelque chose

 

 

Dans les plats aigres-doux dans lesquels je me prenais la tte, une fois digŽrŽs, je me detachais d'eux pour atterir sur des terres inconnues, le tissu que je fabriquais comme rŽsistance etait celui-la meme dans lequel je vivais, ou plutot c'etaient toujours ma peau, mes ongles qui transmettaient aux autres cellules qui repoussaient, refusaient toute collaboration, se faisaient toutes petites et simulaient des maladies comme des grossesses nerveuses. Le temps dilatait ces faux-semblants jusquՈ ce que je dŽcide de passer outre sa force dÕexŽcution et reprenais le fil, depuis le dŽpart.

 

 

Prabusit pe un cot, maintenu contre la rampe dÕescalier il observait dÕun Īil le va-et-vient des employŽs en attendant son tour au guichet nr. 2. La semaine dÕavant, il avait prŽvu de consacrer une matinŽe au renouvellement de ses papiers santŽ. Ses pensŽes se adunau autour dÕune pile de CGV quÕil devait envoyer. Les intervalles qui participaient de la dŽcontraction ˆ la suite de son activitŽ ennuyeuse et costisitoare se ”nfundau telles des coquilles aux parois fendues dans cette atmosphre oppressante.

 

- Prabusit pe un cot : en roumain se prononce Į prabouchite pŽ oune quote Č : ŽcroulŽ sur un coude

- se adunau : en roumain se prononce Į sŽ adounaou Č : sÕamassaient

- costisitoare se ”nfundau : en roumain se prononce Į quossetissitoarŽ sŽ ”nephounedaou Č : cožteuse sÕenfonaient

 

 

JÕai mis quelques cassettes vidŽo dans lÕaprs-midi en matant ˆ de nombreuses reprises le plafond qui renvoyait inversŽs des personnages dŽfilant sur lՎcran, se tasser dans lÕespace vide accueillant et produire des t‰ches.

 

 

Elles se trŽmoussrent, Žtait content de la voir. LÕautre lana un de ses deux yeux sur le trottoir. Elle quitta pour aller travailler, Žtait pressŽe. Il descendit ˆ la cave. Un voisin lÕy rejoignit. Des traces de main. QuelquÕun a dormi lˆ. CՎtait une fille qui pleurait, elle disait quÕelle avait faim. La peau de son cou et de son visage Žtait infectŽeÉ elle trouva un foyer social car les habitants de lÕimmeuble sÕorganisaient pour fermer la cave ˆ clef.

 

 

LA PATRONNE

 

La patronne se posa, atterri sur elle, sur son dos, comme tous les matins et se mit a ciuguli sur son dos. Repue, se umfla ”n pene et faisait une danse en gonflant ses Žpaules repezindu-se aux quatre coins de la pice, en imitant le cri des oiseaux. Elle se leva pour rentrer et se coucher dans son lit sur le ventre. Peu aprs, elle prŽpara son d”ner. Les mots lui venaient petit ˆ petit et lesÉÉsur le papier. Il Žtait tard.

 

- a ciuguli : en roumain se prononce Į a tchiougouli Č : picorer

- se umfla ”n pene : en roumain se prononce Į sŽ oumefla ”ne pŽnŽ Č : gonfla ses plumes

- repezindu-se : en roumain se prononce Į rŽpŽsinedoussŽ Č : se ruant

 

 

Dans la rue, il aperut soudain, une femme aux vtements rupte par endroits, maigre. Į Il me semble la conna”tre Č, se dit-il. Le visage aspru si ”ncruntata cachait la douceur, le rire de la femme quÕil avait connue autrefois. Ils se croisrent tels deux inconnus.

 

- rupte : en roumain se prononce Į roupetŽ Č : dŽchirŽs

- aspru si ”ncruntata : en roumain se prononce Į asseperou chi ”nequerounetate Č : dur ,les sourcils froncŽs

 

 

"JÕai trouvŽ mon exotisme en elle : pendant que je suis avec ma femme elle est lˆ, pas dans les visages qui sont devant nous mais la peur au ventre, de celle qui venant du bas dÕelle-mme reprŽsente une menace pour son quotidien. Je suis lˆ avec ma femme et je suis fier de ma femme, ma voiture et cette femme amoureuse." Mon futur amant rigola quand mes gestes pas sžrs je t‰tonnais. Et il passe et repasse et je jouisÉ  "Elle vient de nulle part, pas de notre monde. On la voit juste deux ou trois jours par semaine."

 

 

Les Žtrangers attirent les franais comme les abeilles le miel, dit-elle dŽgožtŽe ˆ mon encontre.

 

 

LÕAGRESSION

 

Il avait mis un voile sur les objets quÕil rencontrait sur son chemin. Il tissait ce voile depuis plusieurs semaines. Ce matin-lˆ ”ntunericul era peste tot. Il prit un cutter, coupa dans sa chair des stries tracŽes aux endroits quÕil trouvait vides.

