Rves courts
MON MEDECIN
Je passerai certainement la voir dans les mois qui
viennent, munie de ma CMU que jÕtalerai sur sa table de mdecin, en charge des
finances de la scurit sociale de lÕtat, pour lui rclamer un arrt maladie,
le nime depuis que je la connais. Je serai certainement livide, le poids en
zone rouge, comme aime dire ma psy, un peu penche comme pour se protger,
elle se recroquevillera sur les papiers quÕelle prendra avec des pincettes du
tiroir et consentira signer trois jours. Pour commencer, car a mÕtonnerai
quÕen trois jours je puisse extraire de moi la gangue qui sÕest nourrie de ma
sant, dont le tissu revit ds que je franchis le pas de mon lieu de
travail ; mon cerveau tombe en miettes sur la moquette soigneusement
nettoye par notre homme tout faire, un sans papier qui sÕclaire la bougie
et qui se nourrit de pattes dans ses sept mtres carrs laisss lÕabandon par
son propritaire qui il donne les trois quarts de son salaire.
LE REPAS
Des bouts de nourriture qu'elle framnta avant
d'ingrer difficilement passaient par la cavit sphrique de la gorge, des
morceaux gris, lourds comme des cailloux, envelopps dans une pielita qui ne
laisse pas passer l'air, se frayaient leur chemin avec difficult,
poticnindu-se de tesuturile serrs, comme un phallus oprit de catre, par
l'ouverture en trompe l'Īil d'un vagin.
- framnta : en langue roumaine se prononce
Ō framinetaĶ : malaxe
- pielita : en langue roumaine se prononce
Ō pilitzaĶ : membrane
- poticnindu-se : en langue roumaine se
prononce Ō potiqueninedoussĶ : butant, trbuchant sur
- de tesuturile : en langue roumaine se
prononce Ō d tzssoutourilĶ : des tissus
- oprit de catre : en langue roumaine se
prononce Ō oprite d quatrĶ : arrt dans son lan
Les fibres par lesquelles passaient ses motions se
sont dsintgres et ont cr un kyste dans lequel sont alls sÕengouffrer ses
cris, ces fibres avaient t disloques et elle avait perdu les mots pour eux,
pour les redfinir et se frappa la tte contre les murs en se disant quÕelle en
tait incapable ; la forme de ses yeux, ses paupires sÕtaient dformes
comme sous lÕeffet dÕune modification apporte leur ordonnancement... Je les
appelle les liens affectifs. Un besoin intrieur de leurs rflexes interactifs
provoqua dans leur muette paralysie le drglement du systme nerveux,
accrochs comme des fils tnus, de mots, des absences qui appelaient le
raccord. La coupure a effac le suivi des traits, cousus comme des restes sur
le visage tumfi.
LÕADULTERE
Jean s'est dit que la mort avanait pas de gant
vers lui. Son corps flirtait avec elle. Felice n'tait pas en mesure de lui
dire la vrit. Elle lui avait promis, pourtant, les mots s'taient dsagrgs
sur le bout de sa langue. Jean tenait savoir comme pour percer un mystre, en
savoir plus sur ce qu'il ne pourra jamais dtenir de cette ralit.
Elle aurait pu penser que pour lui c'tait un
soulagement, il allait amener avec lui ce secret dans la tombe, au lieu de a,
elle tournait les mots dans sa tte, incapable de se dcider, comme si elle
doutait la fin de la vracit de ce qu'elle s'apprtait lui dire. Etait-ce
si important, aprs tout, qu'il sache que son pass avait t une sinistre
farce, qu'elle s'est abandonne lui comme par un coup du sort, bout de
soi-mme, harcele par le manque d'argent et l'angoisse.
Elle n'avait jamais pu lui dire des mots qui
restaient touffs dans leurs grains, trangre lui et par la force des
choses elle-mme car elle s'est mise en tte de remplir son rle d'pouse
la perfection. Venir l'emmerder sur son lit de mort, le harceler, jusqu' ce
qu'il parte, la chambre lugubre, la peur de la mort installe dans la pice lui
tait ses moyens.
LE MATIN
Finissant la nuit seule dans le lit aux vieux draps
dchirs sÕcrasant sous la couverture, mchant des angoisses arrtes dans sa
gorge aux yeux plombs, plonge dans le souvenir de ce garon qui collait la
peau. Elle se leva, ouvrit la bote bijoux, sortit un collier quÕelle
accrocha son cou. Elle sÕallongea sur le lit, ouvrit la fermeture son
collier, le posa sur la commode, adopta la position de fĪtus pour donner suite
ses rves. Elle affichait une silhouette de pantin dsarticul. Les lourds
rideaux molletonns, dentels dÕune feuille de plastique, habillaient la pice
comme un duvet un corps et dominaient la hauteur du plafond. La pice roulait,
comme une fuse sur son orbite, sur sa tte.
LÕENFERMEMENT
Au fond de sa cellule, Chris dormait, recroquevill
en chien de fusil. On entendait des cris de la cellule voisine. Jean a d
piquer sa crise. Il avait mal un bras. Il avait mal dormi la nuit, tenta de
se lever, s'assit sur la chaise. Les cris cessrent quelques minutes. C'tait
l'heure du djeuner. Le temps d'enfermement tait rgl comme une horloge, pas
le temps de s'ennuyer. Les hurlements reprirent de plus belle, quand il sÕest
agi de sortir pour manger. Aligns comme des fils, ils suivirent les ordres du
gelier. Racnete sous forme de blagues emplissaient le local :
- Et toi, le sidaque pd, je vais te niquer
mort! Tire-toi.
Jean se positionna l'cart des autres et se
parlait. Chris le regardait, nerv, il se sentait plus seul que lui. Le
gelier sÕarrta devant lui et annona une visite. L'tonnement avec lequel
Jean accueillit la nouvelle lui semblait feint.
Il se leva, bras ballants, puant et suivit en
tranant ses jambes, le gelier. Chris prit sa place pour tre tranquille, et
sirotait la soupe, pipi de chat. Une remarque dsobligeante l'obligea se
dfendre.
- racnete : en roumain, se
prononce Ō raquent Ķ : des rugissements
Je vivais la priphrie des villes, prs dÕun feu
de paille lger, ptillant, un culcus en voile de vent, pendant des annes jÕai
vcu l, tout seul. Un jour, ils me surprirent, mÕont dit de dguerpir :
ordre de police. Je ne savais pas o aller, alors jÕerrai comme ca, de route en
route.
- culcus : en roumain se prononce
Ō couleqouche Ķ : nid, abri
AU TRAVAIL
La solitude se fait bouche bante. Fsia de trotoar
se surpa et mÕenterre. Je tÕamne demain le voir, il aura des yeux de plomb, le
nez carr, des genoux comme des citrons giclant leur jus savoureux sur le sol.
QuelquÕun aspirait son sang, le fil branch la prise. Derrire, vtue dÕun
uniforme, debout. Elle lÕamena devant sa chef qui dbrancha le fil et
lÕinstigua lÕisoloir.
– Fsia de trotoar se surpa : en roumain se
prononce Įfichia d trotore se sourepaČ : le tronon de trottoir sÕeffondre
TAILLADE
JÕai mis sur la peau de mon visage des taillades.
Les tches que le sang a mises sur ma peau se sont tendues et se sont coules
par mes yeux. Je ne saurais le dire autrement que par taillades successives.
JÕaimerais cacher des mots qui sont autres que ceux par lesquels les gens
sÕexpriment.
LA MORT
Le loup frappa de la lumire verte de ses yeux ;
ses traits tombants, ses yeux pleureurs l'avertirent. Le monsieur lisait sur
des pages jaunies une sagesse dpose depuis des sicles. Ces marques lui
gurissaient son enfant virtuellement, pour amoindrir l'effet de sa chute. Il
est all cueillir au bout du chemin des fleurs, des boutons, petits, et lui mit
sur son nez, dans ses oreilles, lui touffa le creux qui tentait de l'aspirer,
le marqua aux genoux, la tte, sur la plante des pieds, des petits boutons
ovales, qui, striviti, laissaient un jus diaphane, teint de senteurs cres, de
fruits pourris. C'est l qu'il fit sa demeure. La terre absorbait le jus puant,
c'est l o il fit sa demeure. Il construisit derrire la maison une spulture.
- striviti : en roumain se prononce
Į setrivitzi Č : crass
LÕENVOL
- a jacte en roumain.
- C'est sa langue, il parat que a existe.
- Marron, fonce. Elle a un problme, la tte
enferme dans un bocal empli de liquide opaque.
- Tu la vois, toi ?
- Non.
- Donne lui bouffer, elle ne mange pas.
Elle essaye de se faire petite, a mis un mur devant
son visage, et si elle avait eu le don dÕubiquit, elle aurait boug dans la
pice ct o s'enferme, se contracte, rides et ridules noires gonflent son
visage comme une bulle qui, entrane par les mouvements de l'air disparat par
la fentre leganata d'alvole en alvole par les courants atmosphriques
s'chappe par l'ouverture de la fentre.
- leganat : en roumain se prononce Ō leguanateĶ :
berc
LÕhomme avait rang le cadavre dans sa bote
brosse dents.
LA VILLE
Je vivais dans des cartons au bord de l'autoroute.
Je me suis laisse, aprs le Contrat Emploi Solidarit, celui l'arme ou
n'importe o. Quand cela s'est-il pass ? Ont-ils rellement voulu me tuer
? Ils l'ont fait. Puis je me suis laisse, lasse, j'ai fui. Au tournoi de
ping-pong de cette anne, qui a gagn, t'en souviens-tu ?
Des restes d'tres humains taient assis mes
cts, au Centre Social ou l'ANPE. J'ai plaqu sur les cartons des grilles au
tissage dense, pour que a tienne le coup au passage de l'hiver. Je me suis
installe ici parce que j'tais bout, prs d'une dcharge o je fais mes
courses. L'ailleurs m'a pris de court en allant le rejoindre, dans la ville la
nourriture doit tre plus frache.
CENTRE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE
Elle pntra secoue de hoquets qui mchent sa peine
dans le hall devant sa psy qui lui embotait le pas, se sprijjini contre un mur
ne dtournant son visage, masque mortuaire necat dans une flaque de dchets,
affluent quÕelle vacue dans son usine corporelle qui digre, expulse,
laquelle elle lasse le soin de filtrer, jeter dÕo elle extrait une nymphe
balayant son corps. La psychologue nous offre un visage rayonnant, le corps
excit tourne sur lui-mme, rejoint la salle de mdecins, fait demi-tour dans
le hall gardant en bouche un bol alimentaire de culpabilit et de dgot.
"Madame Frie va sÕoccuper de vous." Ë travers la porte vitre, elle
affiche un sourire.
- se sprijjni : en roumain se
prononce Ō s sprijiniĶ : sÕadossa, sÕappuya
- necat : en roumain se
prononce Ō nequateĶ : noy
LE MTRO
Le bord du trottoir tait travers par lÕeau des
gouts. La rue tait en pente. Il sÕapprtait pleuvoir. Il ne savait pas
vraiment o aller, ressemblait une voiture sans chauffeur. Ses jambes
devenaient plus lourdes pendant quÕil marchait. Il descendit Rambuteau. Des
silhouettes se dcoupaient sur les affiches encolles le long des murs. Le
mtro avait fil droit dans le tunnel. Une cabine dÕalarme sÕlanait vers le
haut.
Des gens se dirigeaient dans les tunnels ou
montaient les marches qui menaient dehors. Prs dÕun mur, un homme sortit tout
dÕun coup son couteau et lÕenfona dans une personne la peau fonce qui
passait.
LE BANC
Les trottoirs dans une lumire noire, parcourue
dÕenseignes lumineuses et panneaux aux noms des boutiques, aux lettres picurnd
(laissant s'couler) sur le rideau la couleur dlaye par le tissu lche de
pluie, (pntre dans les fibres, absorbe par le tissu), qui travers les
gouttes laissait sa piqre. JÕtais trois pas de lui, il ne me reconnaissait
pas, je me retins de le jeter dans le caniveau, de reproduire le moment o il
me poussa violemment sur le banc.
AU BAR
Il arriva hier, une table plus loin, il mangeait,
les hommes taient debout, quelques-uns bouffaient au bar, je ne savais pas son
nom, il faisait beau, l'un dÕentre eux vomit et quitta le caf, il dplia ses
jambes sous la table.
Ce soir, il ne vit que son ombre passe, mais il
savait qu'avec quelques miettes il irait pas loin.
LE COUPLE
Les visites se faisaient de plus en plus rares, il
n'avait plus toute sa tte, aboutissait difficilement un dialogue cohrent
avec l'autre. Il se confrontait des silences, des trous qui se rsorbaient
lentement, difficilement au bout de quelques minutes. Elle n'avait manqu
aucune de ces journes de permission, et ne voulait pas le laisser seul, pas un
seul instant.
Ils se sont rencontrs pour la premire fois sur une
valle, accompagns de leurs amis, lors d'un pique-nique, se sont pass le sel,
lancs des Īillades timides au dbut et francs lorsque la discussion s'est
engage. Leur couple s-a nchegat sur des impressions qu'ils avaient en commun,
qui se sont avres de plus en plus clairs, limpides, ca venind de la sine.
Elle avait appris trop tard l'accident, une
avalanche de cris, quelques-uns cachs dans la foule, au timbre des scncete
des enfants. Ils se sont vus que plus tard, lorsque lui, trntit sur une chaise
roulante en transit dans la ralit, bouche par des rles, lui souriait. Il
tait l'abri des souvenirs. Elle tait l le dimanche.
- s-a nchegat : en roumain se prononce
Ō sa nquguate Ķ : sÕest consolid
- ca venind de la sine : en roumain se prononce
Ō qua veninede d la sin Ķ : comme allant de soi
- scncete : en roumain se prononce Ō scnetcht
Ķ : glapissements
- trntit : en roumain se prononce Ō trnetite
Ķ : renvers
STEPHANE
Stphane avait les poignets attachs, les organes
jaillis de lÕestomac, comme les fils dÕun cadavre de tl que je trouvais
lÕautre jour dans la rue. Les fils jectaient la tte de Stphane, ses mains
frles, mallables suivaient lÕordonnancement des particules dÕair, dont il
tailladait les contours, tirant le trait noueux, rompu, glissant du botier
tele qui le rvlait, tracait, entour dÕun personnage dans la rue, une clope
au bec.
LÕATTENTE
Deux pels et trois tondus dans le hall de gare.
