ÒFigure porte absence et prsence, plaisir et dplaisir.
Chiffre a double sens : un clair o il est dit que le sens est
cachÓ.
Pascal,
Penses,
Article X, ÒLes figuratifsÓ, 677.
Valeur
et autorit souveraines de la monnaie
ÒPlutt
continuer devoir que de payer nos dettes avec une monnaie qui ne porte pas
notre effigie ! CĠest ainsi que le veut notre souverainet.1Ó CĠest parmi les premiers
articles de Bataille que nous trouvons un cho lĠaphorisme de Nietzsche, cho
qui nous renvoie la question de la souverainet, indiquant tout la fois
chez Bataille une gnalogie du concept de souverainet. ÒLes monnaies des
Grands Mogols au Cabinet des MdaillesÓ, ÒJean BabelonÓ, ÒNotes sur la
numismatique des Koushans et des Koushan-shahs sassanidesÓ forment avec ÒLa
collection Le Hardelay du Cabinet des MdaillesÓ et le ÒCatalogue of the coins
in the Indian MuseumÓ la srie dĠtudes numismatiques publies entre 1926 et
19292.
La revivification du culte de lĠempereur associe la frappe dĠune nouvelle
monnaie, la multiplication des monnaies lie au Òdlire des grandeursÓ de
lĠempereur3,
enfin les excs de tous ordres, la richesse inoue et la propension la
contemplation extasie associs la souverainet de la personne royale4, tels sont les points marquants
de lĠexpos de Bataille dessinant la figure dĠAkbar, souverain de lĠHindoustan
la fin du 16me sicle. LĠconomie montaire se double dĠune conomie
symbolique ; lĠunit de transaction est lĠimage du
souverain, quelquefois son nom, et sa circulation est la marque de la
souverainet. Dans sa notice se rapportant lĠouvrage de Jean Babelon,
Bataille dveloppe ce paralllisme entre effigie et souverainet. Il note que
ÒA lĠorigine la pice de mtal reprsente la fois les traits et lĠme mme
dĠun personnageÓ5, et de fait que ces qualits
garantissent la force dĠexpression de la
reprsentation du souverain. Mais lĠexpressivit subit une dgradation, un
appauvrissement o, prcise Bataille citant Babelon, le Ògot pour lĠexpression
individuelle manqueÓ6. ÒLĠeffigie du roi nĠest plus quĠune
Òimage immobileÓÓ, crit son tour Bataille. Il ajoute quĠainsi, la
personnalit du roi est dissimule au bnfice de sa fonction sociale. Pour
Bataille, la circulation des monnaies, des mdailles ne serait pas tant celle
dĠune reprsentation du pouvoir que la circulation du pouvoir lui-mme. Passe
de main en main, la monnaie rend le pouvoir la circulation brutale de
lĠconomie humaine, lĠconomie de tous les hommes . Un principe de passation du pouvoir dpend de la fluence
de ce pouvoir, et de sa puissance dĠinfiltration dans le jeu socio-conomique.
Les
dsignations de ce que recouvre le domaine de la numismatique - monnaies, mdailles, poinons -
attestent de ce rapport profond au pouvoir, la loi. La monnaie, nomisma, reoit son nom de nomos, la loi. Elle apparat comme
instrument de la loi, et plus, en tant que symbole de la loi, et des usages
possibles de la loi. ÒLa monnaie est un instrument de justiceÓ, dit Hsiode7, elle renvoie au poids juste,
la pese judicative, et par consquence, lĠestimation et la distribution (nemo)8 des richesses, lĠinstar de la Nemesis du jugement et de la
rtribution. Le latin "moneta" a originairement un sens prdictif, augural ; le
nom provient de lĠpithte de Junon ÒlĠAvertisseuseÓ, la ÒJunon MontaÓ qui
signale (monere) la venue de prils. CĠest ici que la monnaie donne son sens
tragique ; annoncer le pril, cĠest dj encourir lĠaffrontement mortel, cĠest
devancer lĠaction - le rcit - et glisser plus vite vers le noeud tragique
destinal. Le hros tragique est, partir de lĠoracle, toujours en avance sur
sa propre destruction. De mme lĠinstitution de la monnaie expose lĠordre des
valeurs sa faillite, par un vertige de la surenchre et de lĠauto-production.
CĠest l tout au moins ce dont tmoigne lĠimaginaire de la monnaie.
ÒCĠest une
monstruosit que la monnaie, chose de pure convention, puisse enfanter de la
monnaie, et imiter ainsi lĠoeuvre de la nature et de lĠartÓ9. Or, que vise cette condamnation
? En quoi lĠinstrument de la loi est-il susceptible de se retourner contre la
loi mme qui lĠinstaura ? La monnaie est dite Òinstrument de justiceÓ,
prolongement, ÒmainÓ de la loi et de lĠordre, et cependant, elle nourrit
partir dĠelle, en elle, un principe de dmesure, la menace dĠun irrpressible
dbordement. La NemesiV nĠa-t-elle pas pour charge de
rprimer lĠubris de la dmesure tragique ? Or
nous voyons que ces deux instances - lĠune, rpressive, lĠautre, libratrice et
transgressive - cohabitent au sein du cercle ferm de la monnaie. 1/ La monnaie
est en sorte porteuse dĠun Òpouvoir infiniÓ. La puissance quĠelle recle, cĠest
lĠauto-engendrement de sa valeur, lĠauto-rfrenciation de sa ÒsignificationÓ.
Elle infirme par l tout autre ordre que soi : elle est, pour ainsi dire,
ÒsouveraineÓ. 2/ La monnaie suscite une adhsion inconditionnelle, la vracit
de son efficace est, en quelque sorte, ÒindubitableÓ. Pour Alexandre Le Grand,
elle est un nomen, cĠest--dire un nom et une crance. En accord avec cette dfinition, la terminologie moderne
de lĠconomie politique dtermine la Òmonnaie signeÓ comme valorisation
sociale, ou lgale, de la signature, et surtout la Òmonnaie fiduciaireÓ en tant
que dpourvue de valeur intrinsque, sa valeur dpendant dĠune forme suscitant
de la ÒconfianceÓ (la forme du billet de banque). 3/ Il semble que la monnaie
se dote de la valeur la fois cache et ostentatoire de lĠeffigie ; dĠune
valeur toujours intrieure, dans les profondeurs de lĠimage, et dĠune valeur
expose, toujours lĠoeuvre, munie dĠune efficience.
LĠefficacit
dĠun tel message ne peut tre rduite un ensemble de signes capitalisables,
elle implique une force expressive distincte des signes et des significations
auxquelles les signes renvoient, une force encore distincte des procds, des
techniques - la force du trait -, de la rhtorique - la ÒforceÓ dĠune scne,
dĠun emblme -. LĠefficacit premirement ÒfiduciaireÓ de la monnaie exige que
la pice, le fragment, porte la trace dĠune pulsion non symbolisable.
Dans le
fragment de monnaie, fantasme dĠune totalit, et dĠune Òtotalit singulireÓ
dans le fragment - du livre, dĠcriture et de pense -, prsence dans une
parcelle finie dĠun infini comme totalit. Novalis crivit du fragment : Òsonde
jete dans lĠinfiniÓ, infini du lecteur, dimensions infinies de la lecture.
Nous pourrions tout autant dclarer que ce jaillissement du fragment, ce Òcoup
de sondeÓ est en lui-mme un Òacte infiniÓ.
Le fragment
(unit de sens, unit dĠtre) est concentration dĠautorit, de valeur. Il
participe du Òrve dĠautarcie et de monnaieÓ10.
LĠeffet de
ÒdramatisationÓ du personnage du souverain ne tient pas tout entier dans la
scne, dans lĠalliance de lĠeffigie et dĠune ÒmarqueÓ symbolique de souverainet.