 

- ”ntunericul era peste tot : en roumain se prononce Ō ”netounŽriqoule Žra pessetŽ tote Č Ķ : l'obscuritŽ Žtait partout

 

 

Un vert translucide presque phosphorescent, irrŽel, renvoie ˆ une texture kitsch. Elle-elle. Le bordel elle. Elle sՎcoule ˆ travers les pierres jusquՈ moi. LՎcume se fend contre les parois oblique et Žparpillait la mousse. Dehors-dehors, la limite et vis. Tout ce petit monde lointain, opaque, inexplicable. Mes yeux tels des cailloux se plantent entre les excroissances, effeuillements du sable chaud. Elle ment. Des plis de sa peau sont rŽcoltŽs

 

 

LA CEREMONIE FUNERAIRE

 

Dans un royaume au bord d'une mer lina (ou : verte), la poalele unui munte escarpŽ, tous les enfants ˆ leur naissance reoivent une fiche. Lors de cŽrŽmonies funŽraires, le roi triait les fiches et celles qui avaient un point noir Žtaient jetŽes ˆ la mer o l'encre se dŽliait et formaient de beaux dessins. 

Celles marquŽes de rouge ils finirent ˆ la poubelle.

 

- lina : en roumain se prononce Ō linaĶ : paisible

- la poalele unui munte : en roumain se prononce Ō la poalŽlŽ ounou• mounetŽĶ : au pied dÕune montagne

 

 

LE ROYAUME

 

C'est l'histoire d'un royaume, dont chaque citoyen possŽdait un dossier, un jour, un des dossiers disparut, le conducator le cherche, le cherche, dans ses autres dossiers, partout, mais ce dernier s'Žtait envolŽ. Il tŽlŽphona aux autres, il chercha sous son bureau, le suspecte de l'avoir cachŽ sous ses affaires, la p'tite se leva, ˆ la maison son dossier Žtait en effet nulle part, elle le cherche, sous la table de la cuisine, sous le canapŽ, elle se fabriqua une caravane, avec laquelle elle strabatu tout le pays de long en large, chez chacun des habitants, elle regardait attentivement, nulle trace du dossier, elle traversa des mers et des montagnes, mais le dossier Žtait comme enterrŽ, elle colinda ainsi, de longs mois, le dossier Žtait ˆ l'image de chacun et personne n'avait le droit de le lui ™ter,

"vous n'y avez pas accs" lui dit-on

 

- strabatu : en roumain se prononce Ō strabatou Ķ : parcourut

- colinda : en roumain se prononce Ō quolineda Ķ : fl‰na

 

 

UN JOB

 

Respirant ˆ pleins poumons lÕair qui circule dans le texte que je lis dans la revue posŽe sur mes genoux, je lve la tte et dŽcroche le tŽlŽphone, baisse les yeux sur les lettres tiparite sur le papier, raccroche. Dans lÕautre tŽlŽphone, un technicien nous communique les rŽsultats de la tournŽe. ŌTes rendez-vous sont tordus. Tu nÕes toujours pas professionnelle Ķ, dit-elle en riant, dÕune voix pleine de satisfaction. Je me levai, passais un coup de fil ˆ une amie pour lui donner lÕadresse dÕune ANPE spŽcialisŽe Ō Au revoir !, Au revoir, Alexandra ! Ķ rŽpondit la responsable et quittais lÕentreprise jusquÕau lendemain.

 

- tiparite : en roumain, se prononce Ō tiparitŽ Ķ : imprimŽes

 

 

UNE DISPUTE

 

Une fois son amoureux fugace parti, elle fit ses adieux ˆ la pice quÕils occupaient, mit ses sandalettes, aphone, les premires heures, les conduits O.R.L. ŽclatŽs par leur dernire dispute, se voulait forte et pleine dÕentrain, des cernes, la peau fripŽe et un teint p‰le lui conseillaient le repos.

 

 

MON MEDECIN TRAITANT

 

- Vous tes sans emploi ? Vous avez un problme ?

- Non, pas ce que vous entendez par ce mot.

- Vous savez, le gouvernement nÕa plus dÕargent pour payer ce genre de gens.

Un sourire dŽcorait ses dents enchevtrŽes. Ses sentiments ˆ mon Žgard dŽferlaient du haut de sa supŽrioritŽ certaine. Elle regarda mes papiers de SŽcu et fit une grimace en voyant la CMU.

 

 

UNE BASTON

 

Dans une ville :

Marius marchait depuis un temps sans sa bŽquille. Il avait reu une prothse payŽe par la SŽcu. Il flambait dans la citŽ depuis quÕil marchait normalement et la dŽvoilait firement. Mme les filles la pelotaient avec admiration. Quelques jours aprs, des jeunes sÕamusaient autour de lui en criant Ō Vas-y voir ce que tu peux faire avec ta jambe. Ķ  Sa tte buta contre le trottoir. Ils partirent.

 

 

LA RUE

 

Au bout de la chaussŽe un homme chantait ˆ la voix de nestap”nit une salve ponctuŽe de Ō hou, hou Ķ en guise de refrain rŽpŽtŽ sans arrt. Un autre chanteur, celui-lˆ parolier entrecoupa le sien, provenant du trottoir dÕen face. LÕon passait crispŽ dans ce concert de voix. Ō Hou ! Hou ! Ķ, scandait encore plus fort le premier. Le deuxime se mit ˆ crier contre les passants tout en buvant un coup.