C'est une petite gare. Une femme est assise, drogue, ct de son ami. Il
leur manque deux euros pour prendre le train. Son ami le demande tous les
voyageurs. La fille est enceinte. Sa tte tourne. "Ils n'ont pas deux
euros." Je n'ai pas deux euros. Ils ne sont pas l. Ils ont d trouver les
sous. Y a un groupe qui doit arriver. Ils doivent tre l d'une seconde
l'autre. Ils vont sortir du train. Je dois les convoyer jusqu' Lille.
LA CHARRETTE
Je regardais la lune, dessus des virgules
blanches. Un Īil s'coulait sur elle. L'aura qui la cernait tait pntre
de gouttes de sang. Celle-ci se trouvait sous la vote cleste. Elle tait
tire par une charrette, trasa par un homme qui ducea oale, dans laquelle se
trouvaient ses fils. Pe trotoarul blanc, la lune s'coulait.
Il allait en ville vendre du beurre. Un des
enfants s'assit ses cts. Les autres s'taient endormis. Des voitures
le klaxonnaient nervs. "Sales tziganes" criaient-il pendant qu'ils
les dpassaient. Le petit s'tait rveill et se blottit dans la veste de son
pre. Ils arrivrent la ville pour vendre du beurre et du fromage.
- ducea oale : en roumain se prononce Ō dutcha oale
Ķ : transportait des casseroles
- Pe trotoarul : en roumain se prononce Ōp
trotoaroule Ķ : sur le trottoir
LE VAGIN
Vagin cras sur un trottoir mouill de ton sperme,
au dpart vagin gauche, virtuel, puis petit petit ptri de tes mains, cras
entre tes doigts couleur pte de verre. Vagin mouill de ta salive, au dpart
gauche, livide, puis paroi lisse, pulvris au contact de mes yeux, vagin
cras sur le trottoir empreint de tes pas, un territoire avide cactus
plants sur la colline tout prs du ciel bleu qui baigne mon visage de ses
nuages. Au dpart gauche, livide, empreint de tes pas, verre pteux
transparaissent les hommes, en colonnes emmitoufls, au dos ncovoiat. Etroit
le chemin qui les spare sur le sol blanc, neigeux, se meuvent comme des tremuris,
dÕaucuns tombent, puis vers les longues terres vertes au bout duquel se tient un homme nu, lÕallure grotesque et
hallucine qui me fait signe de ne pas bouger, de rester neclintita ma place.
- ncovoia : en roumain se prononce Ō
innequovoaĶ : courb
- tremuris : en roumain se prononce Ō
trmouricheĶ : bruissement
- neclintita : en roumain se prononce Ō
nequelinnetitaĶ : immobile
LÕATTENTE
Deux pels et trois tondus dans le hall de gare.
C'est une petite gare. Une femme est assise, drogue, ct de son ami. Il
leur manque deux euros pour prendre le train. Son ami le demande tous les
voyageurs. La fille est enceinte. Sa tte tourne. "Ils n'ont pas deux
euros." Je n'ai pas deux euros. Ils ne sont pas l. Ils ont d trouver les
sous. Y a un groupe qui doit arriver. Ils doivent tre l d'une seconde
l'autre. Ils vont sortir du train. Je dois les convoyer jusqu' Lille.
UNE LIAISON
JÕavais pass des journes entires brouillant des
ides, facnd farmece cu pleoapele cazute au prince charmant pour quÕil se
transforme en fĪtus malade, rduit, consomm, dtermin jaculer un liquide
horizontal lÕodeur putride, aux petites gouttes purulentes qui clatent sous
la peau, serties de poussire dÕor, amasss en une bague au doigt, tirant le
reste dÕun cordon ombilical dÕune fabrique de boyaux ayant comme fonction de
filtre par leur contenu lÕarrive dÕair et dÕtrangler mon passage, empreinte
dans laquelle les habitants avaient pour habitude de jeter les btes mortes. Je
tournais grands pas autour du puits.
- facnd farmece cu pleoapele cazute : en roumain se
prononce Ō faqunede pharemetch qou ploapl quazoutĶ :
ensorcelant les paupires tombes, renverses
on arrte pas de me dire de renter chez miiii
C'est elle qui lui avait racont la nouvelle. Un jus
d'orange midi avait soulag sa fatigue. Elle se cambra sur la chaise du caf,
se tenant prte affronter l'aprs-midi de travail. L'usine fermait tard, ces
heures taient un boulet qui tombait comme en plein repos dominical. La respiration
tendue, elle se leva et avana comme une somnambule vers le mtro. Elle
descendit pas pas l'escalier, en faisant attention de ne pas se rompre le
cou, le revers de sa personne s'accommodait mal la vulgarit agressive qui
rgnait au boulot et cherchait une chappatoire lorsque le pic de tolrance
tait atteint. Un homme assis par terre, en bas de lÕescalier la regardait ou
peut-tre pas, impassible depuis des mois, une pancarte la main, marqu :
"J'ai faim." "Il fallait s'entraider Ķ, pensait-elle dsesprment.
Parfois bout, vivement quoi ?
Les squences du film firent volte-face, sa chair
bleuit au fur et mesure, son oncle venu dÕon ne sait o sÕadressa elle pour
lui demander de lÕargent. Į Ne me demandez rien Č. Les lments
flottaient. Dans la prison il fit la tte.
LE PREMIER CRI
Il tait prt la laisser tomber, d'autant plus
qu'elle allait lui pondre un mme. Le jour bni arriva ou selon l'avis des
mdecins il tait trop tard pour tuer l'enfant. Ils la placrent dans un centre
d'accueil tenu par une association humanitaire. Effar par la nouvelle, le
garon dguerpit sur le champ et ne lui donna plus signe de vie. Entoure de
filles enceintes, elle se sentait protge et l'abri, mit une croix sur le
sexe masculin en gnral et attendit patiemment l'arrive de l'enfant. Quelques
heures avant la naissance, le pre, prvenu par des amis, arriva l'hpital.
Elle feignit l'indiffrence, la pridurale lui fit oublier sa prsence. La tte
ensanglante et poilue pointa de son entrecuisse.
- Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? laissa
chapper le garon vers le nouveau-n.
La mre le foudroya du regard. Il demeura immobile,
la tte vide, gn par la situation inconfortable dans laquelle il tait.
SANS TITRE
Quand je traversai le tunnel un hululement
mÕaccompagna. Une porte quand jÕavanai. Je poussai la planche de bois. Du gaz
coula sur son dos. Je me trouvai sans tte. Paysage furtif du bas. QuelquÕun
lui tirait la peau du cou et ses traits se baissrent. Le squelette.
Nous vivons seuls avec un personnage quÕon a cre
soi-mme de toutes pices. ënghesuit, mal lÕaise. Des nomades ttes
dÕaigles, sur des terres quÕils ont foul de leurs pieds. Mettre au plus bas,
mettre bas. Lui sÕtait fait la malle, une malle grea, quÕil avait du mal
soulever. QuÕil avait pens jeter mais qui sÕest avre par la suite pour ses
comptes quotidiens, entre les chemises propres et les pantalons apprts pour
la prsentation dans les boulots o il jouait un personnage selon.
- nghesuit : en roumain se prononce
Ō neguessouite Ķ : bouscul
- grea : en roumain se prononce Ō guera
Ķ : lourde
PERVERSION
La rue tait vide. QuelquÕun venait de sÕy
faufiler ; dans un coin au fond, sous lÕescalier (quÕil recouvrait par la
suite dÕun sac-poubelle) il amenait de la sanie, deux yeux de verre, des os et
diffrentes btes de petite taille ou insecte quÕil tuait petit feu sur
place. Il repartait quand la souffrance cessait.
LÕHISTOIRE
Une histoire planante, de celles quÕon raconte
corps perdu, une histoire des plus sacres qui remonte des temps mncate de
catre viermi cei mai nesuferiti, que je chantais cu note stricate une ascension
sans but vritable, au fond de quelques vrits brutes qui vont apparatre la
lumire vite. Une histoire qui remonte la nuit des temps qui prendra effet et
fin lorsque des jours blancs, aveuglants mncate de timpuri vont clbrer des
contacts lgrement sanguinolents qui ne pourront et vont se disperser comme
une vase noire et baveuse sur les futures variantes ; des senteurs mncate
de timpuri, une victoire des plus acharnes contre des vnements malgr eux
confus, une histoire vivant des calamits bout de ce qui parat tre une
ternit.
- mncate de catre viermi cei mai nesuferiti : en roumain se prononce Ō mnequat
d quatr verm tche ma nessoufritzĶ : manges par les vers les plus
immondes, vils
- cu note stricate : en roumain se prononce Ō qou not striquatĶ :
avec de fausses notes
- mncate de timpuri : en roumain se prononce Ō mnequat d timepourĶ :
manges, ronges par le temps
LA VILLE
Je passe dans la ville, ce moment noire sans la
moindre bouche dÕair frais emplie de gaz dÕchappement. On voit le toit de la
voiture qui sÕextrait de la route. Et par moments on dirait que cÕest pour se
rassurer de ce qui pourrait arriver au-dessus dÕelle. Cet espace souterrain la
plongeait dans ses penses calmes et irrflchies par intermittence vite
dchirs les alentours.
LA TETE
Je marchais le long de la voie, il faisait frisquet.
Un clochard m'interpella pour me demander une cigarette. La nuit tait tombe.
Ë la maison, ma mre dormait. Aprs tout ce travail, jour et nuit. Je fumais
une cigarette et me mis dessiner. Je flippais, ma mre bossait pour deux et
elle avait le double de mon ge. Si a avait t un homme, j'y nÕaurais pas vu
d'inconvnient. Mon psy a bien travaill, je ne fais plus de crises. Je suis
bien plus cool maintenant. Les projets me comprimaient la tte. a tombait
toujours l'eau. a sert rien. Ils se dgagent par la bouche des autres avec
des mots comme : "Rentre dans ton pays !" Le temps s'tire et
tord pniblement mon corps. a provoque de l'nergie ngative qui me donne un
air encore plus agressif. J'essaye de faire sortir une forme de mon
gribouillis, elle apparat doucement, je lui donne l'apparence d'une tte. Mon
psy ressemble un mannequin chic, sa peau, ses vtements sont impeccables. Il
veut m'imposer ses leons, a ne marche pas, il est le moule dans lequel je
forge ma pte.
LA VILLE
L'homme allait par les chemins vides. Il faisait
noir. Il n'arrivait pas dormir. Des bandes de jeunes traversaient le
quartier. Ë presque tous les portails, des gens dormaient par terre.
La main a trou dans la peau : des vampires aux
langues pendantes en manque, des sirnes bleues, sexy, des dragons en feu.
On avait coll quelques habitants aux parois
extrieures du foyer, pour ne pas qu'ils se jettent par la fentre, avec de
larges bandes de sparadrap. On leur donnait manger de loin pour vrifier
leurs rflexes. De temps en temps quelques-uns se dcollaient. Y en avait qui
s'amusaient brler leurs sangles pour voir leurs ractions.
LE COURANT PASSE
Au dbut, la terre tait une forme sans limites,
chaotique et fluide. QuelquÕun coupa dans sa masse afin de la contenir. Le bras
ne repoussa plus, cicatrisa, cousu avec du fil. Mais entre les fils la chair
dsirait sÕtendre et aux dpens de sa sant, elle coupa par endroits le fil et
poursuivit sa croissance ; les blessures occasionnes cicatrisent peu
peu. LÕĪil humain nÕarrivait pas suivre son dveloppement, rgi par des lois
mconnues, car il avait lieu dans un espace illimit dans lÕapesanteur. Donc,
partir dÕun moment donn, inexpliqu, nous ne voyons plus rien de lÕespace qui
nous entoure et croyons quÕil est termin.
LÕADMINISTRATION
Leurs peaux tombent. Des rictus sur le visage, des
grimaces figes de la folie, des monstres sont ns. Ils tremblent, pitinent,
des muscles de leurs visages sont morts, il nÕy a pas dÕinflux nerveux ou de
volont de les bouger. Ils parlent seuls et rient. Ils sÕamusent dans la folie,
cÕest un autre monde. Si je leur parle, je suis foutue. Je me sens attaque.
Chacun dÕentre eux en est atteint, ils forment les bras dÕune pieuvre. Il est
venu me dire que ca ne va pas, il nÕtait plus en lui-mme. Il ne restait de
lui quÕune peau morte, il tait devenu tout petit, la vie lÕa quitt, son
sourire tait juste un mouvement des mandibules.
LA SEPULTURE
Des mches de ses cheveux gisent, ca et l,
mouilles. Une spulture tait creuse derrire une des tentes, petite, mais
quelquÕun l'avait bien creuse, l. Elle va tre recouverte.
Elle tourne la tte. La maladie la ronge, des yeux
vides de fatigue, d'impuissance. Parfois des yeux tristes
LE CHAT
La sentant arriver, il dguerpit, comme une vague
pousse par le courant, un fantme qui s'est dissip, absorb dans l'atmosphre
pour rflchir. Au loin, il prsageait de se laisser emporter par le courant
d'une mer du sud, stagnante, turbulente, visqueuse, noire dans les profondeurs,
tourbillonnante, qui jette des restes sur la plage, une petite bouche que
j'absorbe, qui je dis des mots doux, comme celle du chat qui appelait de sa
corbeille de ses petites pattes que je sois auprs d'elle avant de mourir.
LA FUITE
Pensant le dominer elle s'est cass les dents
l-dessus, a quitt l'endroit avec le trou au milieu du parquet et a fait des
kilomtres pied, seule, le vent la poussait dans le dos qui s'est fendu comme
une pastque. Elle cracha sur un sol blanc, aseptis, mince pellicule transparente
laissant entrevoir des bouts de corps entremls, ses pieds avaient accroch
l'asphalte et bougeaient au ralenti sur le sol carrel, lyophilis, putride.
Elle s'est spare en deux. La terre crachait des
jours entiers, pendant que l'autre continua son chemin, tte basse, peau
grille, en fait elle avait ds le premier jour pris la direction des nuages
qui se sont largement entrouverts sa rencontre et l'ont garde.
LA VILLE
Il faisait nuit, parfois un gmissement se faisait
entendre. Des couvertures bougeaient imperceptiblement dans la nuit. Jean se
tenait appuy contre le mur. Ses rides taient profondes et son visage dtruit
par le manque de nourriture, et sa vie au jour le jour passe la rue. Il
sÕteignit au petit matin.