LĠefficace du rond de bronze ou dĠargent rsulterait dĠun certain clat, dĠun certain rayonnement. Au symbolique ÒmarquÓ,
ÒsensÓ, de la souverainet sĠajoute ou se substitue une efficacit
symbolique
entranant une adhsion inconditionne la valeur, au pouvoir, la force
de crance de la monnaie.
En
parallle de la circulation de la monnaie en usage, de la passation dont nous
avons parl plus haut, la monnaie qui concerne le numismate, lĠhistorien (et le
chartiste quĠest Bataille) se caractrise par la perte de sa valeur dĠusage.
Devenant objet de lĠarchologie, de la palographie, donc de la volont de
rtention et de collection, la monnaie devient objet ftiche. Renforce avec la
perte de la valeur dĠusage, lĠefficacit symbolique de la monnaie-ftiche
sĠaccrot, la monnaie conquiert lĠautonomie de sa crance symbolique, comme si
ne subsistait plus que lĠclat ou le rayonnement de ce fragment de pouvoir, de
valeur, attendant dĠtre rinvesti par la puissance imaginaire, ou par
lĠopration dĠune conversion symbolique, dĠune actualisation signifiante de ses
forces. De mme quĠen amont, nous pourrions voir lĠaccs la valeur dĠusage
comme une vritable dvaluation symbolique
de la monnaie. Faisant cho cette dvaluation symbolique de la monnaie,
Blanchot voit dans le symbole devenu Òparticulier, ferm et usuelÓ sa
dgradation. La pense dĠune nergtique du symbole, si elle est de mise dans
nombre de philosophies, trouve chez Maurice Blanchot, dans ce quĠil nomme
ÒlĠexprience symboliqueÓ11, une accointance des plus intressantes
avec le caractre de symbole de la monnaie. De plus, cette Òexprience
symboliqueÓ a trait ce que nous aurons dcrire des conceptions
batailliennes de lĠcriture, du corps, de lĠexprience extatique, tout comme elle
prolonge la notion de souverainet applique Sade. LĠexprience du symbole
signifie que, devant le symbole, nous devenons objet pour lĠobjet, quĠil y a
une inversion des points de vue qui confine une fusion du sujet et de
lĠobjet. L se voit esquiss tout un espace de lĠexprience. A la diffrence de lĠallgorie charge
de sens, Òle symbole ne signifie rien, nĠexprime rien, crit Blanchot. Il rend
seulement prsente - en nous y rendant prsents - une ralit qui chappe
toute autre saisie et semble surgir, l, prodigieusement proche et
prodigieusement lointaine, comme une prsence trangreÓ12. Il faut aussi entendre dans
cette prsence ce que Todorov entend par Òprsence
du symbolis dans le symbolisantÓ13. Il confre aux travaux de
Lvy-Bruhl sur les usages primitifs du symbole. ÒLe symbole est senti comme
tant, de quelque faon, lĠtre ou lĠobjet mme quĠil reprsente, et
ÒreprsenterÓ prend ici le sens littral de rendre actuellement prsentÓ14. Gestes, objets, et mots
jouissent de cette capacit de prsentification et dĠactualisation du symbole,
et, ainsi que le fait remarquer Todorov, la dnotation tant proche de la
symbolisation, lĠÓexemple privilgiÓ de cette acception du symbole en est le
nom propre.
Les noms
propres dans lĠoeuvre de Maurice Blanchot cristallisent des actions, des
processus, et des visages changeants. Si, en terme de procs et de puissance,
le nom dissimule la force ngative du dsastre, les concepts (et notamment
celui de ÒdsastreÓ) nĠapparaissent que dans un second temps du dveloppement
de la pense de Blanchot. Les noms (et, pourrait-on dire, lĠexprience du
nom) prcdent
lĠinstitution des concepts. Le nom propre sera effac, et par la puissance mme
qui lĠinvestit. Le nom propre - mais cĠest un mot - nourrit en lui son principe
de dsastre. Ce qui a lĠaspect de la prservation, dans la rptition du nom,
est ce qui subit la plus grande affection. Du dsastre, il nĠy a pas
dĠexprience15, moment du fragmentaire dsolidaris de
la phnomnalit, et cĠest ce qui chez Bataille y rpond par un excs de
phnomnalit, par lĠexprience, et la pense mme de lĠexprience. Chez
Blanchot, le ÒdsastreÓ apparat dĠabord comme la rigoureuse antithse du
concept, et de la possibilit mme du langage. Mais avant de sĠimposer de lĠextrieur,
de la crise, de lĠvnement, la figure du dsastre est volont, primitivement :
chappe hors de la totalit donne des tres, des mots de la langue, de
lĠoeuvre. Le dsastre est une ÒpuissanceÓ contracte dans la plus radicale
intimit de lĠhomme, de celui qui sĠenferme et sĠisole dans lĠespace
intermdiaire de la fiction de soi. Le subterfuge, le simulacre nĠest ainsi pas
dissociable de la coupure dĠavec le monde. Dans un espace soumis ses propres
dterminations, aux conditions de sa temporalit propre, la pense se retire,
ainsi que pour Bataille la pense quitterait la tte et sĠexilerait dans lĠune
des parties du corps, mais emportant toujours avec elle le dsastre sans visage
que la totalit des existences assumait dans les manifestations du neutre. Ce
retrait, cet enfermement, nĠaffirme pas la stabilit dĠune identit soi, ni
un rapprochement de lĠtre, ou dĠune intriorit salvatrice : il est la
condition dĠun anantissement de soi. Ici, pas dĠassomption dĠun moi suprieur
(le crateur, lĠauteur...) ou dĠune intriorit triomphante, mais une
consomption : seule une totalit consomptive peut succder au retranchement de
lĠipse, un premier dmembrement de la continuit des tres, de la continuit
fallacieuse dĠune subjectivit quelconque. Chaque mot porte le dsastre tel la
menace de contamination par le neutre. Le mot la semblance de cadavre ne
rsume pas toute la promesse du fragment : galement promesse de recouvrer la
force dĠun verbe. Nous ne pouvons pas ne pas reconnatre dans la figure du
dsastre la marque de la faute, du mal et de son conomie, la logique de ses
dplacements. Une faute oprative qui, transmise de forme en forme, de mot en
mot, va sĠintensifiant. Le poids du mot seul est la christianit le poids de
la chute adamique ; comme la souillure, lĠonction qui revt dĠun voile
imperceptible le mot, le geste... Dans cette perspective, toute oeuvre en est
dsormais souille. Mais cette ÒmarqueÓ (qui nĠen est pas une) dpossde
lĠhomme et lĠoeuvre qui le prolonge de toute espce de marque, de masque,
dĠipsit. Le plus discret et le plus puissant accident que rencontre une
substance - le dsastre, Òsouverainet de lĠaccidentelÓ16.
La
monnaie ou le symbole, unit brise : ÒLĠanneau, la pice dĠargent, la tessre
briss, dont je garde une moiti par devers moi, cĠest dj le signe du signe -
lĠattente de la rencontre qui refasse lĠunitÓ, crivait Pierre Emmanuel dans
ÒLa considration de lĠextaseÓ. La diffrenciation apparat telle un mouvement
de rejet, pour lĠunit lĠexpulsion dĠune part de soi comme dchet, mais elle
est dĠabord la simple scission de lĠunit simple. Elle est aussi le mouvement
par lequel une figure se dcline.