 

- de nestap”nit : en roumain, se prononce Ō dŽ nessetapiniteĶ : indomptŽe

 

 

AU TRAVAIL

 

Je vous vois ˆ travers la vitre. Je vous observe ˆ travers un ochean. Je vous ai vu tout ˆ lÕheure bouger la main de c™tŽ comme ca (elle fit le geste) et mettre le doigt sur le bouton de dŽmarrage de lÕordinateur. JÕai baissŽ les yeux et dÕun autre Īil vous regardait travailler. Il est venu demander des nouvelles du patron, on lui dit quÕi allait trs bien sur un ton condescendent, il venait dÕappeler, une voix charmante et ouverte comme le cul de la poule au moment de la ponte acquiesait sans arrt.

Je regardais par la fentre, il se pointa devant moi, les muscles du visage tordus par une grimace, parla dÕargent et ma voix cristalline le dŽtendit. Un cheval fougueux passa en flche devant mes yeux, rasant en diagonale la petite cour situŽe sur le toit de lÕimmeuble pendant quÕelle se lavait les mains, une collgue me raconta un fapt qui se dŽroulait pendant ses cours de dessin ses sorties avec ses amies.

 

- un ochean : en roumain, se prononce Ō oune oquŽane Ķ : une lunette

- un fapt : en roumain, se prononce Ō oune fapete Ķ : un fait

 

 

LE QUAI

 

Elle est restŽe prs de moi pendant plus de vingt ans. AttachŽe, jՎtais attachŽe. Un matin je me rŽveillais, je passais les limbes du sommeil, adhŽrais ˆ ses murs pour pŽnŽtrer sa demeure, les gestes maladroits du matin, lÕappelais vers moi pour mÕhabiller de sa peau et moulais mes premiers pas ˆ peine esquissŽs sur les siens.

 

 

Le trou s'agrandit, il vaut maintenant trois cents mille de millions, dŽbarquŽes de Patagonie, de pices dŽtachŽes, dans nos assiettes avec des poils et puantes, y a quelques instants, elle blait encore dans les champs, arrive par avion direct dans mon assiette, sa langue violette pend,

 

 

LÕAMOUREUX

 

Elle revenait de ses courses sur le chemin du village dՈ c™tŽ qui longeait le champ. Elle se pencha pour compter le nombre de ses sacs. Un garon pissait au bord de la route. Il referma sa braguette, sÕarrta en apercevant la jeune fille et marcha en appuyant sur elle son regard. Ō Bonjour ! Ķ fit-elle, surprise par cette rencontre. Ō Ca va ? Ō  lui lance-t-il sur un ton ”nabusit. Ō CÕest pas trop lourd ? Ķ Il regarda ses provisions puis ses yeux, son sourire, la poussa violemment, elle tomba dans le fossŽ. Pendant que dans ses bras domolita par ses caresses il lui murmurait des mots abaissants ˆ lÕoreille, sa sincŽritŽ donnait prises ˆ ses paroles. Il se tournait vers elle quand il sentait son Žloignement, lorsque ce terrain propice ˆ ses phantasmes, cette faiblesse quÕil a travaillŽe de ses mains se dŽvoile ˆ sa vue en quelques mots, quand les liens qui mÕaccrochent ˆ lui traduisent ce type de rapport, lorsquÕil active de ses mots, cette surface participante de lÕacte sadique quÕil a crŽŽ de toutes pices.

 

- ”nabusit : en roumain se prononce Ō inabouchiteĶ : ŽtouffŽ

- domolita : en roumain se prononce Ō domolitaĶ : apaisŽe

 

 

LE FUYARD

 

Des HLM bordaient la route. Son jean Žtait dŽchirŽ. Il portait un gros sac. Il sÕarrta en bordure dÕautoroute et fit du stop. Des voitures de flics illuminaient la fort par intermittence. LÕune dÕelles sÕarrta. Un policier vŽrifia ses papiers, lui donna un ghiont en passant. Des jeunes qui venaient de la citŽ lÕinterpellrent. LÕun dÕentre eux lui fila un coup de poing. Ils Žventrrent son sac empli de vieux pulls, chemises et quelques soutiens-gorge. Il balana une injure. Ils rigolrent lorsque lÕun fit semblant dÕessayer une jupe devant les autres. Ils lui donnrent quelques coups de pied et dŽguerpirent. Ō O on va ? Ķ Ils glissrent en bas du talus.

La couleur de lÕasphalte Žtait ˆ peine perceptible. Il nÕy avait pas de bruit. LÕair de la nuit Žtait froid. Engourdi de fatigue, il arriva dans la ville, trouva un escalier dÕimmeuble sur lequel il sÕallongea et dormit. Au petit matin, des mouvements de pieds le rŽveillrent. Il demeura immobile quelque temps pour se rŽchauffer. Un policier accompagnŽ dÕune femme le rŽveilla pour lui donner lÕordre de quitter lÕimmeuble.