Je suis seule, fatigue et je pense mon ex,
collant, une vritable plaie, je suis fatigue, la tte dfonce par une srie
de stupidits que je dbite par cĪur dans la journe pour bouffer. (Je me pose
des questions sur mon avenir tout trac entre boulots de merde et cercle de
frquentations aussi mal lotis que moi.)
LE BOULOT
Assis sur une chaise, le miroir lui renvoyait des
orbites rougies, gonfles par la sollicitation des larmes, il avait remu le
buste de bas en haut pour dtruire en lui ce quoi lÕavait empch de continuer
son travail et de pouvoir subvenir ses besoins, qui lÕamena rompre des
attaches internes son tre, dont le point godsique se trouvait dans son
origine. De bas en haut et de haut en bas, de bas en haut, de haut en
bas ; avant il avait pens se suicider. Sa mre tait tout prs. Les
moments vcus se perdaient en elle comme dans une casserole sans fond. Le temps
vcu nÕapportait aucun relief son quotidien tombait dans un abme comme sÕil
nÕavait de prise sur elle, un temps phmre, sans suite, crasant.
LE QUAI
Un matin je me rveillais, je passais les limbes du
sommeil, adhrais ses murs pour pntrer sa demeure, les gestes maladroits du
matin, lÕappelais vers moi pour mÕhabiller de sa peau et moulais mes premiers
pas peine esquisss sur les siens.
Ë LA CNAM
Prabusit pe un cot, maintenu contre la rampe de
lÕescalier, il observait dÕun Īil le va et vient des employs en attendant son
tour au guichet numro deux. La semaine dÕavant, il avait prvu de consacrer
une matine au renouvellement de ses papiers sant. Ses penses se adunau
autour dÕune pile de Curriculum Vitae quÕil devait envoyer. Les intervalles qui
participaient de la dcontraction la suite de son activit ennuyeuse et
fastidieuse se nfundau dans des coquilles aux parois fendues, dans cette
atmosphre oppressante.
- Prabusit pe un cot : en roumain se prononce Ō prabouchite p oune
quoteĶ : avachi sur un coude
- se adunau :
en roumain se prononce Ō s adounaouĶ : sÕamassaient
- se nfundau : en roumain se prononce Ō s nefounedaouĶ :
sÕenfonaient
LE SOMMEIL
Sous les tnbres, la nuit fait de ses cadavres une
lente agonie. On entend le son sans fin, lugubre, long et vasif, un rle
profond et subred qui glisse sur mon ventre et monte, absorb par endroits, sous
le long cou qui, au fur et mesure, disparat dans la chair, leurs ongles
sÕenfonaient cet endroit de la peau sous la tte tasse, aux plis du visage
voilant les yeux, o les pupilles demeuraient absentes une fois leur voile t.
- subred : en roumain se
prononce Ō chouberd Ķ : fragile, frle
Je suis sorti hier de taule. Un parasite. Mon pre
mÕa fil la cave de son mini-chteau pour quelques mois. Attrape !
AujourdÕhui il fait beau, le gazon vert, les oiseaux piaillent. Les clefs de
leur pav sont l-haut. Ils les gardent sur eux. Des amis mÕont appel. Fais
gaffe ! Une nana, un monde virtuel. Une poupe rglo, classe. Et me vÕla parti
pour une nouvelle donne. Cet t ca lui fera trente piges, dix de moins que
moi. Rveil six heures. Le piaillement des oiseaux rsonne dans mes oreilles.
LA RUE
Quelques fils de cheveux naissants par endroits sur
le crne chauve, les paupires lourdes, disposes par deux ou trois couches
superposes, mi-baisses sur les yeux grands, dÕun bleu dlav, le corps interrompu
dans sa dezvoltare, sÕamenuisant vers le bas, vieux, aux membres figs dans une
position courbe, la peau profonde et lisse, aux lvres abrites par une
pellicule mince qui faisait apparatre deux surfaces glatineuses rosaces
strapunse de dents blanches. Elle humait lÕair frais du matin. Le ciel tait
bleu outremer. Des petits yeux noirs en amande, fureteurs, qui occultaient un
corps mince, frle se faufilaient parmi les gens, en les interrogeant du
regard. Les corps troncs aux bouches crevasses, surmontes dÕyeux vifs
enfoncs dans les chairs se dplaaient lentement avec leurs longs pieds plats.
- dezvoltare : en roumain se
prononce Ō desevoletar Ķ : croissance
- strapuns : en roumain se
prononce Ō strapounesse Ķ : perc
Elle est au repos, le doigt sur la dtente. Le vroum
dÕune voiture la fit se dplacer dÕun pas sur le pav. Elle ne pensait dormir
dornavant que prs dÕelle. Son estomac crachait du feu. Elle tait ivre. Sa
nuit chez Maud lÕavait mise hors dÕtat de fonctionner. Le garon plantait des
arbres sur la pelouse. Il lui jeta un coup dÕĪil furtif. Elle mijotait des
fragments de mots. Sa vie lÕavait repr. Il fallait quÕelle assure, lui donner
le change. En haut de la rue, un homme la regardait depuis tout lÕheure. Elle
le vit sÕapprocher et allongea le pas. La rue tait vide. LÕhomme tait ple,
sa peau tait du caoutchouc mouill. Elle le fixa, cÕtait une ombre du
lampadaire. Elle nÕavait rien aval depuis plusieurs jours et se sentait
dfaillir. Elle braqua son flingue et arracha son porte-monnaie. Elle prit la
fuite en hurlant comme une cingle.
SEPARATION
Elle demandait, lÕaspirait et se masturbait. Se
levait du lit, traversait la chambre, comme sÕils taient ensemble et son
attitude dnotait une disponibilit, refltait la fabrication interne dÕun tre
matrice du sien. Pourtant, le but est de sÕen debarrasser et de reconstituer
avec soi-mme la personne que lÕon est, avec laquelle force est de composer.
Dans le lit, il colle et lche lÕencoignure des fesses, mon tton rosteste les
mots avec lesquels je lÕai aim, me tire en lui et je luis. Parfois le soir,
fatigue, jÕentends des sons dÕexcitation qui taient les miens avec lui,
transforms en gmissements sado-mazo.
– rosteste : en roumain se prononce
ĮrossetechetČ : prononce
Un homme tout lÕheure, a dit que les gens qui
avaient des maisons, avaient aussi des noms coucher dehors : bllll. Et
aussi la peau et il a montr la sienne de la main, Et il a dit que cÕtait
cause dÕeuxÉ ou de ca quÕil nÕa pas (pu obtenir) dÕHLM,
Il frappa et entra. Il tait grand, beau. Il se lava
les mains et se mit table. La table tait vide, ainsi que l'appartement.
Quelqu'un creusait des trous dans le sol. Elle remuait la tte la recherche
d'une pense qui s'tait perdue. Il la regardait, assis. Elle s'allongea sur le
lit, en chien de fusil, il se tourna vers le lavabo. L'homme cessa de creuser
et raspndi la terre sur le sol. Ils marchrent tous les deux, nonchalamment
sur la terre.
- raspndi : en roumain se prononce
Ō rassepnedi Ķ : rpandit
LA TETE
Je marchais le long de la voie, il faisait frisquet.
Un clochard m'interpella pour me demander une cigarette. La nuit tait tombe.
Ë la maison, ma mre dormait. Aprs tout ce travail, jour et nuit. Je fumais
une cigarette et me mis dessiner. Je flippais, ma mre bossait pour deux et
elle avait le double de mon ge. Si a avait t un homme, j'y nÕaurais pas vu
d'inconvnient. Mon psy a bien travaill, je ne fais plus de crises. Je suis
bien plus cool maintenant. Les projets me comprimaient la tte. a tombait
toujours l'eau. a sert rien. Ils se dgagent par la bouche des autres avec
des mots comme : "Rentre dans ton pays !" Le temps s'tire et
tord pniblement mon corps. a provoque de l'nergie ngative qui me donne un air
encore plus agressif. J'essaye de faire sortir une forme de mon gribouillis,
elle apparat doucement, je lui donne l'apparence d'une tte. Mon psy ressemble
un mannequin chic, sa peau, ses vtements sont impeccables. Il veut m'imposer
ses leons, a ne marche pas, il est le moule dans lequel je forge ma pte.
LA MAISON
La nuit, survolant la ville, je cherchais la couleur
dÕune lumire qui puisse clairer les vieux fantmes qui me hantent, un
immeuble dans lequel des voix perant travers les murs en bois, je puisse
entendre le bruit des chaises, des tables et des rideaux, affranchis des mots
de leurs propritaires.
LA RUE
Un homme est l et me regarde, ses yeux sÕcoulent
sur son tronc ; son bras pend.
Il faisait froid, il sortit pour rcuprer des
aliments dans la ville, Carl. Un chien le huma, remuant la queue, ses yeux
rivs par terre cherchaient de la nourriture.
la nuit tombe, Manu arrive en moto, il s'arrte
devant son pote. La ville est morte, il lui demande une cigarette,
il a cent vingt kilos, il m'pie, ses yeux sont ceux
d'un poisson, un morceau de sa peau noire demeure par terre dans la rue.
LE MENDIANT
Le ciel tait dÕun jaune vert, goutt en tches
sales sur la moquette. Dans le ciel bleu, elles sÕtaient accumules en strates
qui voilaient la terre. Tombes au fil du rasoir entrecoupent le paysage et
parfois se posent sur les yeux telles des lentilles. En bas de son immeuble
dans une lumire jaune, un enfant prpare des attentats, triste. Dans lÕorange,
des enfants naissent au bord des routes, dans des squats et ras du bton des
couloirs du mtro attendant un sou dÕune main qui sÕincline, sÕimmobilise dans
leurs mains.
Les gens me faisaient l'effet d'ombres. Sans visage
que je puisse dchiffrer comme tant mon semblable. a me faisait cet effet-l
les premiers mois de mon exil.
SANS TITRE
Il arriva la nuit, un homme lÕattendait sur le pas
de la porte, il rentra se coucher, quelquÕun dormait prs des poubelles.
Une fille passa et ramassa quelque chose par terre.
Il se leva, son pre lui hurla dessus d'tre rentr
tard, il tait au chmage, prit son p'tit dej, le pre s'loigna de la maison,
triste, le monsieur sans abri se leva pour partir, il ouvrit la porte sa
copine, firent l'amour, son pre rentra du boulot extenu, ils mangrent, son
fils sortit, et ne rentra que tard le soir, son pre alluma la tl, il s'est
endormi, le lendemain il repartait travailler, le garon restait l rien
foutreÉ.
DISNEY LAND
Elle tait au milieu de scne, elle avait oubli de
se nourrir et son corps a capatat l'aspect d'une mouette dcharne, amene par
la houle sur le bord d'une mer pollue. Le sable avait une odeur de poisson
pourri, cre, la nuit s-a repezit pour enlever les lumires parses, tmoins
des souffles de vie. Elle se leva anapoda. Des tourbillons incandescents
descendirent du ciel, une voix se mit parler. "Cette terre ne veut pas
de vous." Elle laissa derrire elle l'histoire qui la poussa venir
jusqu'ici. La terre prit feu sous ses pieds, elle se roula sur le sable, se
salit toute et glissa dans une groapa, sans doute sapata l par des enfants du
lieu.
Les enfants lui jetrent des bouts de nourriture.
Ils s'amenrent autour d'elle, puis se lassrent, voyant qu'elle ne ragissait
pas et partirent. Elle mangea puis s'endormit. Le lendemain au rveil, le
soleil avait effac les traces de la nuit. a puait. Elle alla lentement vers
la terre ferme, monta par le petit chemin en biais la colline sur des cailloux
nickel, un village sorti tout droit de Disney Land s'tendait devant elle.
- a capatat : en roumain se prononce Ō a
quapatateĶ : a pris
- s-a repezit : en roumain se prononce Ō quad
pĶ : tombe sur
- anapoda : en roumain se prononce
Ō anapodaĶ : n'importe comment
- groapa : en roumain se prononce
Ō gueroapaĶ : un trou
- sapata : en roumain se prononce
Ō sapataĶ : creuse
On mÕa foutu dans une entreprise de rcupration de
la jeunesse franaise suppose attarde mentale suite un boulot de merde
quÕon trouve sur le march pour les jeunes diplms, soi-disant pour les foutre
sur les rails genre le contrat social de Rousseau.Pas pas Į la bonne
socit qui date est tenue de pousser les jeunes coups de fouets
psychologiques sur des chemins de travers, entendons par l qui ne sont pas les
leurs te dans lesquels en plus ils s e sentent trs mal, peu prs comme en
tle, les tles en ce moment ayant trs mauvaise rputation, suicides, meurtres
etc.
Un tat dÕesprit dans lequel tu te sens incoltit de
toute part.
- ncoltit : en roumain se prononce
Į nequoletzite Č : accul
LES LOCATAIRES
CÕest une cave. CÕest ct des poubelles. Les gens
savent qu'ils sont l mais ils font comme si de rien tait ;...ils n'y
prtaient pas attention. Ils montent un escalier plus haut puis s'enferment. Il
sort un ou deux hommes la nuit tombante. Ils s'en vont la recherche de
nourriture et puis reviennent.
Le matin, ils vont au boulot doucement, greoi
comme ptrifis, vers le lieu de travail, ils reviennent puiss ; puis le
lendemain ils retournent travailler.
Les gens qui habitaient au sous-sol taient une
famille avec un garon et un autre petit. Les gens ne connaissaient point leur
existence. Le bb tait nourri au sein ; mais le garon avait souvent faim. Un
jour la femme fut trouve morte inanime.
- greoi : en roumain se prononce
Ō groĶ : lourd
- sfnt : en roumain se prononce
Ō sfnete Ķ : sain
LA MAISON
Il pntra dans la maison vide, la fentre ouverte
un garon est appuy, jambes contre lui un mur, il se lve et fuit, ca
pue.......ca pue, la porte reste ouverte, le garon s'allonge sur le ct, en
chien de fusil, ca sent le brl d'en bas, de la courette, de la suie imprgne
les fentres.
LA RUE
Les yeux, ils taient bleus, quelques fils de
cheveux blonds, atteint dÕalopcie. Il marchait sur le trottoir, un homme
recouvrait l'entre de l'immeuble, il est sorti acheter du pain ; un
flic l'arrta pour lui demander son d, c'est 100 balle jusqu'en bas de la rue,
pas de carte d'identit, on embarque, un black arrive, "c'est un RMIste,
laisse-le". Il traversa,
"sale rat" pensa le flic.
Il monta casser la crote.