Ainsi en
va-t-il de la monnaie, cercle oculaire argent et valeur fluente, image
circulante, dans lĠHistoire de lĠoeil. Auto-engendrement insparable de la
diffrenciation de soi, le mouvement dcoulant dĠun mot, dĠune pense, marque
lĠentre en rcit de cette pense, dĠun vnement, dĠun ÒpointÓ, et, plus
profondment, lĠentre dans lĠhistoire dĠune figure originaire. Dans ÒLa
mtaphore de lĠoeilÓ17 , Roland Barthes attire notre attention
sur les dclinaisons du mot et de lĠobjet ÒoeilÓ ; un Òparcours mtaphoriqueÓ
o ÒlĠOeil la fois permane et varieÓ. Les noms substitutifs de lĠoeil
sĠgrnent avec la varit des usages. Ce filage mtaphorique fait entrer
lĠoeil, le soleil, la glande, lĠoeuf, la tache (lĠonction)... dans une double
circulation mtaphorique : dplacement et substitution de lĠoeil, et de
ÒlĠinonderÓ(pleur, panchement, perte et liqufaction). ÒLes diffrentes
stations de la double mtaphoreÓ dterminent le rcit, mais ce nĠest pas un
rcit, Òft-il thmatiqueÓ18 . CĠest cependant la mtaphore file qui
double lĠnonciation narrative de la reprsentation dĠvnements dĠun autre
dveloppement, tandis que cĠest la mtonymie quĠincombe la fonction
dĠoprateur de lĠchange des images, de la confusion des substances. Barthes
exprime par Òcontagion gnrale des qualits et des actesÓ19 le croisement des deux chanes
mtaphoriques. La variation mtaphorique de lĠobjet, du mot, la faon quĠont
des ÒcontenusÓ de se Òverser les uns dans les autresÓ sont le mouvement,
lĠhistoire de la pense mme de Bataille. Alors que la notion de ÒfictionÓ
sĠapplique usuellement au rcit, cĠest aussi dans le mot lui-mme - dans le
concept - quĠil nous faut reconnatre un Òtre de fictionÓ, gros dĠun rcit
irreprsentable. Reconnaissons dans le mot comme dans le nom propre la charge
dĠune scne oublie, dplace. Barthes
note galement que Òla migration de lĠoeilÓ cause les variations des usages du
ÒvoirÓ20. Le statut allgorique du rcit qui inscrit lĠoeil dans une quasi-prosopope
fait de lĠorgane un symbole, et tel, symbole de la vie de la pense et symbole
de lĠexprience.
Force et
valeur de prsence ne sont pas le privilge du symbole, loin dĠtre pour
Bataille un mot pris, il tmoigne cependant de lĠambivalence du code, de la
contextualit dĠune langue, et de la trace dĠune nigme intrieure, dĠune
subjectivit laquelle le symbole impose un miroir faillible. LĠpaisseur
smantique du symbole doit la prgnance dans le langage dĠune communaut. Et
cette dimension du symbole de lĠimposition dĠun ordre des significations - une
symbolique - est aussi la dimension de la valeur communautaire du symbole,
toujours garante de la possibilit de communiquer. Dans LĠoblisque 21 ce sont bien des symboles qui
sont grens, chargs dĠune autorit et dĠun rayonnement subjuguant le Òmonde
civilisÓ : Òla place publiqueÓ, ÒlĠoblisqueÓ, Òla pyramideÓ, Òla croixÓ, ÒlĠchafaudÓ,
et, respectant la continuit prescrite par Bataille, au mme niveau : Òla mort
de DieuÓ, Òle mystreÓ, ÒHegelÓ, ÒNietzsche-ThseÓ; le nom propre et le
monument ont la mme paisseur, la mme opacit. Et, si nous tentons de
circonscrire ce qui rend une oeuvre ncessaire, ce qui fait figure de ligne
directrice constante, tant du point de vue esthtique que dans la pense qui
environne cette oeuvre ou la fconde, il semble quĠil aura toujours t
question pour les protagonistes du groupe Acphale et du Collge de Sociologie,
de manire collective et individuelle - pour Bataille, Caillois, Masson,
Klossowski, Leiris (dĠune Athologie
au Sacr dans la vie quotidienne) - de crer une mythographie moderne,
mais une mythographie arme de sa propre puissance critique contre les
instruments et les ples de la mythification. Si une pense primitive et
sauvage peut voir le jour, cĠest sous la forme - sous les formes - dĠune mythographie. Si le mythe peut se dfinir
comme une parole collective et une histoire inoubliable, une mythographie moderne ne
nat que dĠune pense totalisante de lĠhomme et du sacr. Une mythographie
sauvage doit sĠancrer, sa source, sa fin, dans un commun tous, mais une criture du mythe
trouve son sens et son efficace dans la rptition et le simulacre ritualiss
dĠune tradition, dĠune archacit, dans lĠimaginaire communautaire dĠune ultima
fama - cĠest sa force de loi. Elle doit mettre en pese et en circulation ÒsaÓ
monnaie. Roger Caillois disait que la force de la croyance et de lĠadhsion au
mythe interdit lĠide dĠarbitraire du mythe. CĠest la force de loi du symbole.
Mais laissons le symbole selon ses usages fiduciaires (le ÒsymbolismeÓ, la
contextualit dĠune langue...) pour une autre varit de son statut et de sa fonction,
une Òexprience symboliqueÓ, le symbole comme exprience. Le symbole, n de la
ncessit dĠexhiber des plaies, les traces dĠun passage. Plaies du supplici,
enfant plaie vivante n de lĠindiffrenciation de la copulation. Le symbole est
aussi le moyen dĠintgrer une filiation mythique, de se dgager de la parentle
du nom, de lĠassujettissement de la gnalogie et de lĠorigine.
ÒLe symbole est une forme
sensible qui se reprsente elle-mmeÓ22, crit Denis Hollier. DĠaprs
Hegel, symbolique se dit dĠune oeuvre destine Òrunir les peuplesÓ, telle la
Tour de Babel. ÒEn quoi cette destination est-elle immdiatement prsente,
immdiatement reprsente dans la matrialit de la tour ?Ó23 . LĠinterrogation de Hollier
aboutit en la distance qui spare une symbolique de forme ÒpureÓ dont parle
Hegel et la fonction dĠun symbole. Sous-entendu : un langage des formes (une
smantique de la matire et de la forme) serait idalement adquat la
fonction de signification dĠun symbole24.
Le symbole
se dfinit comme unit de langage de la communaut, et unit participative.
Eliade insista sur les fonctions du symbole religieux ; lĠÓexpression
simultane dĠune multiplicit de signification, solidarisation avec le Cosmos,
transparence lĠendroit de la SocitÓ ; ÒToutes convergent vers une fin
commune : lĠabolition des limites du ÒfragmentÓ quĠest lĠhomme au sein de la
socit et au milieu du Cosmos et son intgration (moyennant la transparence de
son identit profonde et de son tat social ; grce aussi sa solidarisation
avec les rythmes cosmiques), dans une unit plus vaste : la Socit,
lĠUnivers.Ó25 Participer, dans un sens hrit de
Lvy-Bruhl, cĠest--dire : pallier Òune discontinuit dans lĠexprience
religieuseÓ26 par le symbole o lĠhomme se rend ÒsolidaireÓ
de la sacralit, de lĠunivers. Signes matriels, mdailles, figures voquant un
objet, un tre, doivent leur puissance et leur autorit la prsence en eux (et susceptibles
dĠextriorisation) de ce quoi ils rfrent. Les symboles sont pour Eliade solidaires
des Òsources profondes de la vieÓ, dĠun ÒvcuÓ27. Comprendre le symbole, cĠest
soi-mme ÒvivreÓ lĠouverture aux dimensions cosmologiques du symbole ; cĠest
Òparticiper - bien que dĠune manire mdiate - au sacrÓ28. L-M. de Saint-Joseph dfend
dans le symbole la proprit dĠÒactualiserÓ lĠexprience, proprit qui excde
selon lĠauteur la rhtorique29.