 

- ghiont : en roumain se prononce Ō gu•onete  Ķ : bourrade

 

 

Je surpris ses yeux comme deux lanternes qui m'Žpiaient depuis un bon bout de temps dŽjˆ, et je savais qu'il Žtait en train d'observer ce qu'il Žtait possible de faire avec moi, comment me descendre en dÕautres termes. Je n'y prtais pas attention outre mesure et il finit par me faire tomber.

 

 

LE JARDIN

 

Les fleurs Žclosent, seule une me regarde de son pŽtale, elle engendre au bout des pics vŽnŽneux. Sa corolle spongieuse forme de la bave comme au bord des lvres des femmes lors des crises dÕhystŽrie, se ferme, le soir venu. La racine est molle, la tige tavelŽe, le lendemain le ciel scintille. Un pŽtale se dŽtache du globe, la tige cingle le vent lŽger du matin, dans le calice sunt asezate les pistils jaunes, la fleur respire lÕaube. Les pistils dÕune de ses collgues sont marrons tte-de-ngre. Este ofilita. Une brise fra”che me g”dila les narines. Le champ de fleurs est spulberat de v”nt. Il va certainement pleuvoir. LÕeau de mer frŽtille en surface, les vagues sont rapides et petites.

 

- sunt asezate : en roumain se prononce Ō sounete achŽsatŽĶ : sont disposŽes

- Este ofilita : en roumain se prononce Ō essetŽ ophilitaĶ : elle est fanŽe

- g”dila : en roumain se prononce Ō guidilaĶ : chatouille

- spulberat de v”nt : en roumain se prononce Ō spouleberate de v”neteĶ : ŽparpillŽ par le vent

 

 

RACISME

 

Ō Tire-moi ce rideau. On nÕest pas en Afrique ici. Ķ Son cr‰ne enfarinŽ, le squelette de son visage recouvert dÕune large couche de plasma dŽlŽtre fixait sans me regarderÉelle se dŽplaa dans la pice ˆ c™tŽ pour voir les filles. Elle se renseigne si le patron ne lÕa pas appelŽe. Fait ses comptes ; lve les yeux : Ō on a volŽ des stabylos. Ķ Elle me regarde. Ō On doit tout fermer ˆ clef. Ķ Ō Oui mÕdame. Il nÕy a pas dÕautre solution. Hmm ? MÕdame ? Ķ Je prends quelques instants de pause. Au bout de trente minutes je fais une pause ˆ nouveau. Ō Tu ne travailles pas aujourdÕhui, Alex ? Ķ me lance-t-elle sur un ton ironique.

 

 

Je ne pensais pas pouvoir me retrouver un jour parmi les bombes, avec mon enfant ˆ mes c™tŽs, ”n v”ltoarea aceasta qui m'avait mis le pied ˆ l'Žtrier au dŽpart, lorsque je pensais encore pouvoir fuir. Cet enfant, ˆ mes c™tŽ avait besoin d'une vie normale.

 

 

Je le mis dans la confidence. Ne tÕapproche pas de lui. Tu nÕes pas de chez nous.

 

 

Survenu trois mois aprs lÕaccident, je lui demandais de me relater lÕhistoire pour que je comprenne pourquoi ce tremur (tremblement) dans la voix et les mains.

"JՎtais ˆ c™tŽ de lui quand il sÕest fait Žcraser, jÕai entendu le choc de la masse contre mon corps, il est tombŽ. Le chauffard a filŽ. JÕai pas su quoi faire, puis quelquÕun mÕa dit quÕil allait appeler une ambulance. Je rŽalisais pasÉ"

 

 

Cherche roumaine ˆ forte poitrine ˆ baiser, entre deux parties de jambes en lÕair avec ma copine. Ca fait partie de ma recherche dÕexotisme, un renouveau pour mon couple peut-tre aussi, de quelque chose de different (inhabituel) ˆ se metrre sous la dent entre deux nuits dÕamour avec mon amie.Cherche roumaine, ou autre, dÕorigine Žtrangre, sud de prŽfŽrence.

JÕaccorde un supplement gratis, rŽparation du chauffage Žlectrique ou dÕun objet electrique de son appartement. OpŽration libre Žchange, sans paiement.

 

 

Un petit garcon se dirigeait vers moi : Į JÕai perdu ma maman, il y a plusieurs jours Č, Į Tu ne lÕas pas perdu Č rŽpondis-je. Į CÕest elle qui tÕas laissŽ car elle ne pouvait plus tՎlever. Į Tu vas trouver quelquÕun qui va sÕoccuper de toi Č, Į Mais ma maman Žtait gentille. Į Je sais ; tu vas trouver quelquÕun. Č Į JÕai faim" Į Tiens, voilˆ cinq francs. Č

 

 

Il lÕavait vu au-delˆ de ces contrŽes proches dans lequel il avait toujours vŽcu un arbre plus grand que les autres qui le poussait ˆ travers les champs  pour lÕatteindre (pour y grimper).

