LIBER

 

un  théâtre alchimique

 

 

 

 

j'ai dans les yeux
un diamant exemplaire
il a offert une fois encore l'héritage du passé
devant les prouesses accomplies de la technique
pour revenir à l'organisme vivant -
pour toi, miroir
devant l'importance incontestable que revêt l'ouvrage
j'accorde mon esprit - tinctura mentis
au résidu noir resté dans la cornue
nous avons dans notre règne un certain lion
j'ai vu quelques fois cette poudre
et ce n'est pas comme si la science niait encore
une telle possibilité
l'alchimie et la médecine
représentent cette insurpassable perfection
liber quartus
avant que le rideau ne fût tombé
procédé difficile
la sincérité du témoignage d'Agricola
est au-dessus de tout soupçon
liber quintus
j'ai dans mes yeux un diamant
exemplaire, pour toi
miroir
s'imagine-t-on que les rois et les empereurs
se seraient fait payer en alliages
le tribu de leurs provinces ?

 

 

 

je parle d'une humidité radicale
fluide huileux, inflammable
comme l'esprit de vin
acide comme le vinaigre...
tiers livre
à présent je vais te manifester
par une connaissance naturelle
la pierre noire qui écrasa mes yeux
par conséquent le mépris de l'endroit tempéré
où je me putréfiais
dans ce miroir
je vois maintenant du ciel l'eau
tomber goutte à goutte
serait-ce que ce déchet noir
soit la terre elle-même
les philosophes ont dit que notre pierre
se compose d'un esprit
et ils disent vrai
qu'il vous suffise donc de connaître
liber primus
le Mercure
savoir que soit parfaite et compréhensible
sa nature engendrée
une pierre
saurait-elle dire plus
que ce qu'ont dit toutes les bouches ?

 

 

 

on distinguait deux états
une pierre de soufre
dont la patience
est à l'image exacte de l'amour
la pierre de safre
dont la putrescence véritable
c'est-à-dire dans son coeur
était recouverte du joyaux
maintenant, source minérale
nous avons fait de toi
le plus putrescible des joyaux
et nous avons dilapidé
les biens rares d'une langue rare
au profit d'un néant simplement aventureux
qu'en est-il maintenant ?
que notre langue à tous
devra se nourrir de celle des morts
sans pour autant y déceler la moindre syllabe
mais parler, parler

 

 

or maintenant je vais t'entretenir de cette langue rare
elle a ceci de si particulier qu'en ménageant les termes les plus antagonistes elle donne une forme concise à l'idée qu'on peut se faire de leur unité
secondement, elle formule dans tous nos esprits
une sorte de capacité intrinsèque
celle d'avoir des images dans l'esprit qui sont exactement
les mots qui leur correspondent
liber primus
mais je dois revenir à une certaine matière
liber quantus
mais j'ai déjà parlé trop avant
liber nullus
je dois laisser parler une certaine matière
voici le second mouvement
de ce que j'entends être
un accomplissement par nature défaillant
de l'imagination
liber primus
car voici que j'ai mêlé les pierres et les métaux
les eaux grasses et les feux
mais, la mort m'entretient toujours
de moi-même

 

cerver

 

 

 

c'est que la teinture de mon esprit
ne valait pas la nature de mes éléments
c'est pour cette raison que je parle
et, d'entre les morts
vous livre un message
je suis revenu d'entre les morts
et la teinture est simplement ce que l'on peut imprimer ou aimer
et la pierre est simplement ce que l'on peut toucher
et le monde est simplement
ce que l'on peut goûter
j'ai perdu toute saveur
et mes sens sont éteints
comment reverrai-je
quelque chose de ce qui m'a tant animé ?

 

 

 

 

13"54

 

texte et gravures par O. Capparos, d'après le Rosarium Philosophorum,

musique : G. Beauron et O. Capparos, avec la voix d'Elise Caron

 

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