Quand Freud
emploie dans ses premiers crits le concept de Òsymbole mnsiqueÓ
(Erinnerungssymbol), il entend dsigner la prsence et la persistance Òdu
traumatisme pathogne ou du conflitÓ30 sous forme dĠÒinnervation
motrice irrductibleÓ ou de Òsensation hallucinatoireÓ rcurrente. Ce concept
sera plus tard recouvert sous lĠacception de Òsymptme hystriqueÓ. ÒAilleurs
Freud compare le symptme hystrique aux monuments levs en commmoration dĠun
vnement ; cĠest ainsi que les symptmes dĠAnna O. sont les Òsymboles
mnsiquesÓ de la maladie et de la mort de son preÓ31. Ds lors, le symbole a la
matrialit dĠun corps, dĠune altration du fonctionnement (mtabolique), voire
dĠune altration tissulaire, ou la phnomnalit dĠun donn perceptif, et dĠune
sensation. Il jouit de ralit, mais tout autant quĠil traduit une ralit qui ne parat plus en tant que telle, en tant
quĠvnement. Le symbole cristallise en lui une phnomnalit, une exprience :
le traumatisme. Et il induit une exprience : lĠhystrie. Mais cette relation,
cette temporalisation du symbole, ne permet pas que lĠon y reconnaisse de
relation de causalit32. Dclarer un signe muni dĠoprativit,
cĠest tenir soi-mme un discours fantasmatique o le dsir connatrait la
satisfaction de remodeler la ralit, imaginairement ou effectivement, mais
cela, avant le discours dĠun dsir impratif, appartient un inconscient du
symbole, de mme que le symptme induisant la pathologie est une version (qui
dissout la causalit du symptme, et donc le sens de lĠtiologie) de
lĠinconscient du signe. Le symptme est reprsentation, sa lecture lĠest tout
autant (mais la lecture en propose un rcit) : tous deux sont interprtation
par laquelle un vnement, ou une absence dĠvnement, un manque, sont
complts et prolongs. Cette extension revient un investissement de
signification prenant en charge une part absente, une origine manquante : elle
est symbole. Mais encore, si le symptme est reprsentation - manifestation, et
dplacement - dĠune source pathogne intrieure, non localisable, cĠest le
corps entier qui est symbole. LĠopacit du symbole ne doit pas en ce cas
lĠpaisseur du code, de la contextualit contraignante dĠune communaut, mais
la prsence dont la signification fait dfaut. DĠune dynamique du symbole
(celle de lĠemblme o nous Òsymbolisions le symboleÓ) nous passons une
nergtique du symbole.
Dans La
naissance de la tragdie,
Nietzsche voque la dgradation apollinienne dĠune unit primordiale laquelle
lĠartiste dionysien a su dĠabord sĠidentifier. Entre lĠartiste dionysien et
lĠartiste apollinien se creuse lĠcart qui spare identification et reprsentation, souffrance et symbole. ÒSans le secours dĠaucune image, le
musicien dionysien est lui seul et lui-mme la souffrance primordiale et
lĠcho primordial de cette souffranceÓ33... ÒCe reflet, sans image ni
concept, de la souffrance primordiale dans la musique, par sa dlivrance dans
lĠapparence, produit maintenant un deuxime reflet, comme symbole ou exemple
particulier. Dj lĠartiste a abdiqu sa subjectivit dans le processus
dionysiaque : lĠimage que lui montre prsent son unit avec le coeur du monde
est une scne de rve qui symbolise perceptiblement la contradiction et la
souffrance originelles, en mme temps que la joie primordiale de lĠapparenceÓ.
LĠinfluence apollinienne porte dans la Òvision symbolique rveÓ quĠelle
prodigue. LĠendormissement est propice lĠexhaustion du pome, Òtincelles
dĠimagesÓ, par lĠintervention dĠApollon. Or le musicien dionysien doit se
passer de la mdiation des images, comme reprsentations. Il doit se dfaire de
la ÒcolorationÓ dĠÒun monde dĠimages et de symbolesÓ. LĠart plastique et lĠart
pique se protgent Òcontre la tentation de se confondre et de fusionner avec
ses figures, de sĠidentifier elles dĠune manire absolue, - les images du
pote lyrique, au contraire, ne sont autre chose que lui-mme, et, en quelque
sorte, seulement des objectivations diverses de lui-mmeÓ34 . Il peut dire ÒjeÓ et assumer
cette position, ce ÒMoiÓ tout diffrent du Moi plong dans le monde diurne.
Seul le Moi de lĠartiste dionysien - Òcentre en mouvement de ce mondeÓ - a la
vision de son propre anantissement, et la capacit de le raliser. Le Moi
dionysien aurait pour symbole le moi diurne
et mondain, de la mme faon que le pome, le tableau sont symboles de la
musique, distance thtique et reprsentative altrant, transformant sa source musicale.
Mais, de lĠautre ct, la souffrance primordiale serait la face cache du
symbole apollinien. La prescription de lĠaphorisme 526 dans Aurore est la
suivante : ÒNe pas vouloir servir de symboleÓ ; elle condamne la solidit
diurne de la personne du prince, qui nĠest que dissimulation, qui ne peut
sĠanantir, dpendante dĠune contrainte de signification. Son propre vouloir, ses
propres dsirs sont des interprtations et des cristallisations dĠun dsir,
dĠune volont (impersonnelles) plus amples que leurs objets, plus amples que
lĠhomme en qui ils prennent source. Le symbole tel quĠil est critiqu par
Nietzsche doit tre converti dans une symbolique suprieure, une symbolique
(une symptmatologie? une tiologie?) de la force de la musicalit, de la force
du mouvement et du changement. Pour Nietzsche, la musique qui lie la multitude
et la subjugue est la musique qui traverse le corps et remue les entrailles ;
le jugement de beaut dpend dĠune question de force, pour un individu ou pour
un peuple. Les Òchoses problmatiques et terriblesÓ qui composent la tragdie
reviennent aux ÒfortsÓ35. Le jugement repose sur
lĠidentification, la participation lĠoeuvre, et sur la capacit dĠune oeuvre,
dĠune parole, dĠun geste attirer eux, en un point, une pluralit de
regards. Nous parlons dĠune oeuvre souveraine, dĠune oeuvre comme numen. Si le
symbole peut tre geste dĠintelligibilit, il pntre alors dans le rve du
fragment et de la monnaie. Dans le symbole comme concentration dĠautorit et de
puissance sĠallient un geste silencieux qui nĠappartient quĠ soi et lĠdifice commun de la tour de Babel, ou de la Concorde.
LĠipse.
LĠunicit
du moi, de la personne, doit tre mise en doute, sa racine. Notion
ÒpolariseÓ, ainsi quĠaimait dire Bataille des clefs conceptuelles par lui
dveloppes, de la souverainet, du sacr... La persona, masque de comdie et
de tragdie qui grossissait lĠartifice dĠun visage Ç tranger au
ÒmoiÓ È36 reut le sens ultrieur du masque Ò
travers lequel rsonne la voixÓ. ÒPersonaÓ, dans la postrit du prosopon grec, dsigna le Ònom
(nomen-numen) sacr de la gensÓ et Òdes personae, masques et noms, des droits
individuels des rites, des privilgesÓ. ÒPersonaÓ concernait les images des
anctres, masques, statues. ÒLa proprit des simulacra et des imagines est lĠattribut
de la persona
Ó.(...) ÒLe caractre personnel du droit tait fond, et personne tait aussi devenu synonyme de la vraie nature de
lĠindividuÓ. LĠesclave est quant lui priv de personnalit, de nom, de corps.
Au deuxime sicle, persona prend le sens de personne. ÒOn tend le mot prosopon lĠindividu dans sa nature nue,
tout masque arrachÓ37, mais on maintient lĠopposition entre
artifice et intimit, personnage et personne. Le christianisme marque le passage
de la notion de persona et dĠÒhomme revtu dĠun tatÓ la notion dĠhomme comme
personne humaine.