La nuit il poussait dans sa tte, sortait comme une natte plap”nda mais rigide. Une multitude dÕinsectes venaient se revigorer sur ses ramuri et feuilles dont les nervures sifflaient au rythme des you-you ˆ leur encontre. DÕautres nevures descendaient pour boire la sve dans son cr‰ne. Puis on entendait la respiration lente et rŽgulire des estomacs repus. Au petit matin, il buvait vite fait son lait crŽmeux et au plus grand bonheur de sa mre qui le croyait pressŽ de partir pour lՎcole, il courut jusquՈ la risire pour voir les contours de lÕarbre se dessiner sur le ciel.

 

 

Au milieu de lՎtŽ, je dŽcidais de partir en vacances. JÕatteris dans un camping empli dÕadolescents dŽfavorisŽs auxquelq les mairies de gauche avaient payŽ des vacances. JÕarrivais, le premier jour, une femme mÕaccueillit, belle, plantureuse, gentille et mÕoffrit une tente, ˆ condition que je lave la vaisselle, le groupe dÕarabes se pointa au bout de deux, trois jours. Leur voiture mÕattendait tous les jours pour descendre ˆ la plage et la groseur de mes seins les faisait planer. Le soir, alors que nous Žtions en train de manger, dans le coin de la table se tenait un garcon, timide renfermŽ. La patronne me demanda si je voulais bien partager ma tente avec lui. Nous dormions c™te ˆ c™te pendant plusieurs jours, il venait du Mali et faisait  des Žtudes de psychologie. Je me sentais auprs de lui comme un poisson dans lÕeau, ˆ quelques moments il me reprocha de ne pas mÕinteresser ˆ lui ; jՎtais lontaine, mme au bord de lÕautoroute, lorsque jÕapprehendais le moment o nous allions nous sŽparer.

 

 

Le marchŽ sÕemplit vers midi ; les gens achtent pour la semaine ou fouillent ; prs de la halle est le squat o circulent des sacs de drogue. J'allais chercher du boulot. LÕasphalte acoperea la verdure, le carrefour grouillait de monde. A c™tŽ du carrefour se trouvait un magasin ˆ la sortie dÕune bouche de mŽtro, on sÕy pressait pour entrer et pour sortir. Des boutiques musulmanes surplombaient lÕendroit. Des jeunes se retrouvent ˆ la sortie du mŽtro, je me dirige vers ma citŽ.

 

- acoperea  : en roumain se prononce Į aquoperŽa Č : recouvrait

 

 

LE MEDECIN

 

Le chirurgien voulait la tuer sur la table dÕopŽration afin que toute trace de la tentative de meurtre disparaisse. Une simple maladresse, passŽe inaperue, aurait suffi ˆ lui ™ter la vie et il sÕen serait dŽbarrasser dans une poubelle rŽservŽe aux Žtrangers, tel quÕon a lÕhabitude de faire, en fermant les yeux de dŽgožt. Il aurait baisŽ la fille dont il avait envie depuis le jour o il la vit aux c™tŽs de sa mre puis lÕaurait rassurŽ en lui disant : Ō CÕest pas grave, la mme chose se passe en Bosnie, ˆ deux pas de chez nous aussi. Ķ

 

 

LES ABIMES

 

J'attendais, assise sur les marches de la MJC la venue de l'animatrice que je devais assister lors d'une journŽe d'essai pour un nouveau travail. J'entendis dans le hall d'entrŽe deux jeunes filles reprendre le refrain qu'elles Žtaient en train d'Žcouter dans le walk-man : "Je fais mouiller des chattes...". Il pleuvait. Je venais de quitter le cabinet de mon dentiste qui lorgnait ma CMU.

"Pfff-Pfff", entendis-je derrire moi. Je retroussais ma jupe, Žtirais et amorais cet aprs-midi de travail. "C'est fou !", la voix s'accrochait au fragment de mon corps, au tournant de mes mouvements affairŽs, dŽchira quelques nervures, sinueuses, pressantes, rŽpŽtitive, creusa un ab”me dans lequel tous les mots se firent l'Žcho d'une souffrance, se izbi d'une autre, qui crevŽe, laissa s'Žcouler des mots en vrac, prenant ma forme de l'ab”me, puis une autre et une autre et le visage ab”mŽ se montra chez le boulanger.

 

- se izbi : en roumain se prononce "sŽ izeb•" : heurta

 

 

UNE JOURNEE DE TRAVAIL

 

La pice se vide de tout relief et se transforme en gouffre. Je dŽcroche, mÕaccroche ˆ mon outil de travail ; lˆ jÕexiste, nous passons pour acheter, nous passons la semaine prochaine, non, la semaine du neuf, mon patron passe ˆ partir de mardi, non, pour acheter vos mŽtaux prŽcieux, nous passons dans la semaine, non, combien avez-vous ? Cent grammes, cinquante grammes, non. Je vous rappelle pour vŽrifier. Dans quelques jours.

Je dŽcroche. Chut. Raccroche ! Elle compte, lÕargent du tŽlŽphone que je dŽpense, les chiffres inscrits sur les factures, les minutes que je passe ˆ parler ˆ ma voisine, lÕabsence. Je dŽcroche, le compte ˆ rebours a commencŽ. Le temps immobile, ”ntepenit, les minutes arrachŽes, ŽgarŽes sՎcoulent ”nebunite, ”l destrama, ”l alcatuiesc. Je ne comprends plus rien. Mon ventre se durcit comme du fer. JÕenregistre les dates de passage. Va-t-en, va-t-en maintenant. Ces minutes ”nteapa un sommeil ”ndelungat.