LE DIAGNOSTIQUE
Il nÕen tait pas moins sr que ce qui lui arrivait
tait bien la ralit. Un cancer nÕtait pas chose filante, de rien du tout,
quÕon faisait couler comme lÕeau du bain et qui sÕen allait au bout dÕune
demi-heure. LÕeau restait et au contraire se transformait en inondation,
sÕinfiltre dans les meubles, mouille les habits, ne tarit pas et circule dans
toutes les pices, prend possession du moindre centimtre de la maison.
La mort, il y a quelques mois, est passe me voir,
nÕest pas rentre dans la maison, elle mÕa juste prvenu de sa prochaine
intervention chez moi, pendant un instant et elle est partie. Plonge dans
cette H2O, transie de froid, ca sÕeffrite par endroits et certaines parties de
lÕos ont t prises dans la banquise, lÕossature sÕeffondre et je cherche une
accroche qui va court-circuiter cette machinerie ; le mdium qui lie
les composantes de mon corps sÕest glac et il craquelle.
LE FOYER
Il avait un don pour la peinture. Il a commenc
esquisser au feutre un univers fini puis il est parti. Aprs sa premire crise
de violence, jÕachetai des feutres et nous nous mmes au boulot. Les filles qui
habitaient le mme foyer mÕapprirent quÕil ptait souvent les vitres et les portes.
Quand je fis part de son talent aux ducateurs, ces derniers rpondirent que a
nÕtait pas grave car sa maladie fait quÕil ne pourra bientt bouger ses
doigts.
LE BOIS
CÕtait sur le terrain vague, il sÕaccrochait ses
basques dans ses bras cach, au corps vtu par endroits dÕune peau dÕarbres,
corce. vitant les flaques noroioase, suivant les chemins bords de cailloux
qui sÕtendaient dans lÕimmensit, la sortie cogne sur des immeubles fltris et
dmembrs, la route glisse sous ses pas, les arbres sont fous, ne sont plus que
des bougs, se rarfient lÕhorizon.
– noroioase : en roumain se prononce
ĮnorooassČ: boueuses
LA PIECE
Sous la terre, des hommes vivaient dans les
excroissances, renfoncements, abris, mici gauri, bulbes vides au tissage
compos dÕune pellicule lisse de poubelles ou sacs plastiques,
provoqus de catre lÕaffaissement des couches dues aux lgers et frquents
soulvements des sols que la respiration de la terre avait fait pousser du trou
dans lequel on les avait jets se dtacher du lot, quÕon jetait rgulirement
dans le trou, lÕemplacement prvu pour la dcharge, se dchirer en fines
lamelles, circuler dans les strates de terre, se dsagrger au contacte de
fines particules de terre pour a se nchega pe parcurs din nou et rapparatre
sous forme de suvite, glisse entre deux strates, parsemes dans la terre, entre
deux couches, aux poalele dÕun monticule, qui inspirent de lÕoxygne lors dÕun
tremblement de terre.
Dans ces tranches dÕintestins restent pour un temps,
pentru un popas des habitants sous terre. Ils restent dans ces portions
longtemps, menant une tranche de vie alaturi de ceilalti locuitori.
- mici gauri : en roumain se prononce Ō mitchi gaourĶ : petits
trous
- de catre :
en roumain se prononce Ō d quatrĶ : par
- a se nchega pe parcurs din nou: en roumain se prononce Ō a s
nequgua p pareqouresse dine naou Ķ : reprendre forme en chemin
- poalele :
en roumain se prononce Ō poallĶ : au pied
- pentru un popas : en roumain se prononce Ō penetrou oune popasseĶ :
pour une halte
- alaturi de ceilalti locuitori : en roumain se prononce Ō alatour
d tchelaletzi loqoutorĶ : aux cts des autres habitants
LA FUITE
Pensant le dominer elle s'est cass les dents
l-dessus, a quitt l'endroit avec le trou au milieu du parquet et a fait des
kilomtres pied, seule, le vent la poussait dans le dos qui s'est fendu comme
une pastque. Elle cracha sur un sol blanc, aseptis, mince pellicule
transparente laissant entrevoir des bouts de corps entremls, ses pieds
avaient accroch l'asphalte et bougeaient au ralenti sur le sol carrel,
lyophilis, putride.
Elle s'est spare en deux. La terre crachait des
jours entiers, pendant que l'autre continua son chemin, tte basse, peau
grille, en fait elle avait ds le premier jour pris la direction des nuages
qui se sont largement entrouverts sa rencontre et l'ont garde.
Au bout de ces feuilles charges de souvenirs se
trouvait une ralit au dpart confuse puis, de plus en plus transparente. Son
pass rvolu refaisait surface, des brches suintaient de feuilles dÕamande et
de lauriers, de ramassis de merde qui puaient des kilomtres autour. Ces
histoires sÕtaient dveloppes travers les annes, ont inscrit leurs mots
enfouis.
Elle tait devant lui petite, menue, une voix
dÕenfant par coups interrompue par des silences ou saccades, bout de
souffle. Il avait un air impuissant et parfois pervers, grimacant.
Elle avait les yeux clos, les cheveux sales, la
mchoire claquant des paroles. CÕtait par un aprs-midi dÕt, dans les
environs les bois portaient des ombres aux limites de la lisire Au bout de la
cour, lÕlevage des pigeons prosprait, le bruit intense la fit se retourner.
QuelquÕun pissait contre la haie
CÕtait loin, trs loin, vaguement on voit une
digue, une femme, des cailloux, des feuilles que le vent fait trembler. Un air
dense comme une pte dÕamande et lger, de sine-statator, voil, abrite et
rvle une naissance.
Ë son arrive, les murs taient subrezi, ils ne
tenaient pas debout, s'efforcaient se maintenir en position verticale, ils se
sont vite craquels, nous vivions dans un espace ferm.
- de sine-statator : en roumain se prononce
Ō de sine-statatore Ķ : stagnant
- subrezi : en roumain se prononce Ō choubrsi Ķ : frles,
fragiles
LA SEPARATION
a se passait un beau jour du mois de Juillet. Tout
en se reposant sur un banc du square qui se trouvait l'angle de ma rue, il
piait les alentours pour vrifier que personne ne le suivait. Il prit un grand
bol d'air frais et se persuada de dormir quelques minutes. Les yeux ferms, il
vit se promener celle pour qui son cĪur avait battu quelques instants, lu
domicile dans sa gorge, couvert ses yeux et son nez d'un voile parfum. Il la
vit passer, chair pas tout fait dissoute, un fantme entre ses pupilles et
son front, tendre ses longs membres, dcouvrir son sexe, large ouvert, bouche
bante, touffer la respiration de sa poitrine contre son visage, pendre ses
longs bras impuissants son cou, elle avana vers lui doucement, pas
d'escargot, qui s'trangla dans sa gorge, devenu fantme. Tout seul sur le
banc, il se convainc de la quitter, marcher en sa direction pas de sanglier
parti pour spinteca sa proie, le temps de l'atteindre, avait dj ingurgit la
moiti, puis s'affaissa, puise, sur la pelouse du square. Il fit demi-tour,
elle le vit et s'enfuit. Un saule apleca ses fines branches sur le banc rest
vide, ensemenc dans le cadre d'un programme de rnovation des espaces verts.
- spinteca : en roumain se prononce
Ō spinetqua Ķ : ventrer
- apleca : en roumain se prononce
Ō apelqua Ķ : pencha
SANS TITRE
Un jour je lui dirai de ne plus sa ma masoare de
haut en bas, miroir dformant l'image de soi. Ses yeux bleu noir derrire la
glace se voyaient mi-tonns, mi-blass sur le quai du mtro, un miroir pos l
pour les filles qui passent, on pense nousÉ "Te souviens-tu de la nuit
bleue ? Quand je t'ai pris par la main comme un enfant et je t'ai embrass
sur les deux yeux pour te dire au revoir. Ķ
La barrire fut frnta et me retrouvais pousse
malgr moi sur une route parallle. Mes mots taient censurs l'poque et le
sourire aguichant, l'abri des regards indiscrets, d'un homme g m'amenrent
vers une lointaine peuplade l'autre bout de la plante.
- sa ma masoare : en langue roumaine se
prononce Ō sa ma massoarĶ : me lorgner
- frnta : en langue roumaine se prononce
Ō frinetaĶ : brise
LE TRAVAIL
Je mÕappelle un comptoir dÕachat. JÕachte bas
prix. Pouvons-nous passer (nous vous ferons une proposition, les murs de la pice
sont dÕun gris translucide travers desquels se dessine une nbuleuse) nous
ferons une estimation sur place, brouillant mes ides, qui suis-je donc ?
Je dcroche, lÕautre bout ce nÕest pas moi ; je nÕai aucun moyen de
mÕidentifier mon interlocuteur ; on raccroche et je dcroche nouveau.
La patronne mÕapprend continuellement le mtier.
- Comment pouvez-vous faire une estimation vue
dÕĪil ? Ce que vous faites est illgal.
- QuÕest-ce quÕil a dit ? demande la patronne.
- QuÕil nÕavait pas confiance.
- Tu nÕas rien dit pour le contrecarrer. Cela fait
plus dÕun an que tu travailles ici tu nÕes pas professionnelle.
LE SQUARE
JÕaimerais que de nos mains jointes sÕenvole un
papillon aux bouts des ailes rouges, maintenu lÕaide dÕun bton fin en bois
que jÕessaye de maintenir en quilibre sur ma main. JÕaimerais que de nos mains
aux doigts entrelacs ne se dgage la moindre particule (souffle) dÕair
crasant sous nos pas les feuilles (au bruit de voix nerve), nous nous
chappmes dans une bulle dÕair dÕun noir pais et dense. Un promeneur vit un
couple aux membres enjous passer dans une poche dÕair transparente et quitter
ainsi le square.
l'cole en franais, leurs colonies pnitentiaires
de profs
LE BOULOT
Assis sur une chaise, le miroir lui renvoyait des
orbites rougies, gonfles par la sollicitation des larmes, il avait remu le
buste de bas en haut pour dtruire en lui ce quoi lÕavait empch de continuer
son travail et de pouvoir subvenir ses besoins, qui lÕamena rompre des
attaches internes son tre, dont le point godsique se trouvait dans son
origine. De bas en haut et de haut en bas, de bas en haut, de haut en
bas ; avant il avait pens se suicider. Sa mre tait tout prs. Les
moments vcus se perdaient en elle comme dans une casserole sans fond. Le temps
vcu nÕapportait aucun relief son quotidien tombait dans un abme comme sÕil
nÕavait de prise sur elle, un temps phmre, sans suite, crasant.
QuelquÕun lui tirait la peau du cou et ses
traits se baissrent. Le squelette.
LE MALADE
En allant vers son ami elle claboussa des pieds les
flaques qui sÕtaient formes avec la pluie. Entre les immeublesÉdes aires n
paragina. Les immeubles sans visage sÕlevaient dans le quartier quÕelle
traversait tous les jours. Derrire ces btiments, elle contournait blocuri
mici construite n zigzag, pour arriver dans la cit, o, au cinquime tage
dÕun immeuble situ droite, sur une alle adjacente, se trouvait
lÕappartement de son ami. Elle poussa la porte, allong sur le lit, il tait
recouvert dÕun drap. Le visage gris et vieilli par la maladie se tenait pench
sur lÕoreiller.
La hauteur du lit sur lequel avait pris place son
corps, tomb des mains dÕun infirmier, lui arrivait au cou. La souffrance
emportait son visage dans un tourbillon et son corps tait patruns de drains et
de perfusions. Ils lÕont laiss chez lui muni de lÕappareillage ncessaire sa
survie aprs lÕintervention.
LE FOULARD
Il ramasse son cabas, met son bret, une fois
dehors, le ciel tait d'un bleu limpide. Les vitrines taient recouvertes en
partie de peinture orange. Des promeneurs marchaient dans la ville, certains,
vtus de fringues rupte volaient. Sa mre avait les yeux ferms, quelques fils
pendaient sur le drap, cette dernire n'a plus que la peau sur les os, son
crne est dcharn, son fils est parti lui acheter une charpe. Dans le
magasin, des femmes essayent des chapeaux. Petrus les regarde par la vitre et
rflchit ce qui pourrait aller sa mre, il pense quÕun foulard pourrait
mieux lui convenir, ils sont agatate un prsentoir, la vendeuse en porte un
elle-mme.
- rupte : en roumain se prononce
Ō roupetĶ : dchires
- agatate : en roumain se prononce
Ō aguatzatĶ : accroches
LE RENDEZ-VOUS
Elle marchait le long du quai. Au bout se tenait un
homme, vtu dÕun impermable noir. Elle se dirigea vers lui, mi-confiante,
mi-mfiante. Ses mains toujours baladeusesÉ Parfois elle vivait avec
lui. A ses cts, seule, suivait son petit bonhomme son chemin. Quand il
est entr dans sa vie, il ne sÕen souvenait plus. Ë quel point son existence
avait eu une incidence sur sa vie ? Au caf, elle le regardait, il parlait
depuis dj un moment, elle ne lÕavait remarqu quÕun instant, il tait ple,
le teint jauni par le temps pass. Il tait enfonc dans son fauteuil, son
ventre lui submergeait le cou. Elle sÕexcusa un moment, alla tlphoner son
mdecin au bar pour annuler son rendez-vous. Ses lvres rouges dans le miroir
brillaient. Ses yeux faisaient contraste. Elle nÕavait plus rien faire ses
cts. LÕhomme avait senti lÕcart qui sÕtait creus entre eux. Il eut un air
dsol, son corps s-a surpat dans le vide, en le voyant revenir. Le moindre mot
tait devenu une torture, il sÕest repris et feint un air autoritaire,
paternaliste ; elle lui souriait, amus, mais ce jeu grotesque la
dgotait, elle prtexta un rendez-vous et quitta le caf. Dans la rue, elle se
sentit enfin seule et paume.
- s-a surpat : en roumain se prononce Ō sa
sourepate Ķ : sÕeffondra
LES RETROUVAILLES
Je suis parti la casse dans une valise en cuir
vieilli, aux fermetures ciseles en bois sculpt en relief. On ne sÕest pas vus
depuis une dizaine dÕannes. Ō Je suis rentre hier de Berlin. J'ai un
bb Ķ. Je suis parti la casse, dans une bote en Plexiglas transparent.
La bote avait les dimensions d'une usine dsaffecte. J'y suis entr, attir
par l'odeur, au dpart, puis par le jeu des poutres apparentes qui
structuraient l'espace telle une sculpture.