Or, que
serait une conscience dans lĠacception quĠen donnerait Bataille, sinon une
conscience en perte dĠelle-mme, et dont la raison dĠtre serait sa propre
perte ? Bataille se reprsenta cette conscience comme une tte, une tte
travaille du dedans par le ver dĠun oeil brlant, dĠun oeil pinal. Nous
parlions du nom recelant une pluralit de visages, mais cette composition
prfigure la nudit accomplie dans le dchirement du corps par ses ouvertures,
dchirement de lĠimago corporelle, dchirement de la personne.
La tombe du masque est lĠapothose du masque, succdant au jeu de dformations
grotesques, terrifiantes, parodiques, cĠest lĠapprofondissement de lĠimage par
ses orifices.
Toute
conscience serait ainsi compromise en tant que totalit. Pour Bataille, une
tte humaine ne saurait se passer de ses orifices dfinitivement ouverts. On ne
peut pas fermer les yeux ainsi que nous y invite la prescription de toute
mystique traditionnelle. La tte, en dpit de son dsir de se clore, demeure ouverte.
Bataille
dfinit une existence dont la totalit est rompue par tout ce qui affecte le
moi et nul autre que soi. Le moi comme totalit sĠouvre sur la blessure qui
sĠouvre en tout autre. La blessure est ici ce qui fait vnement : la blessure
dans lĠautre a toujours dj eu lieu, et cĠest parce que la blessure sĠest
ouverte en lĠautre que la possibilit dĠune rupture de la totalit est toujours
rappele au moi, au point o la totalit vise devient improbable. Mais,
improbable, cette totalit perdure lĠtat de promesse ; totalit promise,
donc, et jamais conquise. La totalit ne semble tre justifie que par
lĠavidit dĠtre telle totalit ; le moi, par lĠavidit dĠtre moi. Le moi
sĠtablit sur la succession hasardeuse dĠvnements et de conjonctions dont le
point unique et aveugle constitue la cause improbable dĠune venue au monde.
Cause originaire laquelle le moi est arrim par le dsir, par ce mme dsir
de totalit et de mort qui veut faire du moi un cercle clos, et une tte
souverainement apaise par la fermeture de ses orifices. Le moment improbable
de la conception ayant eu lieu, le moi qui se construit depuis ce point y est
sans cesse ramen par un dsir dĠunicit et de totalit, unicit et totalit
qui ont prsid la naissance du moi dans la rduction des multiples possibles
une improbable conjonction.
LĠimpratif
dĠtre Òmoi et lĠangoisse de ce moiÓ38 sĠexprime selon deux tendances
essentielles. Tendance et adhsion au moi, resserrement des possibles sur le
point, lĠajour, comme ajour dĠune totalit. Secondement, tendance
lĠimpossibilit du moi que lĠangoisse met en pril. Le travail de lĠangoisse
tend ici ouvrir le moi, ou lĠempcher de se refermer, donnant lieu un autre
ajour, ngatif, nuit poindre sur le fond de la totalit ajourante du moi.
Le moi
nĠest ainsi jamais pos, et lĠnonc de cette approche ÒngativeÓ du moi se
trouve empch, sa fermeture, interdite. Car, comme totalit, le moi se creuse
de son abme, et comme symbole, de sa face cache.
Bataille
nonce le Ç primat dĠun ÒcontinuumÓ È39 identifi lĠÇ tre
humain È conu comme ensemble homogne, communaut humaine que touche et
dtermine le point ultime de lĠexprience bataillienne, le supplice, lĠextase.
A priori, lĠexprience ÒprivilgieÓ ne sĠadresse pas pour autant une
position dĠlection, un seul homme (seul capable dĠencourir lĠexprience).
LĠhomme ne se distingue pas comme sujet de lĠexprience de la totalit des
hommes. Il adopte, de faon intgrative, une intelligence ne repoussant pas la
ÒsottiseÓ hors de ses limites, et qui reconnat en elle tout ce quĠest lĠhomme.
LĠnonc ÒLĠessentiel est inavouableÓ est rig en principe, en un
ÒcommandementÓ impratif40 : ÒNĠavouez jamaisÓ lĠadresse de tous
les hommes dont les raisons communes Òde rireÓ sont ignores ou bannies par de
ce qui subordonne et tient en servage.
Bataille
oppose lĠhomme fragmentaire la totalit de lĠÒhomme entierÓ, tout en admettant
que chaque fragment promet un dveloppement infini. ÒLe problme essentiel
(...) est celui que Nietzsche a vcu, que son oeuvre tendit rsoudre : celui
de lĠhomme entierÓ41. Dans la succession des poques, des
peuples, qui ont tous Òquelque chose de fragmentaireÓ, crit Nietzsche dans la
Volont de puissance, surgit au hasard ÒlĠhomme total, pareil une borne milliaire
qui indique jusquĠo lĠhumanit est parvenueÓ, pareil un symbole numineux.
Bataille explique cette ÒfragmentationÓ par le Òbesoin dĠagirÓ, et la
spcificit du but adonn chaque activit, Òactivit subordonnant chacun de
nos instants quelque rsultat prcisÓ, et quoi Bataille oppose la libre
gnrativit de la plante. ÒLĠtat fragmentaire de lĠhomme est, au fond, la
mme chose que le choix dĠun objetÓ42 , associ la limitation des
dsirs, et cĠest alors que Òchaque moment devient utileÓ. La totalit
(insubordonne) a Òpour essenceÓ Òla libertÓ, mais la libert ne saurait tre
la vise dĠactions convergentes, et lutter pour elle, ÒcĠest dĠabord
lĠalinerÓ. LĠobtenir, ce serait ainsi la rapporter la Òconqute dĠun bienÓ,
tandis que la libert est pour Bataille lie au mal. Plus encore, une conomie
morale des affects fait place une conomie matrielle des affects. ...Òje ne puis acqurir, mais seulement
donnerÓ. Cet impratif prime sur les soucis du bien ou du mal. Et il scelle les
buts ultimes (libert, totalit...) dans leur inaccessibilit - lĠimpossible -. Le don entier ( lui seul, et la dpense, est accorde
la totalit) nĠa pas pour fin le bien dĠautrui. Sa seule raison est Òle dsir
mmeÓ, qui nĠest que dsir de brler. Le sentiment de la totalit nĠest pas
sentiment de la plnitude, mais dĠune brche ouverte signe plus certainement
dĠun videment, dĠun corps fini dont la blessure organise la liquidation, et de
lĠirralisable tanchit dĠun corps contre sa propre soif, soif en laquelle se
conoit lĠinnocence de la perte. ÒSi je veux effectuer ma totalit dans ma
conscience, je dois me rapporter lĠimmense, comique, douloureuse convulsion
de tous les hommesÓ43. ...Òme rapporterÓ, cĠest dĠune autre faon mĠidentifier la fresque bigarre de lĠhumain, cĠest dramatiser et intrioriser ce drame. ÒLa conscience dĠune totalit immanente se
fait jour en moi, mais comme un dchirementÓ. Une exprience de la totalit est
exprience de lĠabme dchirant que la totalit nourrit en elle ; cette
exprience est ÒfolieÓ. De la faille en laquelle le ÒbienÓ, le ÒsensÓ, lĠordre
sont abolis reflue la surface de lĠhomme lĠinstant immotiv, dchet de la
conscience, dchet de la raison44 .