 

- ”ntepenit : en roumain se prononce Ō ”ntzŽpŽnite Ķ : fixe, immobile

- ”nebunite, ”l destrama, ”l alcatuiesc : en roumain se prononce Ō ”nŽbounitŽ, ”le dessetrama, ”le alequatou•esseque Ķ : affolŽes, lÕeffilochent, le constituent

- ”ndelungat : en roumain se prononce Ō ”nedelouneguate Ķ : long

 

 

Je pris quelques photos avec lui. Je pris mes bagages et partis pour marquer de mes pas le sol des autres pays, inscrire des semelles de mes pieds ma personnalitŽ en lui. Je l'ai vu passer, ˆ moitiŽ dŽshabillŽ, parcourant ˆ toute vitesse les monuments de la ville, les uns ˆ flanc de montagne, d'autres perchŽs a des kilomtres du village le plus proche. Je suis passŽe te voir, tu Žtais au lit avec un lumbago. Je fabrique des jouets en papier carton pour t'oublier et pour me sentir entourŽe. Je le dŽposais dans un no man's land.

 

 

Leurs peaux tombent. Des rictus sur le visage, des grimaces figes de la folie, des monstres sont nes. Ils tremblent, pietinent, des muscles de leurs visages sont morts, il n'y a pas d'influx nerveux, de volonte deles bouger. Ils parlent seuls et rient. Ils s'amusent dans la folie, c'est un autre monde. Si je leur parle je suis foutue. Je me sens attaquee. Chacund'entre eux et atteint, ils formet les bras d'une peiuvre. Il est venu me dire que ca va pas, il n'etait pas lui-meme. Il restait de lui qu'une peau morte, il etait devenu tout petit, la vie l'a quitte, le sourire etait juste un mouvement des mandibules.

 

 

Des gens qui ont le pouvoir. Alors personne dit rien. Ils en profitent, se pavanent. S'il ne l'avait pas dit, des millions se baladent tranquille, parmi nous qui nous disputons sans cesse pour un franc ou deux. Notre misere les satisfait. Je lisais en pause assise sur un banc. Des que je repris mon travail, il m'interpella "vous etes en visite ici ?" En effet je travaille dans un musee. Il m'a demande quelle est la marche a suivre. 2 et 2 font quatre avez-vous dit. Des escrocs nous font perdre des milliards de vies humaines.

 

 

Il me fit barrage. Interdit d'entrer ici. Surtout, en trambla...

 

 

La maison etait inondee. Au bout d'un temps tout partit en fumee. La vie des gens.

Que fait-il la ? Mine de rien. Il s'etait degonfle.

 

 

Le matin je pense a ma journee de travail. J'y pense comme a quelque chose de clean, structure. Quelques minutes apres j'entends des voix dans ma tete qui me disent comment je suis, ce que je dois faire et ne pas faire. L'essentiel c'est de ne pas engager de discussion avec elle, car ca voudrait dire que je rentre dans ce systeme qui va m'avaler.

La moindre tentative de construction, de realisation est un crime, ca leur fait peur. Personne n'existe pas.

 

 

"Melle Bouge n'est pas en forme." Je suis mal vu. Il se leve, devient blanc. Comment un homme comme moi peut-il etre la, a surveiller des chars qui pese une tonne je suis mal vu. Ils m'ont mis a surveiller des chars. Vous allez chanter ce soir ? (C'est la fete de la musique, je ne sais pas chanter).

 

 

Que vais-je faire sans elle ? Que puis-je faire sans elle ? A partir de quand.

 

 

Elle tomba. Sa jambe fut casse sa volonte flechit. Elle s'enferme au fond de son lit et ne voulut voir personne. Personne pensa a elle pendant qu'elle etait malade. Alve tomba au fond du trou, sous le lit.

 

 

Il attendait sur le perron de la gare deserte. 5H du mat. L'humidite lui avait penetre les os. A l'interieur des hommes dormaient. Il retourna au bar de la gare, le seul ouvert toute la nuit dans la ville.

 

 

Ils se taisaient. Elle etait au milieu de la scene, elle avait oublie de se nourrir et soncorps a capatat l'aspect d'une mouette decharnee amenee par la houle sur le bord dune mer polluee. Le sable avait une odeur de poisson pourri. Elle fit semblant de ne pas vivre. Les sequences du film firent volte-face, sa chair invineti au fur et a mesure, son ami, son oncle venu d'on ne sait ou s'adressa a elle pour lui demander de l'argent. Ne me demandez rien. Les elements pluteau. Dans la prison, il fit la tete. Natacha, lui dit-il.