Ō Je suis revenue de Berlin, hier. Je voudrais
te revoir. Ķ Je suis rentr dans une bote peine plus grande qu'une
bote d'allumettes exprs pour te revoir. Je suis rentre dans une bote
peine plus grande qu'une bote d'allumettes exprs pour te voir partir comme
travers le trou d'une serrure. Elle tait pose sur le bton dans la cour d'un
vieil immeuble, dans laquelle je suis entr par hasard et elle m'a absorbe
telle une coquille le corps de son hberg. J'ai regard les creux des
fentres dans la pierre, o la lumire se diffusait l'extrieur travers le
voile des rideaux. Je sifflais pendant que je te voyais te diriger vers la
sortieÉ La petite bote s'effilocha la premire pluie. Ō Je suis revenue
de Berlin. Je te tlphone ma prochaine venue France. Ķ
LE MARIONNETTISTE
Dans le reflet du miroir se tenait mon ombre pas
plus grande quÕune aiguille de croitor qui aimait se prlasser en face de la
carrure solide de lÕhomme. JÕtais habille de noir, maigre, aux collants et
cape noire et lui avais mis une veste mange par les mites, des pulls les uns
sur les autres et acoperit dÕune veste lche, aux pantalons pattes dÕef.
JÕavais pris de quoi me restaurer, mangeait tranquillement mon sandwich et dÕun
coup mon ombre sÕvanouit, inhale par la surface neteda, froide, suspendu dans
les airs, il mit fin au dmembrement intelligent de mon corps. Je la cherchais
autour de moi, la peur dans le ventre, sans bouger, pendant que mon matre,
(celui qui manipule les poupes) avait interrompu le maniement de ses fils,
outil avec lequel il tissait ses histoires et tait parti boire son verre de
rouge lÕANPE. La peur du vide me zglti de ma stupeur, je me retrouvais tas
dÕos sur le sol du rez-de-chausse.
- croitor : en roumain, se prononce Ō
querotore Ķ : tailleur
- acoperit : en roumain, se prononce Ō aquoperite
Ķ : vtu, couvert
- neteda : en roumain, se prononce Ō ntda Ķ :
lisse
- zglti : en roumain, se prononce Ō segueletzi
Ķ : secoua
Tu filmais par coups des fragments de vie qui moi
me paraissent importants et dont le lien n'est que provisoire. Parfois tu
sortais du cadre et tu me regardais, clin d'oeil ou furieux, "C'EST MA
VIE". En regardant en arrire le chemin parcouru avec toi, je me surpris
flipper, comme a toute seule, ou comme un trop plein qui touffe.
LE TETON
Ils faisaient d'une pierre deux coups dans le cul
pour prcipiter mon dpart imminent vers un autre pays. Destination au choix !
Puis l'un d'eux se blottit en mon sein et sua par les deux bouts mes ttons pe
care le adulmeca d'abord pour l'inscrire dans son souvenir de toutes les filles
qu'il aima d'un instant l'autre. Dtourna le regard plusieurs reprises vers
d'autres lieux et l'odeur croissant en boule se glissa au bout de sa langue.
- pe care le adulmeca : en langue roumaine se
prononce Ō p quar l adoulemquaĶ : quÕelle flaira
UN MEURTRE
JÕai peur que quelquÕun, fou, comme il en devient
beaucoup maintenant, de ces gens qui ne pensent pas, la tuent, des gens peine
debout, des minables, des gens qui tuent, quelquÕun qui vit enferm, qui ne
voit rien que ce quÕil sait dj, qui, un mot qui nÕest pas inscrit dans son
tabel tue, aveugl par des doutes quant la ncessit de vivre de tel
individu, au senti dÕun douteÉest aveugl et tue, un mouvement fait glisserÉle
quadrillage, le doigt pos sur lÕchiquier, mis au lieu de la signature,
sÕapproche et dcolle du plan de la table et met le doigt dÕun geste depuis
longtemps connu, stiut, peine visible. Ō Pan ! Ķ Elle est
morte. Sourire. Demain une nouvelle journe.
- tabel : en roumain se
prononce Ō tabele Ķ : schma
- stiut : en roumain se
prononce Ō chetiouteĶ : connu
CÕest un cancer, un ulcre, un marasme de mots
(troubles). Elle regarde par la fentre. Quelque chose coule ? Ë quoi tu
penses ? QuÕest-ce qui est mieux ? Quand tu penses, cÕest pire,
nÕest-ce pas ? Avec qui tu parles, toute seule ? Dis. Ne travaille
pas ! CÕest pas bon. Avec qui tu es ? Seule ? JÕai dormi
lÕhpital. Trouve. Sois calme. Personne ne va te faire du mal. Viens.
Habille-toi. Je ne sais pas. Je ne peux pas. Je ne sais pas. Sois seule. La
pauvre ! Viens. NÕaies pas peur. (Nique ta mre.) Tu te retournes ?
Mademoiselle. Lgre. Je dors pareil. Entoile. Comme avant. Une cousine ?
Crve. Merde chats ! Je te laisse. Je sais. TuesÉdes chats ! Viens.
Crves-toi !
Tu cris, quÕest-ce que tu fais ? Tu nÕaurais
pas d venir ici. Nous allons te tuer. Nous allons tÕventrer. Tu vas mourir
comme les autres. Pourquoi tu ne rponds pas ? Tu as peur de nous. Tu vas
aller la guerre. CÕest pas possible. Viens maintenant. TÕes nulle. On tÕaura.
Je me suis trompe. Tu ne le mrites pas. JÕai lÕimpressionÉElle se trompe.
Nous sommes les plus forts. Tu as lu. Ca suffit..Viens. Je ne tÕai rien
demand. Va voir ta psychologue. Quel ge tu as. Tu te maries. Ne fais pas
comme nous. Fais ta vie. JÕai lÕimpression que tu ne comprends pas.
Pousses-toi. Encore. Je suis tombe sur des tars. TÕas pas le choix. CÕest
comme ca. Tu cris ? QuÕest-ce que tu cris ? Montre nous. JÕai
lÕimpression que tu ne comprends pas de quoi il sÕagit.
A quoi tu penses. TÕes une demeure. AujourdÕhui je
suis nevue au travail. Le chef sÕest le v de sa chaise. Aaa, Melle Boug, sur
un ton de raillerie, l'autre s'est dirig vers moi, une expression agressive
sur le visage. Je stagne. On nÕaime pas ca.
Ah ? CÕest ce que tu crois. Il nÕest pas l. Tu
es toute seule. Ils ne te lÕont pas dit ? Tu parles encore ? Encore.
Sois comme nous voulons que tu sois. Pointes comme survivant. Ne me regardes
pas, bourre. Envoles-toi. Parmi les ennemis. Ne regarde pas derrire toi. Sois
calme.
Quand il a commenc me froisser, jÕtais en rain
de penser autre chose. Elle sÕest leve du lit, mÕa regard, son teint tait
livide, les yeux sÕcoulaient sur son visage, elle mÕa pousse avancer et mÕa
suivie. Rien ne fut plus comme avant. Il se trouve que pendant quÕelle me
regardait je nÕtais pas la mme (moi-mme).
Avec un accent rgionaliste. Un jour jÕai perdu le
fil des mots. Alors que jÕarrive dÕune autre plante. Aussi, lÕaube je
faisais le mur avec lui. Nous tions ensemble comme le coton, nous faisions des
galipedes sur les lignes de bl. Des petits os briss nous dfendaient, ils
taient notre mascotte, contre les vaches gantes qui dans les champs,
dfendaient leurs territoires.
Hier, jÕai tout mis dans un panier. Cet homme mÕa
remerci. Il entra la maison et sÕcroula devant la tl. La porte se
referma. Į QuÕest-ce que cÕtait ? Č La fourchette leve, la
bouche plina. CÕtait Erasme de Rotterdam.
- plina : en roumain se prononce
Į plina Č : pleine
LES BæTES IMMONDES
Ō Nous sommes petits. On ne nous voit pas. Par
instants ils veulent bien de nous, mais rarement. Les hommes se leapada de
nous, cÕest naturel. Nous sommes nombreux, nous formons la couche
atmosphrique. Nous disparaissons lorsque des regards se posent sur nous. Tout
nous appartient. Nous allons partout o nous voulons. Quelques-uns nous
saluent. Les hommes sentent notre prsence. Parfois, on sÕarrte devant lÕun
dÕeux. a fait son bonheur. Et il disparat car cela lui ferait du mal de nous
tenir trop longtemps dans la main. "
Il est tomb, effac sous les fanes du jardin n
paragina. CÕest une charpie.
- se leapada : en roumain se prononce Ō s
lapada Ķ : se dbarrassent
- n paragina : en roumain se prononce
Ō ne paratgina Ķ : laiss lÕabandon
LES VIEUX
Il ne lÕaima que trs peu. Ë peine de quoi sÕen
souvenir aprs sa mort. a les emmerdait de se voir. Ils allaient dÕeux-mmes
chercher les ennuis. Leur mre est partie dans la drliction, chez elle. De
toute faon cÕest que des vieux, des peilles.
LE DEAL
- JÕen ai pas. Tu veux combien ? Je vais en
chercher. Tu en prends combien ? Lve-l. Combien tu veux ?
- TÕarrtes pas l, lui chuchota un gars.
- Cent, cinquante ?
- Oui.
Il arpenta la rue toute vitesse.
- Tiens. Cinquante cÕest pas assez, se dit-il.
Bernard en veut cent aussi.
Il procda un calcul rapide. a lui rapporterait
quinze euros.
- Les autres sont au Mc Do de Clichy.
- AhÉË une prochaine.
- CÕest ca.
Il enfourcha sa moto et dmarra. Ō Catalin en
veut cinquante. Ķ Il se mit pleuvoir. Les rues se vidaient. Il augmenta
la vitesse, se gelait les roustons. Il pleuvait torrents. Les rues taient
vides.
LES POTINS
Dans lÕascenseur, un homme tait enferm. Tout le
monde tait au courant. Aprs le passage des inspecteurs personne nÕosait le
moindre geste. On dsirait plus que tout quÕil demeure enterr dans la cage de
lÕascenseur. a servait rien dÕappeler de lÕaide. Il ne restait plus quÕ ne
plus bouger, le temps de disparatre. Les murs de lÕimmeuble avaient t monts
tels des cailles quÕon cartait une une pour sÕy cuibari, afin de connatre
les potins qui couraient dans telle ou telle habitation.
- cuibari : en roumain se prononce Ō qoubar
Ķ : abriter
LE VERNISSAGE
Les gens du foyer taient mus. Les canaps taient prts.
Les tableaux beaux. Une petite fille dansait parmi nous. Mes autres collgues
sont venus au fur et mesure. Je mis des fleurs dans un vase pour le buffet.
Le couple lÕentre va quitter bientt le foyer. Ils ont trouv un
appartement. Je suis content car ils seront certainement plus heureux. Il
papote.
RMI/RMA
Des gens vont se retrouver la rueÉdes gens
malades, ou dans lÕincapacit dÕassumer un travail. Ces jeunes qui vont
mendier, vont se pieuter sur les trottoirs, les jeunes filles vont crever plus
vite, violes puis teintes, dfigures par la vie dehors, pendant que des gens
gagnent un pognon fou. Mirella aura les dents casses en un rien de temps, les
soins ne seront plus rembourss pour les personnes sans-abri, ses vtements
vont se dchirer, tout sales, elle aura froid, elle gagnera peine de quoi
manger, un jour elle ne bougera plus. DÕautres vont suivre et dÕautres.
DÕautres la recouvriront.
LE JARDIN
Les fleurs closent, elles engendrent des pics
vnneux. Sa corolle spongieuse forme de la bave au bord des lvres, se
ferment, le soir venu. La racine est molle, la tige tavele ; le ciel
scintille. Un ptale se dtache du globe la tige cingle lÕair, le vent lger du
matin dans le calice gt, naissent les pistils jaunes, la fleur respire l'aube.
Les fleurs d'une de ses collgues sont marrons tte-de-ngre. Este ofilita. Une
brise frache me gdila les narines. Le champ de fleurs est spulberat de vnt.
- sunt asezate : en roumain se prononce
Ō sounete achsatĶ : sont disposes
- Este ofilita : en roumain se prononce
Ō esset ophilitaĶ : elle est fane
- gdila : en roumain se prononce
Ō guidilaĶ : chatouille
- spulberat de vnt : en roumain se prononce
Ō spouleberate de vneteĶ : parpill par le vent
Je n'ai rien pour toi. Mme pas de l'eau.
Ō Deux, trois gouttes, pour lui ca ira. Ķ
LA MORT
JÕai la peau livide, fripe, de grands yeux de
nouveau-n, ourl et pamntiu est mon vtement, quÕelle tisse. Elle a en elle
tous les cadavres et il reste leur rsille par terre qui recouvre des organes
des morts.
- pamntiu : en roumain se prononce
Ō paminetouĶ : terreux
RUE PIAT
Une femme hurle en bas, on lui a vol son sac. Une
autre femme sÕarrte, cette dernire gmit sans arrt, elles sÕloignent vers
le commissariat ensemble.
LA CHARRETTE
Je regardais la lune, elle tait bleu transparent,
dessus des virgules blanches. Un Īil s'coulait sur elle. L'aura blanche
qui la cernait tait pntre de gouttes de sang. Celle-ci se trouvait sous la
vote cleste. Elle tait tire par une charrette, trasa par un homme qui ducea
oale, dans laquelle se trouvaient ses fils. Pe trotoarul blanc, la lune
s'coulait.
Il allait en ville vendre du beurre. Un des enfants
s'assit ses cts. Les autres s'taient endormis. Des voitures le
klaxonnaient nervs. "Sales tziganes" criaient-il pendant qu'ils les
dpassaient. Le petit s'tait rveill et se blottit dans la veste de son pre.
Ils arrivrent la ville pour vendre du beurre et du fromage.
- trasa : en roumain se prononce Ōtrassa Ķ :
conduite
- ducea oale : en roumain se prononce Ō doutcha
oale Ķ : transportait des casseroles
- Pe trotoarul : en roumain se prononce Ōp
trotoaroule Ķ : sur le trottoir
AU BAR
Il arriva hier, une table plus loin il mangeait, des
hommes taient debout, quelques-uns bouffaient au bar, je ne savais pas son
nom, il faisait pas beau, l'un dÕentre eux vomit et quitta le caf, il dplia
ses jambes sous la table.
Ce soir, il ne vit que son ombre passer, mais il
savait qu'avec quelques miettes il irait pas loin.