Le symbole
de lĠhomme total - de lĠHomme - est une totalit fle, de par la nature mme
du symbole, et celle de toute totalit dans le monde de Bataille ; fle par la
blessure du partage prcaire du cach et de lĠapparent. Des bruits, des images
tressent un fil traversant la blessure, lĠlargissant peut-tre jusquĠ
lĠvidence dĠun symptme. Le sommeil est propice au rveil la face du symbole
( la valeur cache de la monnaie) de lĠhomme quĠest lĠanimalit. ÒMes animaux
sont veills, car je suis veillÓ, dclare Zarathoustra, alors que les hommes
suprieurs dorment. En lui sont veills les ÒinstinctsÓ, affects, tendances
ayant conquis lĠautonomie de leur corporit dans la corporit de lĠhomme,
auxquels il peut dsormais faire face sans vanouissement, sans dmission de la
conscience. Une telle assomption des deux versants de lĠhomme, des deux faces
du mme symbole, est pour Bataille lĠimpossible : centaure, ou satyre, lĠhomme
total est le monstre, le refus de toute ligne, htrognit manifeste
marquant la dissolution de toute forme, de toute corporit.
Bataille
met en vidence un Òprincipe dĠinsuffisanceÓ Ò la base de la vie humaineÓ45 ; Òle caractre composite des
tres et lĠimpossibilit de fixer lĠexistence dans un ipse quelconqueÓ46. LĠhomme se prsente tout
dĠabord comme une particule sans ipsit : ÒCe quĠon appelle un ÒtreÓ nĠest
jamais simpleÓ47. La complexit du vivant garantirait
lĠhomme lĠipsit, et lĠipsit, la stabilit, mais lĠipse sĠy gare : la
complexit est vcue comme de lĠintrieur dĠun labyrinthe. A la diffrence des
tres monocellulaires se reproduisant par scissiparit, lĠhomme au contraire
est Òlui-mme (ipse)Ó48. Les tres scissipares sont incapables
dĠencourir la moindre diffrenciation, la moindre altration de leur forme
simple. En lĠhomme, la complexit vivante peut tre leve une totalit
unitive : lĠipsit49. Mais toujours lĠipsit se perd :
lĠerrance dfinit un dplacement du centre - centre du corps, centre de la
pense, centre en tant que moi, ou point-objet extrieur soi - dans le ddale
du corps, ou du Òcontinuum des tresÓ. Les tres scissipares sont des
Òapparences fugitivesÓ, sans dure. LĠipse est une apparition dont les mots seuls
perdurent. Denis Hollier a mis en parallle le labyrinthe de lĠtre humain et
le labyrinthe des mots. ÒLe langage est la ngation pratique du solipsismeÓ50. Le langage, dcentrement de soi
par autrui et par le projet, entrane lĠipsit sa perte, et le langage est
objectivation de cette perte, objectivation par laquelle le ddale devient
pyramide51.
La
diffrence entre tre scissipare et tre humain est comparable ce qui spare
lĠinstabilit, la dure de vie phmre des particules lmentaires (proton,
neutron, lectron, mais ceci concerne pleinement les particules subatomiques)
de lĠunicit de lĠatome. ÒIl nĠy a quĠune seule matire homogne, crit
Heisenberg, mais celle-ci peut exister sous divers tats discrets et
stationnairesÓ52. Dans un continuum matriel, lĠunicit
simple dĠune particule stable (mme sĠil sĠagit dĠatome) est encore un tat -
un tat du continu -. De l, une correspondance sinon une quivalence de lĠun
et du continu renvoie aux problmes de lĠatomisme antique. Dans lĠatomisme de
Dmocrite et de Leucippe, le pluralisme des atomes fait apparatre par
consquence le vide hypothtique entre les atomes, assurant le partage de la
matrialit et le ÒsolipsismeÓ de lĠatome. Mais ipsit et continuum ne se
distingue pour Bataille quĠen tant que lĠipsit est unit simple, Òunit
fuyanteÓ dĠune singularit phmre. ÒDĠune particule simple lĠautre, il nĠy
a pas de diffrence de natureÓ53.
Mais il est
aussi question pour Bataille de se rendre lĠinstabilit de la scissiparit,
et ainsi, la chance. Le pur changement du moi le prive ÒdĠexistence relleÓ54, et ÒlĠimprobable venue au
mondeÓ55
accuse ce qui unit moi et fragment, moi et dchet. LĠapparente verbalit active
trouvant son marquage dans lĠquation Òmoi=qui=meurtÓ56 dnonce encore une circularit
infidle la ralit du temps, de la mort dlivrant de ÒlĠirralit dĠun
moi=qui=meurtÓ. LĠtre, comme verbalit, y est drob ; verbalit sĠtendant
la phrase dont les contenus Òse versent les uns dans les autresÓ, abolissant la
stabilit de son noyau prdicatif. CĠest ainsi la pente du sens vers le continu
du non-sens - diffrent du continu des tres - qui achve la conscience.
Avec
Blanchot, la parole de Thomas lĠObscur Òje pense donc je ne suis pasÓ est
lĠanticipation dĠune exprience espre de dpossession de soi, dĠune
dpossession accoucheuse de pense. CĠest une parole de dsir. Bataille
reproche Descartes dĠavoir sacrifi la Òconnaissance discursiveÓ et au
ÒprojetÓ lĠintuition premire dĠun Òmouvement dĠespritÓ, dĠun Òmouvement de la
penseÓ analogue, dans lĠessence mme, Dieu57. Le cogito qui inclut en lui
lĠimmdiatet et la clart du fait - du fait dĠtre (le Òfait dĠtreÓ est un
autre nom de lĠexistence) - affirme (mais nĠimplique pas) lĠexistence quĠen
tant que Òje penseÓ affirme ÒmonÓ existence. Penser est ici une activit (dans
un engagement personnel de la pense) comprenant la vrit et lĠerreur, et non
le rsultat de la pense quĠest la vrit. La substance de la pense est la
substance de lĠego, mais la condition dĠune mise en doute de la permanence et
de lĠindubitabilit de toute substance. Nietzsche ne substantialisait en un
sens que des ÒeffetsÓ, des ÒactesÓ, quĠune activit tensive de la pense et de
lĠindividualit58. Bataille rappelle la reprise de la
position de saint Anselme dans le discours de Descartes : la perfection divine
assigne ipso facto Dieu lĠattribut de lĠexistence. Eckhart commenta lĠÒego
sumÓ du Òego sum qui sumÓ en tablissant lĠquation de lĠessence et de
lĠexistence, que lĠessence de lĠEtre de Dieu est dĠexister. ÒJe suis celui qui
suisÓ interdit a priori la sortie de soi de la substance, la verbalit qui le
dfinit en le voilant enclt la Dit dans le mouvement ferm dĠune circularit
rflexive. Dans la circularit du Òmoi=qui=meurtÓ, le ÒmoiÓ dans son rapport
mme la mort sĠest dj drob. Dnotation rejetant le point substantiel
dĠnonciation hors de tout nonc, hors de toute apprhension humaine, la
signification de cette parole se perd en une nue. CĠest de cette faon que le
dpouillement eckhartien le rend libre de Dieu comme de lui-mme : il annonce
la divinisation hors temps du je, lĠexprience totalisante de lĠipse59. Le cercle de la Dit
eckhartienne sĠtablit dans lĠquilibre dĠun approfondissement infini,
centripte, orient vers un Òfond sans fondÓ, et une gnrativit centrifuge,
expansive. Nous retrouvons cette structure en paradigme chez Bataille dans la
polarisation du ÒjeÓ en lĠangoisse (dfaut dĠaction) abyssale qui ouvre le fond
de lĠipse, et la prodigalit du don et de la perte qui dissout les limites du
corps, et de lĠipse. Et cĠest lĠipse qui chez Bataille met en question la
substance, lĠautarcie prcaire de la substance comme sujet.