 

- invineti : en roumain se prononce Ō ”nevinetzi Ķ : bleuit

- pluteau : en roumain se prononce Ō plouteaou Ķ : flottaient

 

 

Elle poursuivait son chemin, a jamais trace ici,dans l'atmosphere apasatoare, sa tete pouvait lui etre enlevee a tout moment a tout moment. Mais elle n'en etait pas la. Il fallait manger, dormir, s'occuper de lui. Son visage radiait comme une lampe qu'on allume lorsqu'il etait pres d'elle. Il ne la vit qu'apres une fois capturee, morte sous des vetements violets comme un spasme sans fin.  Non, jamais, m'entends-tu, jamais nous nous vimes tel qu'on est vraiment : toi, moi, lui. Dis-moi. Il zgiltiie. Il prit peur et s'enfuit. Tu m'a regardee ? Au fond, sur un ton de suparare, elle lui reprocha ses nuits sans sommeil pendant lesquels il venait lui raconter des histoires debiles, lorsqu'elle devait penser a bouffer le lendemain. Il la quitta, muet il ne comprenait rien. Sur le trottoir, ses idees se impotmoleau dans les baltoacele din drum.

 

- apasatoare : en roumain se prononce Ō ”nevinetzi Ķ : pesante

- Il zgiltiie : en roumain se prononce Ō ile zguiletzie Ķ : elle le secoua

- de suparare : en roumain se prononce Ō de sparare Ķ : de chagrin

- se impotmoleau : en roumain se prononce Ō se mepotemleaou Ķ : s'enlisaient, s'embourbaient

- baltoacele din drum : en roumain se prononce Ō baletoatchele dine droume Ķ : flaques sur le chemin

 

 

(Il prit de lÕargent dans la commode et le rangea dans une enveloppe qu'il placait dans une pile de papiers) sur un des tiroirs de la bibliothque.) Pendant ce temps, il prŽparait point par point le dŽroulement du voyage.)

QuelquÕun sՎtait enfui de son pays et avait pris mes papiers pour circuler librement.  Il mÕa appelŽ quelques heures aprs quÕil ait commis le vol. Pendant quelques instants, il sÕest fait passer pour un copain que jÕaurais dž rencontrer lors dÕune soirŽe.

-Ouais, tu te souviens, tu Žtais avec des amis. Tu avais un peu bu et moi aussi, nous avions parlŽ un peu puis je suis parti, car un copain que je logeais pour quelques jours mÕattendait pour rentrer.

- Je ne mÕen souviens pas. De plus, je sors trs peu en ce moment.

- Un ami mÕattend pour travailler en Allemagne. Ta carte dÕidentitŽ me permettra de passer la frontire. Je suis obligŽ de mÕen servir, il mÕest impossible de faire marche arrire. Hier, jÕai rangŽ mes affaires dans mon sac et jÕai trouvŽ ˆ la gare un billet dans le train de demain matin. Je passe la nuit dans cet h™tel et je vais rejoindre cet homme qui mÕa promis de me trouver de quoi gagner ma vie.

 

 

LA TETE    

 

La rue Žtait pleine de monde les articles Žtaient en partie exposŽs dehors sur des Žventaires. On trouvait toutes sortes de babioles et dÕobjets utiles. (Ë gauche, la rue Žtait bordŽe de coiffeurs et librairies arabes.)

Des gens squattaient adossŽs aux balustrades devant une farfouille ou un cafŽ. Un transsexuel Žtait toujours assis sur les marches dÕun immeuble. La nuit, un homme vole des enfants. Le linŽament du visage restait le mme, mais il Žtait pourvu dÕune double tte, dont un trait avait glissŽ au moment al ”nfaptuirii vers son jumeau, (confondus ca o d”ra avec celui de son voisin), le trait sՎcoulant tordu vers celui de son jumeau, les deux ttes correspondent lÕune avec lÕautre dans la journŽe et se transmettent des messages, sous forme liquide, par des vases communicants. La nuit lÕhomme glissait dans lÕenfant en faisant surgir sa tte ˆ la lumire.

 

 

ELLE

 

Elle est violette, la peau du visage burinŽe, ses cheveux noirs touffus recouvrent la peau sŽchŽe pour la cacher ; ses yeux taind ”n piele, les pupilles sont rouges, elle est debout depuis plusieurs jours, de ses yeux sՎcoule un liquide chassieux, sa tte est ”ncoltita dans un Žcrou, ses yeux sont cernŽs, le bŽton est jaun‰tre, sa peau est vieillie, fripŽe, son Īil au beurre noir, son visage vinetiu et translucide, son Īil mort, sfar”mat dans la chair, la chassie sՎcoule, le long du bras sÕest solidifiŽ le sang de lÕagression, son poignet est gonflŽ par un Žrythme qui lui fait mal, ses seins sont deux vessies flŽtries qui pendent sur son buste, ses doigts au cotrobait, sous les vtements du garon, ses paupires sont marron caves, son cĪur bat sous lÕimper. Ses chaussures gaurite au bout sont traversŽes par le vent, sa main puternica, chaleureuse, il sՎloigne dans la rue, cahin-caha, la peau sur les os, recouverte dÕun eczŽma, il a faim, Īil dŽcoupŽ sՎgoutte de la peau,

 

- taind ”n piele : en roumain se prononce Ō ta•nede ”ne piŽlŽĶ : coupant dans la peau

- ”ncoltita : en roumain se prononce Į ”nequoletzita Č : acculŽe

- vinetiu : en roumain se prononce Ō vinŽtziouĶ : blme

- sfar”mat : en roumain se prononce Ō sfarimate Ķ : ŽcrasŽ

- puternica : en roumain se prononce Ō poutereniqua Ķ : puissante

 

 

AU BAR

 

La table gisait sur un sol plastifiŽ gris. Ils mangrent sans souffler. De lui-mme se dezlipi un homme qui le coupait. Son voisin le dŽgustait, coupŽ menu. Un homme sans ventre sÕassit ˆ ses c™tŽs et de ses prothses de doigts en bois lui apportait son repas ˆ la bouche, Au bout des bras, les doigts prirent la place des prothses. Un bras fut emportŽ dans le courant. Les ongles de ses doigts de pied furent arrachŽs. La table sÕeffritait ˆ une extrŽmitŽ.