LA SORCIERE
Il se perd dans la fort, une sorcire vtue de son
voile noir apparat devant lui ; il a peur car elle pousse un cri qui fige la
fort tout entire, ce dernier se transforme en taupe et il rejoint
le royaume souterrain ; un jour, une fille se promenait dans la
fort, et glissa par inadvertance sur son terrier, de la peinture
qu'elle portait dans son sac tomba dessus et la taupe redevint humaine.
LE REPORTAGE
On veut pas des assists. Faut travailler...on veut
pas d'assists. Y a pas de misre. On doit travailler, on doit pas tre
assist, y a pas de misre... On veut pas des assists ; y a pas de
misre. Beaucoup, ils courent aprs les aides de l'tat. Y a trop d'assists.
Il faut rembourser l'tat. Les gens ils se font assister, l'argent il faut
qu'il revienne l'tat. Il n'y a pas de misre. L'artre principale de la
ville, le soir, fourmille de filles sexy qui font la fte.
SANS TITRE
Des btiments l'horizon, la mer est claire (est
turquoise), un homme sort d'une maison, du sang sort des grilles de sa fentre,
un visage de femme passe en filigrane, l'homme lche derrire lui une poudre et
se consume, le ciel est recouvert d'une toile d'araigne violette,
un sillon, o dra de nuage blanc cade pe ciel,
- o dra de : en roumain se prononce Ō o dira
dĶ : un sillon
- cade pe : en roumain se prononce Ō quad
pĶ : tombe sur
COSMOPOLITE
Un homme arrive, et regarde par l'entrebillement de
la porte, il se demande qui c'est ; il fait beau. Un homme est
assis : Ō Je peux entrer ? Vous me reconnaissez ? Je m'appelle
Pavel, j'habite le mme pallier que vous. Qui suis-je ? Ō
Je m'appelle Laurent. Connaissez-vous cette rue
?
Il se lve.
Je m'appelle Grard, j'ai 32 j'arrive de NY, mon
oncle s'et mari en France et je visite Paris.
Je suis Myrbrune, roumaine. Je suis venu en France
pour ...travail.
Je m'appelle Christelle, je suis d'origine des pays
baltes, je suis venue visiter.
Je suis Rodica, j'aimerais m'tablir en France
dfinitivement.
Mon nom est Pris, je viens de Hongrie, et j'aime beaucoup
la France.
Je suis Rako. Je veux vivre en France pour
toujours.
Je suis Chris, j'aime bien le France et je veux
vivre quelque temps ici.
Je viens de Bucarest. La France me plat beaucoup.
Ë LÕHīPITAL
Sur la place sombre, un homme qui attendait le bus
fut interpell par des garons. Il fut battu et on lui vola son sac. Il courut
et prit le mur en plein visage. Les vitres lui ont lacr la peau. Ses amis
taient partis devant. Le chauffeur du bus appela la police. Le propritaire de
lÕappartement vit lÕhomme ensanglant, vrifia que cioburile provenaient de
chez lui, et se demanda comment faire jouer les assurances pour se faire
rembourser. LÕambulance arriva quelques minutes plus tard et les transportt
lÕhpital. Le bandit fut opr. LÕinfirmier posa le lit de la victime dans un
couloir satur. Il succomba une hmorragie crbrale.
- cioburile : en roumain se prononce Ō tchobouril
Ķ : les tessons
ADA
Le canon de pistolet tait point sur son crne,
genoux son bb hurlait. Elle appelle Wanda.
- Ils menacent mon bb, ils cherchent sÕil reste
quelque chose, jÕai tout plaqu, moi, salut.
- A la prochaine, essaie avec ton mari de flic, elle
rigole.
- Il reste du poulet dÕhier soir. Ils mÕont
embarqu, trouv au super U, quand je faisais mes courses. QuÕest-ce quÕon
fait ? Ils vont comprendre que tÕas dcroch.
Ada sÕhabille et finit la nuit au bar. Son mec ne se
doute de rien.
- Bonne journe, mon chri !
Des copines appellent pour la mettre sur un coup,
mais elle sÕest range. Elle attend son deuxime enfant, elle est plus belle
que jamais.
- Dati-mi si mie un franc va rog !
Aveugles, des ombres, des manteaux foncs, une srie
de visages passaient devant elle, des visages sortis tout droit d'une histoire
tout autre que la sienne. Elle avalait o turma de oameni. Venue de nulle part
pour eux. Elle se sent poursuivie, par ceux-la mmes qui l'ont jete hors du
pays. Elle n'a aucune preuve. Des amis m'attendent sur le quai. Ils balayent
les murs de leurs yeux la recherche d'on ne sait quoi.
- Si tu bouges, on te tue.
Je me suis laiss violer par des salauds, qui m'ont
traite de "Sale tzigane !".
Ces inconnus me laissent indiffrente. Je pourrai leur
dire n'importe quoi...
- Alors, Magda?
Mme eux, je ne retiens plus leurs visages. Puis,
les uns partent, d'autres reviennent.
- Dati-mi si mie un franc va rog ! : en roumain
se prononce Į datzimi chi mi oune franeque va rogue Č :
donnez-moi un franc, sÕil vous plat
- o turma de oameni : en roumain se prononce
Į o tourema d oamni Č : un troupeau de gens
Son fils lui fut enlev ds tout petit. Sa vie ne
lui appartenait plus. Elle tait entre les mains du pouvoir en place. C'tait
par un aprs-midi d'hiver, le froid glacial dispersait une lumire blanche,
aveuglante. On frappa la porte. Des soldats pntrrent dans la maison et lui
annoncrent la dcision de l'organe suprme du parti de prendre son enfant pour
lui donner l'ducation qu'il mrite, afin qu'il devienne un membre digne de ce
pays. La mre se mpotrivi, essaya de discuter, et se posta devant le berceau
couvrant de ses deux bras l'enfant.
- "Ne le prenez pas", hurlait-elle.
Ils la poussrent, des soldats l'immobilisrent sur
une chaise. Ils volrent l'enfant, donnrent un coup de pied dans le ventre de
la mre pour pas qu'elle les suive et disparurent dans la neige.
- se mpotrivi : en roumain se prononce
Į s mepotrivi Č sÕopposait
- Au bout de toi, Éfinissant en paix,
- QuÕest-ce que tu me donnes ?
- Moi. Je suis la Mort.
- tu viens me voir, voir si tu peux sa nhati ceva.
Mon heure nÕest pas encore venue. Je veux vivre.
- Je suis l. Je repasserai.
- sa nhati ceva : en roumain se prononce Į sa
nehatzi tcheva Č : pour empoigner quelque chose
Dans les plats aigres-doux dans lesquels je me
prenais la tte, une fois digrs, je me detachais d'eux pour atterir sur des
terres inconnues, le tissu que je fabriquais comme rsistance etait celui-la
meme dans lequel je vivais, ou plutot c'etaient toujours ma peau, mes ongles
qui transmettaient aux autres cellules qui repoussaient, refusaient toute
collaboration, se faisaient toutes petites et simulaient des maladies comme des
grossesses nerveuses. Le temps dilatait ces faux-semblants jusquÕ ce que je
dcide de passer outre sa force dÕexcution et reprenais le fil, depuis le
dpart.
Prabusit pe un cot, maintenu contre la rampe
dÕescalier il observait dÕun Īil le va-et-vient des employs en attendant son
tour au guichet nr. 2. La semaine dÕavant, il avait prvu de consacrer une
matine au renouvellement de ses papiers sant. Ses penses se adunau autour
dÕune pile de CGV quÕil devait envoyer. Les intervalles qui participaient de la
dcontraction la suite de son activit ennuyeuse et costisitoare se nfundau
telles des coquilles aux parois fendues dans cette atmosphre oppressante.
- Prabusit pe un cot : en roumain se prononce
Į prabouchite p oune quote Č : croul sur un coude
- se adunau : en roumain se prononce Į s
adounaou Č : sÕamassaient
- costisitoare se nfundau : en roumain se prononce
Į quossetissitoar s nephounedaou Č : coteuse sÕenfonaient
JÕai mis quelques cassettes vido dans lÕaprs-midi
en matant de nombreuses reprises le plafond qui renvoyait inverss des personnages
dfilant sur lÕcran, se tasser dans lÕespace vide accueillant et produire des
tches.
Elles se trmoussrent, tait content de la voir.
LÕautre lana un de ses deux yeux sur le trottoir. Elle quitta pour aller
travailler, tait presse. Il descendit la cave. Un voisin lÕy rejoignit. Des
traces de main. QuelquÕun a dormi l. CÕtait une fille qui pleurait, elle
disait quÕelle avait faim. La peau de son cou et de son visage tait infecteÉ
elle trouva un foyer social car les habitants de lÕimmeuble sÕorganisaient pour
fermer la cave clef.
LA PATRONNE
La patronne se posa, atterri sur elle, sur son dos,
comme tous les matins et se mit a ciuguli sur son dos. Repue, se umfla n pene
et faisait une danse en gonflant ses paules repezindu-se aux quatre coins de
la pice, en imitant le cri des oiseaux. Elle se leva pour rentrer et se
coucher dans son lit sur le ventre. Peu aprs, elle prpara son dner. Les mots
lui venaient petit petit et lesÉÉsur le papier. Il tait tard.
- a ciuguli : en roumain se prononce Į a
tchiougouli Č : picorer
- se umfla n pene : en roumain se prononce
Į s oumefla ne pn Č : gonfla ses plumes
- repezindu-se : en roumain se prononce
Į rpsinedouss Č : se ruant
Dans la rue, il aperut soudain, une femme aux
vtements rupte par endroits, maigre. Į Il me semble la connatre Č,
se dit-il. Le visage aspru si ncruntata cachait la douceur, le rire de la
femme quÕil avait connue autrefois. Ils se croisrent tels deux inconnus.
- rupte : en roumain se prononce Į roupet
Č : dchirs
- aspru si ncruntata : en roumain se prononce
Į asseperou chi nequerounetate Č : dur ,les sourcils froncs
"JÕai trouv mon exotisme en elle :
pendant que je suis avec ma femme elle est l, pas dans les visages qui sont
devant nous mais la peur au ventre, de celle qui venant du bas dÕelle-mme
reprsente une menace pour son quotidien. Je suis l avec ma femme et je suis
fier de ma femme, ma voiture et cette femme amoureuse." Mon futur amant
rigola quand mes gestes pas srs je ttonnais. Et il passe et repasse et je
jouisÉ "Elle vient de nulle
part, pas de notre monde. On la voit juste deux ou trois jours par
semaine."
Les trangers attirent les franais comme les
abeilles le miel, dit-elle dgote mon encontre.
LÕAGRESSION
Il avait mis un voile sur les objets quÕil
rencontrait sur son chemin. Il tissait ce voile depuis plusieurs semaines. Ce
matin-l ntunericul era peste tot. Il prit un cutter, coupa dans sa chair des
stries traces aux endroits quÕil trouvait vides.
- ntunericul era peste tot : en roumain se prononce
Ō netounriqoule ra pesset tote Č Ķ : l'obscurit tait
partout
Un vert translucide presque phosphorescent, irrel,
renvoie une texture kitsch. Elle-elle. Le bordel elle. Elle sÕcoule
travers les pierres jusquÕ moi. LÕcume se fend contre les parois oblique et
parpillait la mousse. Dehors-dehors, la limite et vis. Tout ce petit monde
lointain, opaque, inexplicable. Mes yeux tels des cailloux se plantent entre
les excroissances, effeuillements du sable chaud. Elle ment. Des plis de sa
peau sont rcolts
LA CEREMONIE FUNERAIRE
Dans un royaume au bord d'une mer lina (ou : verte),
la poalele unui munte escarp, tous les enfants leur naissance reoivent une
fiche. Lors de crmonies funraires, le roi triait les fiches et celles qui
avaient un point noir taient jetes la mer o l'encre se dliait et
formaient de beaux dessins.
Celles marques de rouge ils finirent la poubelle.
- lina : en roumain se prononce Ō linaĶ :
paisible
- la poalele unui munte : en roumain se prononce
Ō la poall ounou mounetĶ : au pied dÕune montagne
LE ROYAUME
C'est l'histoire d'un royaume, dont chaque citoyen
possdait un dossier, un jour, un des dossiers disparut, le conducator le
cherche, le cherche, dans ses autres dossiers, partout, mais ce dernier s'tait
envol. Il tlphona aux autres, il chercha sous son bureau, le suspecte de
l'avoir cach sous ses affaires, la p'tite se leva, la maison son dossier
tait en effet nulle part, elle le cherche, sous la table de la cuisine, sous
le canap, elle se fabriqua une caravane, avec laquelle elle strabatu tout le
pays de long en large, chez chacun des habitants, elle regardait attentivement,
nulle trace du dossier, elle traversa des mers et des montagnes, mais le
dossier tait comme enterr, elle colinda ainsi, de longs mois, le dossier
tait l'image de chacun et personne n'avait le droit de le lui ter,
"vous n'y avez pas accs" lui dit-on
- strabatu : en roumain se prononce
Ō strabatou Ķ : parcourut
- colinda : en roumain se prononce
Ō quolineda Ķ : flna
UN JOB
Respirant pleins poumons lÕair qui circule dans le
texte que je lis dans la revue pose sur mes genoux, je lve la tte et
dcroche le tlphone, baisse les yeux sur les lettres tiparite sur le papier,
raccroche. Dans lÕautre tlphone, un technicien nous communique les rsultats
de la tourne. ŌTes rendez-vous sont tordus. Tu nÕes toujours pas
professionnelle Ķ, dit-elle en riant, dÕune voix pleine de satisfaction.
Je me levai, passais un coup de fil une amie pour lui donner lÕadresse dÕune
ANPE spcialise Ō Au revoir !, Au revoir, Alexandra ! Ķ
rpondit la responsable et quittais lÕentreprise jusquÕau lendemain.
- tiparite : en roumain, se prononce
Ō tiparit Ķ : imprimes
UNE DISPUTE
Une fois son amoureux fugace parti, elle fit ses
adieux la pice quÕils occupaient, mit ses sandalettes, aphone, les premires
heures, les conduits O.R.L. clats par leur dernire dispute, se voulait forte
et pleine dÕentrain, des cernes, la peau fripe et un teint ple lui
conseillaient le repos.
MON MEDECIN TRAITANT
- Vous tes sans emploi ? Vous avez un
problme ?
- Non, pas ce que vous entendez par ce mot.
- Vous savez, le gouvernement nÕa plus dÕargent pour
payer ce genre de gens.