LĠipsit
dtermine un atomisme du corps et de la pense, une ide corpusculaire du
corps, dĠune existence, dĠune cellule. Entre complexit et unit simple, lĠipse
est Òcomplexit lmentaireÓ, unicit (immanente la complexit), et
ÒsymboliseÓ par une entit60. A la fois principe dĠunicit et
principe dĠindividuation, lĠipse peut tre conquis, il peut rsulter de
lĠisolement dĠune particule du continu. ÒLĠhomme est une particuleÓ61 et, en tant que tel, son
commandement est Òje veux porter ma personne au pinacleÓ. LĠipse, mme
composite, se veut un et tout : il veut la transcendance. LĠachvement que
conoit Bataille (devin en Hegel) est lĠÒipse devenu toutÓ62 mais cette volont mme nous
devance et nous gare. Cet effort dmesur accuse le tragique et le risible de
lĠipse, car le ÒsommetÓ est pour lui inatteignable. LĠhomme tant ipse se pose
pour lui le problme dĠatteindre lĠuniversel, mais la recherche de sa
suffisance, il ne peut cependant touffer tout--fait lĠinsuffisance qui en lui
appert et lĠattire. La totalit symbolique de lĠipse, du Òschma rgulateurÓ de
la souverainet, nĠaboutit quĠ un point ultime de conflit avec sa part
interne, ombreuse ; lĠhybris, dans la saturation du dsir et de la volont.
LĠipse doit
finalement ÒcommuniquerÓ, sĠexproprier de sa volont, et Òne plus se vouloir
toutÓ63.
Blanchot voque
le Òdsir du moiÓ - Òdsir mtaphysiqueÓ - de sĠunir avec Òce quoi lĠon nĠa
jamais t uniÓ64, dsir impossible, dsir de lĠimpossible
et ÒlĠimpossibilit qui se fait rapportÓ(ibid.). Le moi spar, Òheureux de sa
sparation qui le fait moiÓ, se veut tout. Bataille crit : ÒLe dsir a pour
objet : une suppression des individus (des autres); pour chaque individu,
chaque sujet du dsir, cela veut dire une rduction des autres soi (tre le
tout). Vouloir tre le tout - ou Dieu - cĠest vouloir supprimer le temps,
supprimer la chance (lĠala)Ó65. LĠavidit du moi - avidit
mlancolique, serions-nous tents de dire - expose le moi lĠencontre dĠune
plnitude, comme remplissement et comme enveloppement , et il faut la personne le
ÒpinacleÓ pour sĠy affronter, la forme du concept, du symbole dans sa fonction
de conscientisation dĠobjet, symbole ncessaire dans une rencontre du vide sans
mots, sans images. Il faut disposer dĠun corps contre la contagion dĠun corps
tranger ingr, il faut la dmesure, lĠnergie un corps fini en lequel
sĠpanouir.
La
difficult consiste pour lĠipse vivre lĠalliance de mouvements dont le
conflit sĠaccrot la mesure du dsir. Le mouvement centripte qui, tout en le
maintenant dans lĠtroitesse dĠun corps, le creuse et lĠincite se perdre en
lui, sĠeffondrer sur soi. Le mouvement centrifuge dans lequel on reconnat
immdiatement un mouvement de perte o lĠipse sĠidentifie dĠabord la
prodigalit de sa chaleur et de son rayonnement, puis, rayonnement lui-mme, sort
de lui-mme. Par cette rythmicit, le corps ruine ses possibilits de rserve.
LĠipse
possde un corps, mais dont les membres sont Ò peine diffrents dĠun tre
possdant lĠunitÓ66. CĠest ce fragment dĠun corps qui,
devenu ipse, mergerait du tissu unitif dĠune organicit afin dĠaffirmer sa
ÒvolontÓ propre, son existence, et aspirerait son tour la totalit
uniciste dĠun corps nanti dĠune pluralit de fragments.
LĠipsit
semble devoir dfinir lĠunicit (prolongeant le sens donn par Bataille ÒlĠunicismeÓ
du hros sadien). ÒJĠai crit pour ma part ipsit
dans le sens du dictionnaire de Lalande, cause dĠune quivoque sur
lĠindividualit - identique en tous points, cette mouche-ci pourtant nĠest pas
celle-lÓ67.
Unicit reposant, suivant lĠexemple de Bataille, sur un principe de
non-congruence et, suivant les dveloppements de lĠipse, sur un principe de
distinction par la conscience - et par une conscience de soi -. Deux points
attirent notre attention quant au sens et lĠimportance du concept dĠipse dans
le langage bataillien : 1/La question de lĠunicit (de lĠipsit) de la
particule sĠadresse la partie (lĠorgane, et le dchet) dans un corps,
lĠhomme parmi les hommes, au fragment dans le livre. 2/ Le centre (ipse quand
il se rapporte au ÒmoiÓ, au ÒpointÓ...) peut se dplacer dans le corps et dans
le continuum des tres, ce dcentrement rvlant la possibilit de lĠextase
(ainsi quĠil serait question dĠun dcentrement de la vie dans la chevelure,
dans un organe, en un point-objet hors de soi). Denis Hollier a propos
dĠapprhender chaque entre du ÒdictionnaireÓ bataillien comme une Òextraction
lexicographique dĠorganesÓ68. Peut-on envisager une cartographie du
corps isomorphe une cartographie de lĠexprience ? A la faon de Joyce, dans Ulysse, o le plan de Dublin est doubl
dĠun plan organique distribu en organes qui sont autant des lieux, lĠHistoire
de lĠoeil dans laquelle Barthes a dcel le rcit dĠun objet et dĠun mot peut
aussi laisser voir le ÒplanÓ, la ÒcarteÓ dĠune exprience (itinraire
gographique, exprience temporalise par une succession dĠactions et
dĠvnements), et la mme double carte du corps, o lĠoeil est ce centre
ÒipselÓ toujours dcentr, toujours itinrant dans un monde de corps, et dans
un corps-monde.
O. Capparos
1 cf. aph. 252, in Le gai savoir, trad. H. Albert. Subsiste une ambiguit lie au ÒLieber schuldig bleibenÓ qui peut sĠentendre aussi comme Òmieux vaut rester coupableÓ. Il est nanmoins certain que Bataille a lu Nietzsche (outre en allemand) dans la traduction de Henri Albert. Pour ce qui est de la souverainet, cf. aph. 329 de Humain, trop humain /Opinions et sentences mles, intitul ÒSouvernittÓ, o la souverainet se signe par la reconnaissance et lĠacceptation des Òchoses mauvaisesÓ au nom dĠun principe de plaisir. Nous renvoyons ce quĠcrit Bataille de la solitude de Sade, et de la possibilit de la ngation dĠautrui en vertu de la loi imprieuse de la satisfaction et de lĠassouvissement.
2 in O.C. I, Gallimard, 1970.
3 O.C. I, Les monnaies des Grands Mogols au Cabinet des Mdailles , p.113.
4 ibid., pp.113-115.
5 O.C. I, Jean
Babelon , p.120.
6 ibid., p.121.
7 cit. par J.Babelon dans son article Numismatique , in Encyclopdie de la Pliade, LĠhistoire et ses mthodes , Gallimard, 1961, p.329, 332.
8 Cf. J.Patocka, LĠcrivain, son objet , P.O.L./Agora, 1990, p.44 : nemw est compris ainsi : Òje dcoupe, je partage et je distribue chacun la part qui lui revientÓ.
9 Aristote, cit. par J.Babelon in Numismatique , op. cit., p. 334.
10 P.Quignard, Une gne technique lĠgard des
fragments , Fata Morgana,
1986, p.43-44. ÒCĠest trop souvent le rve du petit tout, du petit morceau
blotti et envelopp sur lui-mme. De mme lĠarchasme formulaire du proverbe,
de mme lĠesprance de lĠaphorisme. ils taient lis au rve dĠautarcie et de
monnaie. Ils rvent dĠun petit cercle de mtal ou de voix valant jamais et
pour tousÓ.
