Printemps (1955)
un poème de Jean Théron |
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3"34
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lu par Bernard Théron, enregistré par Guillaume Beauron |
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Il greffait depuis le matin. C’était sa joie. Seul au bout du plantier, un genou à terre, il travaillait avec des gestes sobres de sacrificateur, rapides et recueillis. D’un seul coup droit, il fendait le plant qui s’ouvrait comme une gorge sous la lame. Il tirait un brin de raphia qui pendait à sa ceinture pareil à une chevelure et le nouait autour des deux lèvres de la plaie. La sève saignait déjà, l’écorce s’humectait lentement. Il affûtait le greffon trapu d’un tour de poignet sûr de lui, en l’effleurant, sans bavure ; il enfonçait la lamelle tendue dans l’ouverture trempée de sève et l’enfouissait sous un dôme de terre fraîche.
Il parcourut du regard les innombrables taupinières larges et rondes comme des seins. Tout un pan de vallée dessinait à ses pieds les mêmes silhouettes familières.
C’était, allongé devant lui, le ventre même de la vieille Louve, couvert de ses mamelles distendues.
texte enregistré à la Société Des Gens de Lettres sous le n° 2008.11.0261.
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