Un sourire dcorait ses dents enchevtres. Ses
sentiments mon gard dferlaient du haut de sa supriorit certaine. Elle
regarda mes papiers de Scu et fit une grimace en voyant la CMU.
UNE BASTON
Dans une ville :
Marius marchait depuis un temps sans sa bquille. Il
avait reu une prothse paye par la Scu. Il flambait dans la cit depuis
quÕil marchait normalement et la dvoilait firement. Mme les filles la
pelotaient avec admiration. Quelques jours aprs, des jeunes sÕamusaient autour
de lui en criant Ō Vas-y voir ce que tu peux faire avec ta
jambe. Ķ Sa tte buta contre le trottoir. Ils partirent.
LA RUE
Au bout de la chausse un homme chantait la voix
de nestapnit une salve ponctue de Ō hou, hou Ķ en guise de refrain
rpt sans arrt. Un autre chanteur, celui-l parolier entrecoupa le sien,
provenant du trottoir dÕen face. LÕon passait crisp dans ce concert de voix.
Ō Hou ! Hou ! Ķ, scandait encore plus fort le premier. Le
deuxime se mit crier contre les passants tout en buvant un coup.
- de nestapnit : en roumain, se prononce Ō d
nessetapiniteĶ : indompte
AU TRAVAIL
Je vous vois travers la vitre. Je vous observe
travers un ochean. Je vous ai vu tout lÕheure bouger la main de ct comme ca
(elle fit le geste) et mettre le doigt sur le bouton de dmarrage de
lÕordinateur. JÕai baiss les yeux et dÕun autre Īil vous regardait travailler.
Il est venu demander des nouvelles du patron, on lui dit quÕi allait trs bien
sur un ton condescendent, il venait dÕappeler, une voix charmante et ouverte
comme le cul de la poule au moment de la ponte acquiesait sans arrt.
Je regardais par la fentre, il se pointa devant
moi, les muscles du visage tordus par une grimace, parla dÕargent et ma voix
cristalline le dtendit. Un cheval fougueux passa en flche devant mes yeux,
rasant en diagonale la petite cour situe sur le toit de lÕimmeuble pendant
quÕelle se lavait les mains, une collgue me raconta un fapt qui se droulait
pendant ses cours de dessin ses sorties avec ses amies.
- un ochean : en roumain, se prononce Ō oune oquane
Ķ : une lunette
- un fapt : en roumain, se prononce Ō oune fapete
Ķ : un fait
LE QUAI
Elle est reste prs de moi pendant plus de vingt
ans. Attache, jÕtais attache. Un matin je me rveillais, je passais les
limbes du sommeil, adhrais ses murs pour pntrer sa demeure, les gestes
maladroits du matin, lÕappelais vers moi pour mÕhabiller de sa peau et moulais
mes premiers pas peine esquisss sur les siens.
Le trou s'agrandit, il vaut maintenant trois cents
mille de millions, dbarques de Patagonie, de pices dtaches, dans nos
assiettes avec des poils et puantes, y a quelques instants, elle blait encore
dans les champs, arrive par avion direct dans mon assiette, sa langue violette
pend,
LÕAMOUREUX
Elle revenait de ses courses sur le chemin du
village dÕ ct qui longeait le champ. Elle se pencha pour compter le nombre
de ses sacs. Un garon pissait au bord de la route. Il referma sa braguette,
sÕarrta en apercevant la jeune fille et marcha en appuyant sur elle son
regard. Ō Bonjour ! Ķ fit-elle, surprise par cette rencontre.
Ō Ca va ? Ō lui lance-t-il sur un ton nabusit.
Ō CÕest pas trop lourd ? Ķ Il regarda ses provisions puis ses
yeux, son sourire, la poussa violemment, elle tomba dans le foss. Pendant que
dans ses bras domolita par ses caresses il lui murmurait des mots abaissants
lÕoreille, sa sincrit donnait prises ses paroles. Il se tournait vers elle
quand il sentait son loignement, lorsque ce terrain propice ses phantasmes,
cette faiblesse quÕil a travaille de ses mains se dvoile sa vue en quelques
mots, quand les liens qui mÕaccrochent lui traduisent ce type de rapport,
lorsquÕil active de ses mots, cette surface participante de lÕacte sadique
quÕil a cr de toutes pices.
- nabusit : en roumain se
prononce Ō inabouchiteĶ : touff
- domolita : en roumain se
prononce Ō domolitaĶ : apaise
LE FUYARD
Des HLM bordaient la route. Son jean tait dchir.
Il portait un gros sac. Il sÕarrta en bordure dÕautoroute et fit du stop. Des
voitures de flics illuminaient la fort par intermittence. LÕune dÕelles
sÕarrta. Un policier vrifia ses papiers, lui donna un ghiont en passant. Des
jeunes qui venaient de la cit lÕinterpellrent. LÕun dÕentre eux lui fila un
coup de poing. Ils ventrrent son sac empli de vieux pulls, chemises et
quelques soutiens-gorge. Il balana une injure. Ils rigolrent lorsque lÕun fit
semblant dÕessayer une jupe devant les autres. Ils lui donnrent quelques coups
de pied et dguerpirent. Ō O on va ? Ķ Ils glissrent en bas du
talus.
La couleur de lÕasphalte tait peine perceptible.
Il nÕy avait pas de bruit. LÕair de la nuit tait froid. Engourdi de fatigue,
il arriva dans la ville, trouva un escalier dÕimmeuble sur lequel il sÕallongea
et dormit. Au petit matin, des mouvements de pieds le rveillrent. Il demeura
immobile quelque temps pour se rchauffer. Un policier accompagn dÕune femme
le rveilla pour lui donner lÕordre de quitter lÕimmeuble.
- ghiont : en roumain se prononce
Ō guonete Ķ : bourrade
Je surpris ses yeux comme deux lanternes qui
m'piaient depuis un bon bout de temps dj, et je savais qu'il tait en train
d'observer ce qu'il tait possible de faire avec moi, comment me descendre en
dÕautres termes. Je n'y prtais pas attention outre mesure et il finit par me
faire tomber.
LE JARDIN
Les fleurs closent, seule une me regarde de son
ptale, elle engendre au bout des pics vnneux. Sa corolle spongieuse forme de
la bave comme au bord des lvres des femmes lors des crises dÕhystrie, se
ferme, le soir venu. La racine est molle, la tige tavele, le lendemain le ciel
scintille. Un ptale se dtache du globe, la tige cingle le vent lger du
matin, dans le calice sunt asezate les pistils jaunes, la fleur respire lÕaube.
Les pistils dÕune de ses collgues sont marrons tte-de-ngre. Este ofilita.
Une brise frache me gdila les narines. Le champ de fleurs est spulberat de
vnt. Il va certainement pleuvoir. LÕeau de mer frtille en surface, les vagues
sont rapides et petites.
- sunt asezate : en roumain se prononce
Ō sounete achsatĶ : sont disposes
- Este ofilita : en roumain se prononce
Ō esset ophilitaĶ : elle est fane
- gdila : en roumain se prononce
Ō guidilaĶ : chatouille
- spulberat de vnt : en roumain se prononce
Ō spouleberate de vneteĶ : parpill par le vent
RACISME
Ō Tire-moi ce rideau. On nÕest pas en Afrique
ici. Ķ Son crne enfarin, le squelette de son visage recouvert dÕune
large couche de plasma dltre fixait sans me regarderÉelle se dplaa dans la
pice ct pour voir les filles. Elle se renseigne si le patron ne lÕa pas
appele. Fait ses comptes ; lve les yeux : Ō on a vol des
stabylos. Ķ Elle me regarde. Ō On doit tout fermer clef. Ķ
Ō Oui mÕdame. Il nÕy a pas dÕautre solution. Hmm ? MÕdame ? Ķ
Je prends quelques instants de pause. Au bout de trente minutes je fais une
pause nouveau. Ō Tu ne travailles pas aujourdÕhui, Alex ? Ķ me
lance-t-elle sur un ton ironique.
Je ne pensais pas pouvoir me retrouver un jour parmi
les bombes, avec mon enfant mes cts, n vltoarea aceasta qui m'avait mis
le pied l'trier au dpart, lorsque je pensais encore pouvoir fuir. Cet
enfant, mes ct avait besoin d'une vie normale.
Je le mis dans la confidence. Ne tÕapproche
pas de lui. Tu nÕes pas de chez nous.
Survenu trois mois aprs lÕaccident, je lui
demandais de me relater lÕhistoire pour que je comprenne pourquoi ce tremur
(tremblement) dans la voix et les mains.
"JÕtais ct de lui quand il sÕest fait
craser, jÕai entendu le choc de la masse contre mon corps, il est tomb. Le
chauffard a fil. JÕai pas su quoi faire, puis quelquÕun mÕa dit quÕil allait
appeler une ambulance. Je ralisais pasÉ"
Cherche
roumaine forte poitrine baiser, entre deux parties de jambes en lÕair avec
ma copine. Ca fait partie de ma recherche dÕexotisme, un renouveau pour mon
couple peut-tre aussi, de quelque chose de different (inhabituel) se metrre
sous la dent entre deux nuits dÕamour avec mon amie.
Cherche roumaine, ou autre, dÕorigine trangre, sud
de prfrence.
JÕaccorde un
supplement gratis, rparation du chauffage lectrique ou dÕun objet electrique
de son appartement. Opration libre change, sans paiement.
Un petit garcon se dirigeait vers moi :
Į JÕai perdu ma maman, il y a plusieurs jours Č, Į Tu ne lÕas
pas perdu Č rpondis-je. Į CÕest elle qui tÕas laiss car elle ne
pouvait plus tÕlever. Į Tu vas trouver quelquÕun qui va sÕoccuper de
toi Č, Į Mais ma maman tait gentille. Į Je sais ; tu vas
trouver quelquÕun. Č Į JÕai faim" Į Tiens, voil cinq
francs. Č
Il lÕavait vu au-del de ces contres proches dans
lequel il avait toujours vcu un arbre plus grand que les autres qui le
poussait travers les champs pour
lÕatteindre (pour y grimper).
La nuit il poussait dans sa tte, sortait comme une
natte plapnda mais rigide. Une multitude dÕinsectes venaient se revigorer sur
ses ramuri et feuilles dont les nervures sifflaient au rythme des you-you
leur encontre. DÕautres nevures descendaient pour boire la sve dans son crne.
Puis on entendait la respiration lente et rgulire des estomacs repus. Au
petit matin, il buvait vite fait son lait crmeux et au plus grand bonheur de
sa mre qui le croyait press de partir pour lÕcole, il courut jusquÕ la
risire pour voir les contours de lÕarbre se dessiner sur le ciel.
Au milieu de lÕt, je dcidais de partir en vacances. JÕatteris dans un camping empli dÕadolescents dfavoriss auxquelq les mairies de gauche avaient pay des vacances. JÕarrivais, le premier jour, une femme mÕaccueillit, belle, plantureuse, gentille et mÕoffrit une tente, condition que je lave la vaisselle, le groupe dÕarabes se pointa au bout de deux, trois jours. Leur voiture mÕattendait tous les jours pour descendre la plage et la groseur de mes seins les faisait planer. Le soir, alors que nous tions en train de manger, dans le coin de la table se tenait un garcon, timide renferm. La patronne me demanda si je voulais bien partager ma tente avec lui. Nous dormions cte cte pendant plusieurs jours, il venait du Mali et faisait des tudes de psychologie. Je me sentais auprs de lui comme un poisson dans lÕeau, quelques moments il me reprocha de ne pas mÕinteresser lui ; jÕtais lontaine, mme au bord de lÕautoroute, lorsque jÕapprehendais le moment o nous allions nous sparer.
Le march sÕemplit vers midi ; les gens
achtent pour la semaine ou fouillent ; prs de la halle est le squat o
circulent des sacs de drogue. J'allais chercher du boulot. LÕasphalte acoperea
la verdure, le carrefour grouillait de monde. A ct du carrefour se trouvait
un magasin la sortie dÕune bouche de mtro, on sÕy pressait pour entrer et
pour sortir. Des boutiques musulmanes surplombaient lÕendroit. Des jeunes se
retrouvent la sortie du mtro, je me dirige vers ma cit.
- acoperea : en roumain se prononce
Į aquopera Č : recouvrait
LE MEDECIN
Le chirurgien voulait la tuer sur la table
dÕopration afin que toute trace de la tentative de meurtre disparaisse. Une
simple maladresse, passe inaperue, aurait suffi lui ter la vie et il sÕen
serait dbarrasser dans une poubelle rserve aux trangers, tel quÕon a
lÕhabitude de faire, en fermant les yeux de dgot. Il aurait bais la fille
dont il avait envie depuis le jour o il la vit aux cts de sa mre puis
lÕaurait rassur en lui disant : Ō CÕest pas grave, la mme chose se
passe en Bosnie, deux pas de chez nous aussi. Ķ
LES ABIMES
J'attendais, assise sur les marches de la MJC la
venue de l'animatrice que je devais assister lors d'une journe d'essai pour un
nouveau travail. J'entendis dans le hall d'entre deux jeunes filles reprendre
le refrain qu'elles taient en train d'couter dans le walk-man : "Je fais
mouiller des chattes...". Il pleuvait. Je venais de quitter le cabinet de
mon dentiste qui lorgnait ma CMU.
"Pfff-Pfff", entendis-je derrire moi. Je
retroussais ma jupe, tirais et amorais cet aprs-midi de travail. "C'est
fou !", la voix s'accrochait au fragment de mon corps, au tournant de mes
mouvements affairs, dchira quelques nervures, sinueuses, pressantes,
rptitive, creusa un abme dans lequel tous les mots se firent l'cho d'une
souffrance, se izbi d'une autre, qui creve, laissa s'couler des mots en vrac,
prenant ma forme de l'abme, puis une autre et une autre et le visage abm se
montra chez le boulanger.
- se izbi : en roumain se prononce "s
izeb" : heurta
UNE JOURNEE DE TRAVAIL
La pice se vide de tout relief et se transforme en
gouffre. Je dcroche, mÕaccroche mon outil de travail ; l jÕexiste,
nous passons pour acheter, nous passons la semaine prochaine, non, la semaine
du neuf, mon patron passe partir de mardi, non, pour acheter vos mtaux
prcieux, nous passons dans la semaine, non, combien avez-vous ? Cent
grammes, cinquante grammes, non. Je vous rappelle pour vrifier. Dans quelques
jours.