 

- se dezlipi : en roumain se prononce ŌsŽ dezel•p•Ķ : se dŽcolla

 

 

LÕACCUEIL

 

JÕai pris dans mon bagage quelques slips, culottes, chemises pour venir te rejoindre. Comment tu vas mÕaccueillir ? Tu tÕattendras au fait que je vienne te rejoindre pour plus dÕune nuit ? Ou peut-tre une nuit seulement ? Tu me verras dŽbarquer, inquiet, gnŽ, le visage empli de haine, peut-tre. Į Ces Žtrangers, on leur donne une main, ils nous prennent le bras. Au dŽbut sembleras-tu calme, par savoir vivre, ou bien une rŽaction dÕembarras, de rejet, Žviter tout malentendu en de termes polis, me fera dŽguerpir ˆ lÕinstant. JÕy vais ou je nÕy vais pas ? Je mÕappuyais sur le bras du fauteuil du mŽtro. Je pense ˆ moi avant tout, me prŽserver. CÕest ton frre qui mÕaccueillit, glacial, la couleur de ma peau fit de moi lÕintruse. Il Žvita de me regarder plus longtemps, appela son frre et fila droit dans sa chambre.

Mon feeling sՎtait vŽrifiŽ ou bien Žtait-ce une simple habitude, ou un dispositif de dŽfense qui se dŽclenchait automatiquement.

 

 

La boule poussait ”n nestire. ‚a prend les dimensions dÕune boule dans laquelle des embryons de vie sՎparpillent comme un glonte care scapa et tue par inadvertance. Les choses ne capata une lueur quÕentourŽes des objets familiers. Dans les moindres recoins flottait ˆ la surface un colac de salvare auquel il manquait un survivant. Evadez-vous vers une lumire qui tombe verticalement sur son nez. Les nuits pluteau ˆ la surface comme un suspens du lendemain. La boule grossissait ˆ vue dÕĪil. Elle dormait le bout de son nez posŽ sur la couverture colorŽe. Les tours picurau des cailloux sur les tombes du cimetire. Ses galoches dans son sac, se strecura parmi elles, prise de panique. Une mise ˆ exŽcution rapide, sans trace, ne serait-elle pas plus efficace.

 

- in nestire : en roumain se prononce Ō ine nechetire Ķ : inconsciemment

- s-au netezit : en roumain se prononce Ō saou neteziteĶ : se sont lissŽes

- glonte care scapa : en roumain se prononce Ō guelonetŽ quarŽ squapa Ķ : une balle qui sՎchappe

- ne capata :  en roumain se prononce Ō ne quapata Ķ : nÕacquit

- un colac de salvare : en roumain se prononce Ō oune colaque dŽ salevarŽ Ķ : une bouŽe de sauvetage

- pluteau : en roumain se prononce Ō ploutŽaou Ķ : flottaient

- picurau : en roumain se prononce Ō piqouraou Ķ : gouttaient

- se strecura : en roumain se prononce Ō sŽ strŽqouraĶ : se faufilait

 

 

LÕACCENT

 

Des histoires sÕamalgamaient tel un rayon de miel tissant une toile parfaite dans laquelle nÕimporte quelle mouche sÕy prenait.

Une histoire commenait par un Ō r Ķ, celui dont tout le monde avait entendu parler, le Ō r Ķ dÕune histoire qui sortait dÕun trou noir, dÕune personne qui nÕexistait pas, qui ne voulait pas exister, qui avait tordu sa langue et son larynx pour sÕessayer aux sons de la langue franaise, pour sortir le Ō r Ķ tant dŽsirŽ, ”nfundat si gretos.

LÕhistoire avait mis un temps pour se dŽvelopper. Un temps coupŽ par fragments, de personnages survenus dÕun passŽ lointain, de derrire lÕimage. Elle lÕa rattrapŽe, lÕimage, lui avait fait la peau, dirait-on. Le temps de crever un peu, dont la mesure a ŽtŽ prise sur un cadavre inhumŽ ces jours-ci, dans le cimetire prs duquel jÕhabite.

 

- ”nfundat : en langue roumaine se prononce Ō ”nfounedate Ķ: ŽtouffŽ

- si : en langue roumaine se prononce Ō chi Ķ : et

- gretos : en langue roumaine se prononce Ō grŽtzosse Ķ : ŽcĪurant

 

 

 

 

Alexandra BougŽ

 

 

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