11 M.Blanchot, LĠexprience symbolique , in Le livre venir , Gallimard, 1959, p.121. Il crit, p.122 : Òtout symbole est une exprience (...), un saut quĠil faut accomplir. Il nĠy a donc pas de symbole , mais une exprience symbolique Ò.
12 ibid., p.122. ÒLe symbole, sĠil
est un mur, cĠest alors comme un mur qui, loin de sĠouvrir, deviendrait non
seulement plus opaque, mais dĠune densit, dĠune paisseur, dĠune ralit si
puissantes et si exorbitantes quĠil nous modifie nous-mmes, modifie un instant
la sphre de nos voies et de nos usages, nous retire de tout savoir actuel ou
latent, nous rend plus mallables, nous remue, nous retourne et nous expose,
par cette nouvelle libert, lĠapproche dĠun autre espaceÓ. ÒCĠest comme si le symbole tait toujours plus
reploy sur lui-mme, sur la ralit unique quĠil dtient et son obscurit de
chose, par le fait quĠil est aussi le lieu dĠune force dĠexpansion infinieÓ.
13 T.Todorov,
Thories du symbole , Seuil, 1977, p.278.
14 Lvy-Bruhl crit encore : ÒLe maxillaire de lĠenfant mort en est pour la mre le ÒreprsentantÓ au sens fort, cĠest--dire, il en ralise la prsence actuelleÓ, cit. par Todorov, op.cit., p.278-279.
15 Cf. M.Blanchot,
LĠcriture du dsastre ,
Gallimard, 1980, p.184. ÒLe dsastre, exprience inprouveÓ...
16 M.Blanchot,
ibid.,p.11. La chute - la cadence, la chance - (Bataille a jou la polysmie du
latin cadentia, et de cadere (Cf. OC VI, p.85) : passage de lĠacte de
nomination des choses et des tres lĠautonomie de mots privs de la force de
la verbalit.
17 R.Barthes, La mtaphore de lĠoeil , in Critique 195-196 , 1963, p.771.
18 ibid., p.774.
19 ibid., p.776.
20 ibid., p.770.
21 O.C . I, p.501
22 D. Hollier, La prise de la Concorde , Gallimard, 1974, p.23.
23 D. Hollier, se rfrant Hegel (Esthtique , III), ibid., p.24. Hegel (Esthtique , IIe volume, Flammarion, 1979, p.251, Òla satireÓ) parle de lĠunion signification-forme o leur sparation est maintenue.
24 ibid., p.25 : Ò...il nĠest pratiquement pas question de symbolisme, mais de communaut humaineÓ.
25 M. Eliade, Trait dĠHistoire des Religions , Payot, 1964, p.378.
26 ibid., p.375. ...discontinuit lĠexemple de la sparation sacr/profane.
27 M. Eliade, Le symbolisme des tnbres dans les religions archaques , in Polarit du symbole/Les tudes carmlitaines, Descle de Brouwer, 1960, p.17;
28 ibid., p.27-28.
29 L-M. de Saint-Joseph, Exprience mystique et expression symbolique chez saint Jean de la Croix , in op.cit. DĠune tradition du symbole dans sa fonction religieuse et son lien lĠexistence, cf. Oracles Chaldaques , texte tabli et traduit par Ed. Des Places, Belles Lettres, 1971. Les fragments 108/109 des Oracles Chaldaques (op.cit., p.17) voquent les sumbola (que nous retrouvons dans Le Banquet comme moitis dĠtres coups par les dieux) ou sunthemata en tant que ÒsignesÓ attribus aux oracles. Le commentaire critique prcise la synonymie de sunthema et sumbolon, sunthema ayant t dcrit comme Òsigne imprim par Dieu sur toutes les natures raisonnables pour leur permettre de le reconnatreÓ. Selon Des Places, Òil peut sĠagir de ÒsceauxÓ qui remplissaient des statues creuses et les animaientÓ. Marius Victorinus dans ses lettres rend sumbola par ÒfigurationesÓ; Òcorrespondances magiques avec le monde intelligibleÓ(p.32). Dans cette perspective, et chez Victorinus, sont mettre en parallle la ÒsphreÓ, le symbole et le mode monadique de lĠtre en soi, qui se meut par soi et se tourne vers soi, dans son repos et sa batitude - dfinition de son ipsit.
30 J.Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse , P.U.F., 1967, p.474
31 ibid.
32 Cf. J.Lacan, Position de lĠinconscient , in Ecrits II, Seuil, 1971, p.204. ÒLe nachtrglich ou aprs-coup selon lequel le trauma sĠimplique dans le symptme, montre une structure temporelle dĠun ordre plus levÓ.
33 F.Nietzsche, La naissance de la tragdie (trad. J.Marnold, J.Morland, J. Le Rider),Robert Laffont, 1993, p. 49.
34 ibid., p. 50.
35 Cf. F.Nietzsche, Fragments posthumes / Automne 1887-Mars 1888 , textes tablis par G.Colli et M.Montinari, trad. P.Klossowski et H-A.Baatsch, Gallimard, 1976, p. 190.
36 M.Mauss, Une catgorie de lĠesprit humain : la notion de personne, celle de ÒmoiÓ , in Sociologie et anthropologie, P.U.F., 1973, p.353.
37 ibid., p.355.
38 O.C. I, Sacrifices , p.89.
39 O.C. V, Mthode de mditation ,p.195.
40 ibid., p.196.
41 O.C. VI, Sur Nietzsche ,p.17. ÒEn vrit, mes amis, je marche parmi les hommes comme parmi des fragments et des membres dĠhommes !Ó, crivit Nietzsche (in Ainsi Parlait Zarathoustra , De la Rdemption).
42 ibid., p.18.
43 ibid., p.20.
44 Cf. ibid., p.24 : ÒLa part du feu, de la folie, de lĠhomme entier - la part mauditeÓ.
45 O.C. I, Le labyrinthe , p.433-434.
46 ibid., p.435.
47 O.C. V, LĠexprience intrieure , p.110.
48 Cf. D.Hollier, La prise de la Concorde , op.cit., p.130.
49 LĠindividualit sĠaffirmant partir dĠune complexit vivante fut redfinie au moment o la mcanique ondulatoire mit en doute la dterminit et lĠunicit du corpuscule. ÒLĠindividualit est un apanage de complexit, et un corpuscule isol est trop simple pour tre dou dĠindividualitÓ, crivait M.Boll dans LĠide gnrale de la mcanique ondulatoire et de ses premires applications (1923), cit par G.Bachelard, dans Le nouvel esprit scientifique , P.U.F., 1991, p.132. Bachelard souligna que cette position tait partage par M.Planck, et P.Langevin auquel Bataille se rfre explicitement (cf. O.C. V, p.98).
50 D.Hollier, in op.cit., p.120.
51 Cf. ibid., p.132.
52 W.Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine , Gallimard, 1962, p.54.
53 O.C. V,, p.110.
54 O.C. V,, p.89.
55 ibid., p.90.
56 ibid., p.89-90.
57 O.C. V, LĠexprience intrieure , p.123-126.
58 Cf. S.Kofman, Nietzsche et la scne philosophique , 10/18, 1979, p.245.
59 Cf. A. de Libera, La mystique rhnane/dĠAlbert le Grand Matre Eckhart , Seuil, 1994, p.247.
60 O.C. V, LĠexprience intrieure , p.98.
61 ibid., p.100.
62 ibid., p.105.
63 cf. ibid., p.110 et 135.
64 M.Blanchot, LĠentretien infini , Gallimard, 1969, p.76.
65 O.C. VI, p.140.
66 O.C. I, p.436.
67 O.C. V, p.474.
68 D.Hollier, op.cit., p.143.