Je dcroche. Chut. Raccroche ! Elle compte,
lÕargent du tlphone que je dpense, les chiffres inscrits sur les factures,
les minutes que je passe parler ma voisine, lÕabsence. Je dcroche, le
compte rebours a commenc. Le temps immobile, ntepenit, les minutes
arraches, gares sÕcoulent nebunite, l destrama, l alcatuiesc. Je ne
comprends plus rien. Mon ventre se durcit comme du fer. JÕenregistre les dates
de passage. Va-t-en, va-t-en maintenant. Ces minutes nteapa un sommeil
ndelungat.
- ntepenit : en roumain se prononce
Ō ntzpnite Ķ : fixe, immobile
- nebunite, l destrama, l alcatuiesc : en
roumain se prononce Ō nbounit, le dessetrama, le
alequatouesseque Ķ : affoles, lÕeffilochent, le constituent
- ndelungat : en roumain se prononce
Ō nedelouneguate Ķ : long
Je pris quelques photos avec lui. Je pris mes
bagages et partis pour marquer de mes pas le sol des autres pays, inscrire des
semelles de mes pieds ma personnalit en lui. Je l'ai vu passer, moiti
dshabill, parcourant toute vitesse les monuments de la ville, les uns
flanc de montagne, d'autres perchs a des kilomtres du village le plus proche.
Je suis passe te voir, tu tais au lit avec un lumbago. Je fabrique des jouets
en papier carton pour t'oublier et pour me sentir entoure. Je le dposais dans
un no man's land.
Leurs peaux tombent. Des rictus sur le visage, des
grimaces figes de la folie, des monstres sont nes. Ils tremblent, pietinent,
des muscles de leurs visages sont morts, il n'y a pas d'influx nerveux, de
volonte deles bouger. Ils parlent seuls et rient. Ils s'amusent dans la folie,
c'est un autre monde. Si je leur parle je suis foutue. Je me sens attaquee.
Chacund'entre eux et atteint, ils formet les bras d'une peiuvre. Il est venu me
dire que ca va pas, il n'etait pas lui-meme. Il restait de lui qu'une peau
morte, il etait devenu tout petit, la vie l'a quitte, le sourire etait juste un
mouvement des mandibules.
Des gens qui ont le pouvoir. Alors personne dit
rien. Ils en profitent, se pavanent. S'il ne l'avait pas dit, des millions se
baladent tranquille, parmi nous qui nous disputons sans cesse pour un franc ou
deux. Notre misere les satisfait. Je lisais en pause assise sur un banc. Des
que je repris mon travail, il m'interpella "vous etes en visite ici
?" En effet je travaille dans un musee. Il m'a demande quelle est la
marche a suivre. 2 et 2 font quatre avez-vous dit. Des escrocs nous font perdre
des milliards de vies humaines.
Il me fit barrage. Interdit d'entrer ici.
Surtout, en trambla...
La maison etait inondee. Au bout d'un temps tout
partit en fumee. La vie des gens.
Que fait-il la ? Mine de rien. Il s'etait degonfle.
Le matin je pense a ma journee de travail. J'y pense
comme a quelque chose de clean, structure. Quelques minutes apres j'entends des
voix dans ma tete qui me disent comment je suis, ce que je dois faire et ne pas
faire. L'essentiel c'est de ne pas engager de discussion avec elle, car ca
voudrait dire que je rentre dans ce systeme qui va m'avaler.
La moindre tentative de construction, de realisation
est un crime, ca leur fait peur. Personne n'existe pas.
"Melle Bouge n'est pas en forme." Je suis
mal vu. Il se leve, devient blanc. Comment un homme comme moi peut-il etre la,
a surveiller des chars qui pese une tonne je suis mal vu. Ils m'ont mis a
surveiller des chars. Vous allez chanter ce soir ? (C'est la fete de la
musique, je ne sais pas chanter).
Que vais-je faire sans elle ? Que puis-je
faire sans elle ? A partir de quand.
Elle tomba. Sa jambe fut casse sa volonte flechit.
Elle s'enferme au fond de son lit et ne voulut voir personne. Personne pensa a
elle pendant qu'elle etait malade. Alve tomba au fond du trou, sous le lit.
Il attendait sur le perron de la gare deserte. 5H du
mat. L'humidite lui avait penetre les os. A l'interieur des hommes dormaient.
Il retourna au bar de la gare, le seul ouvert toute la nuit dans la ville.
Ils se taisaient. Elle etait au milieu de la scene,
elle avait oublie de se nourrir et soncorps a capatat l'aspect d'une mouette
decharnee amenee par la houle sur le bord dune mer polluee. Le sable avait une
odeur de poisson pourri. Elle fit semblant de ne pas vivre. Les sequences du
film firent volte-face, sa chair invineti au fur et a mesure, son ami, son
oncle venu d'on ne sait ou s'adressa a elle pour lui demander de l'argent. Ne
me demandez rien. Les elements pluteau. Dans la prison, il fit la tete.
Natacha, lui dit-il.
- invineti : en roumain se prononce
Ō nevinetzi Ķ : bleuit
- pluteau : en roumain se prononce
Ō plouteaou Ķ : flottaient
Elle poursuivait son chemin, a jamais trace ici,dans
l'atmosphere apasatoare, sa tete pouvait lui etre enlevee a tout moment a tout
moment. Mais elle n'en etait pas la. Il fallait manger, dormir, s'occuper de
lui. Son visage radiait comme une lampe qu'on allume lorsqu'il etait pres
d'elle. Il ne la vit qu'apres une fois capturee, morte sous des vetements
violets comme un spasme sans fin.
Non, jamais, m'entends-tu, jamais nous nous vimes tel qu'on est vraiment
: toi, moi, lui. Dis-moi. Il zgiltiie. Il prit peur et s'enfuit. Tu m'a
regardee ? Au fond, sur un ton de suparare, elle lui reprocha ses nuits sans
sommeil pendant lesquels il venait lui raconter des histoires debiles,
lorsqu'elle devait penser a bouffer le lendemain. Il la quitta, muet il ne
comprenait rien. Sur le trottoir, ses idees se impotmoleau dans les baltoacele
din drum.
- apasatoare : en roumain se prononce
Ō nevinetzi Ķ : pesante
- Il zgiltiie : en roumain se prononce
Ō ile zguiletzie Ķ : elle le secoua
- de suparare : en roumain se prononce
Ō de sparare Ķ : de chagrin
- se impotmoleau : en roumain se prononce
Ō se mepotemleaou Ķ : s'enlisaient, s'embourbaient
- baltoacele din drum : en roumain se prononce
Ō baletoatchele dine droume Ķ : flaques sur le chemin
(Il prit de lÕargent dans la commode et le rangea
dans une enveloppe qu'il placait dans une pile de papiers) sur un des tiroirs
de la bibliothque.) Pendant ce temps, il prparait point par point le
droulement du voyage.)
QuelquÕun sÕtait enfui de son pays et avait pris
mes papiers pour circuler librement.
Il mÕa appel quelques heures aprs quÕil ait commis le vol. Pendant
quelques instants, il sÕest fait passer pour un copain que jÕaurais d
rencontrer lors dÕune soire.
-Ouais, tu te souviens, tu tais avec des amis. Tu
avais un peu bu et moi aussi, nous avions parl un peu puis je suis parti, car
un copain que je logeais pour quelques jours mÕattendait pour rentrer.
- Je ne mÕen souviens pas. De plus, je sors trs peu
en ce moment.
- Un ami mÕattend pour travailler en Allemagne. Ta
carte dÕidentit me permettra de passer la frontire. Je suis oblig de mÕen
servir, il mÕest impossible de faire marche arrire. Hier, jÕai rang mes
affaires dans mon sac et jÕai trouv la gare un billet dans le train de
demain matin. Je passe la nuit dans cet htel et je vais rejoindre cet homme
qui mÕa promis de me trouver de quoi gagner ma vie.
LA TETE
La rue tait pleine de monde les articles taient en
partie exposs dehors sur des ventaires. On trouvait toutes sortes de babioles
et dÕobjets utiles. (Ë gauche, la rue tait borde de coiffeurs et librairies
arabes.)
Des gens squattaient adosss aux balustrades devant
une farfouille ou un caf. Un transsexuel tait toujours assis sur les marches
dÕun immeuble. La nuit, un homme vole des enfants. Le linament du visage
restait le mme, mais il tait pourvu dÕune double tte, dont un trait avait
gliss au moment al nfaptuirii vers son jumeau, (confondus ca o dra avec
celui de son voisin), le trait sÕcoulant tordu vers celui de son jumeau, les
deux ttes correspondent lÕune avec lÕautre dans la journe et se transmettent
des messages, sous forme liquide, par des vases communicants. La nuit lÕhomme
glissait dans lÕenfant en faisant surgir sa tte la lumire.
ELLE
Elle est violette, la peau du visage burine, ses
cheveux noirs touffus recouvrent la peau sche pour la cacher ; ses yeux
taind n piele, les pupilles sont rouges, elle est debout depuis plusieurs
jours, de ses yeux sÕcoule un liquide chassieux, sa tte est ncoltita dans un
crou, ses yeux sont cerns, le bton est jauntre, sa peau est vieillie,
fripe, son Īil au beurre noir, son visage vinetiu et translucide, son Īil
mort, sfarmat dans la chair, la chassie sÕcoule, le long du bras sÕest
solidifi le sang de lÕagression, son poignet est gonfl par un rythme qui
lui fait mal, ses seins sont deux vessies fltries qui pendent sur son buste,
ses doigts au cotrobait, sous les vtements du garon, ses paupires sont
marron caves, son cĪur bat sous lÕimper. Ses chaussures gaurite au bout sont
traverses par le vent, sa main puternica, chaleureuse, il sÕloigne dans la
rue, cahin-caha, la peau sur les os, recouverte dÕun eczma, il a faim, Īil
dcoup sÕgoutte de la peau,
- taind n piele : en roumain se prononce Ō tanede
ne pilĶ : coupant dans la peau
- ncoltita : en roumain se prononce
Į nequoletzita Č : accule
- vinetiu : en roumain se prononce Ō
vintziouĶ : blme
- sfarmat : en roumain se prononce Ō sfarimate
Ķ : cras
- puternica : en roumain se prononce
Ō poutereniqua Ķ : puissante
AU BAR
La table gisait sur un sol plastifi gris. Ils
mangrent sans souffler. De lui-mme se dezlipi un homme qui le coupait. Son
voisin le dgustait, coup menu. Un homme sans ventre sÕassit ses cts et de
ses prothses de doigts en bois lui apportait son repas la bouche, Au bout
des bras, les doigts prirent la place des prothses. Un bras fut emport dans
le courant. Les ongles de ses doigts de pied furent arrachs. La table
sÕeffritait une extrmit.
- se dezlipi : en roumain se prononce Ōs
dezelpĶ : se dcolla
LÕACCUEIL
JÕai pris dans mon bagage quelques slips, culottes,
chemises pour venir te rejoindre. Comment tu vas mÕaccueillir ? Tu
tÕattendras au fait que je vienne te rejoindre pour plus dÕune nuit ? Ou
peut-tre une nuit seulement ? Tu me verras dbarquer, inquiet, gn, le
visage empli de haine, peut-tre. Į Ces trangers, on leur donne une main,
ils nous prennent le bras. Au dbut sembleras-tu calme, par savoir vivre,
ou bien une raction dÕembarras, de rejet, viter tout malentendu en de termes
polis, me fera dguerpir lÕinstant. JÕy vais ou je nÕy vais pas ? Je
mÕappuyais sur le bras du fauteuil du mtro. Je pense moi avant tout, me prserver.
CÕest ton frre qui mÕaccueillit, glacial, la couleur de ma peau fit de moi
lÕintruse. Il vita de me regarder plus longtemps, appela son frre et fila
droit dans sa chambre.
Mon feeling sÕtait vrifi ou bien tait-ce une
simple habitude, ou un dispositif de dfense qui se dclenchait
automatiquement.
La boule poussait n nestire. a prend les
dimensions dÕune boule dans laquelle des embryons de vie sÕparpillent comme un
glonte care scapa et tue par inadvertance. Les choses ne capata une lueur
quÕentoures des objets familiers. Dans les moindres recoins flottait la
surface un colac de salvare auquel il manquait un survivant. Evadez-vous vers
une lumire qui tombe verticalement sur son nez. Les nuits pluteau la surface
comme un suspens du lendemain. La boule grossissait vue dÕĪil. Elle dormait
le bout de son nez pos sur la couverture colore. Les tours picurau des
cailloux sur les tombes du cimetire. Ses galoches dans son sac, se strecura
parmi elles, prise de panique. Une mise excution rapide, sans trace, ne
serait-elle pas plus efficace.
- in nestire : en roumain se prononce Ō ine
nechetire Ķ : inconsciemment
- s-au netezit : en roumain se prononce Ō saou
neteziteĶ : se sont lisses
- glonte care scapa : en roumain se prononce
Ō guelonet quar squapa Ķ : une balle qui sÕchappe
- ne capata : en roumain se prononce Ō ne quapata Ķ : nÕacquit
- un colac de salvare : en roumain se prononce
Ō oune colaque d salevar Ķ : une boue de sauvetage
- pluteau : en roumain se prononce
Ō ploutaou Ķ : flottaient
- picurau : en roumain se prononce Ō piqouraou
Ķ : gouttaient
- se strecura : en roumain se prononce Ō s
strqouraĶ : se faufilait
LÕACCENT
Des histoires sÕamalgamaient tel un rayon de miel
tissant une toile parfaite dans laquelle nÕimporte quelle mouche sÕy prenait.
Une histoire commenait par un Ō r Ķ,
celui dont tout le monde avait entendu parler, le Ō r Ķ dÕune
histoire qui sortait dÕun trou noir, dÕune personne qui nÕexistait pas, qui ne
voulait pas exister, qui avait tordu sa langue et son larynx pour sÕessayer aux
sons de la langue franaise, pour sortir le Ō r Ķ tant dsir,
nfundat si gretos.
LÕhistoire avait mis un temps pour se dvelopper. Un
temps coup par fragments, de personnages survenus dÕun pass lointain, de
derrire lÕimage. Elle lÕa rattrape, lÕimage, lui avait fait la peau,
dirait-on. Le temps de crever un peu, dont la mesure a t prise sur un cadavre
inhum ces jours-ci, dans le cimetire prs duquel jÕhabite.
- nfundat : en langue roumaine se prononce
Ō nfounedate Ķ: touff
- si : en langue roumaine se prononce
Ō chi Ķ : et
- gretos : en langue roumaine se prononce
Ō grtzosse Ķ : cĪurant
Alexandra Boug