Connaissance des arbres
suivi de
la veillée
tache d’ombre où commence et s’éteint l’espace éclairé
le cratère rouvert jure par tous les noms
il jure et il crache et il vomit de sa bouche grasse
les noms que le désir a pratiqués
…si je peux t’embrasser et te fendre dans cette neige langoureuse, ce vif état du soir, si j’arrache un à un tes membres délicats… si les coups et la braise meurtrissent le bois frais, l’éclat de la bûche, du noyer, du tilleul l’artère solide de ce membre tranché
travail d’un arbre généreux : tailler dans le ciel ses veines combustibles
verdure de la chose, ouvrage entaillé, segment de nom |
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un point à peine visible affronte toute la nuit, parce qu’encore dans l’oeuf premier il ne peut être divisé ou trahi
la boue renonce à ton visage (il tolère ce qui lave sans souiller)
la sueur comme la pluie t’embellit jusqu’au sang
la méditation triste où va et vient un oeuf de feu dans ta chair tremblante - mécanique qui délaisse sa lacune éblouie |
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ces herbes ont vu grandir
l’animal chaud
ennobli par son poids
je marche dans cet herbier,
ce petit traitement du soleil
si peuvent s’accoupler dans nos mains
le végétal et l’animal, et tous les blessés
recuits du soleil, aventuriers d’hier…
(personne ne vient
j’interroge la souche grasse)
fer de limon
la hache repose noircie dans la roche et la terre opaque, nul regard pour en déterrer le reflet usé,
la coupe plate dans le laminoir et le creux minier, inquiet et soucieux de ce vestige en proie au linceul du couchant
bilan de chemins, longs chemins sous le soc du soleil descendant qui nous lacère
voilà je marche entre deux bordures fraîches des cheveux défaits de la terre où mes pieds crevassés sont des fouets
le désert stupéfié voit revivre l’eau défectueuse qu’il n’a pu détruire |
le repos est plus précieux que tout
pour la lame debout dans mon poing
plus précieuse la dormeuse
dans mon esprit
qui m’offre de laisser bas
mon corps de colère
la monnaie de pierre ensevelit la base,
multiple, jalon
pour tous ces corps ascendants
résurrection
la voie des arbres est une voie des images, une main, une bouche, des yeux tendus en pauvreté vers l’écorce font trembler un noyau nu
c’est un noyau dehors qui frappe au dedans à la source de nos étendues, de nos petits essais de tact
c’est renaître par ce chant de part et d’autre, de part en part fileté de nuit pour qui s’attendrit en pauvreté
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chanson de la mort en moi
la tête dans le trou, le hurleur des campagnes
le foie mange le coeur qui mange le sexe qui mange la tête
usure, vide, usure prédateur dans les yeux
…si j’exaltais ce soir tes viscères et tes dons en les élevant en trophées dégageant la fine substance de ton corps desséché vanité…
perplexité, pour nos sens recueillis l’étoffe est désormais acquise pour effet de nos nuits hivernales
chair épaisse chair lourde du tissu dans l’ombre duquel se tient ton regard
dans l’écorce foisonnante sous le doigt de soleil le tronc s’ouvre, le trou d’un abri comme un poing massif qui desserre son étreinte
ce silence provient d’une moisson de cris l’air était noir, vociférant brûlé il conduit à ce terme au vide, à ce temps de suspens sur la terre |
la tête dans le trou,
le hurleur des campagnes
le foie mange le coeur
qui mange
le sexe qui mange la tête
usure, vide, usure
prédateur dans les yeux
…si j’exaltais ce soir tes viscères et tes dons
en les élevant en trophées
dégageant la fine substance
de ton corps desséché
vanité…
perplexité, pour nos sens recueillis
l’étoffe est désormais acquise
pour effet de nos nuits hivernales
chair épaisse chair lourde du tissu
dans l’ombre duquel se tient ton regard
dans l’écorce foisonnante
sous le doigt de soleil
le tronc s’ouvre, le trou d’un abri
comme un poing massif
qui desserre son étreinte
ce silence provient d’une moisson de cris
l’air était noir, vociférant
brûlé il conduit à ce terme
au vide, à ce temps
de suspens sur la terre
dune morte dans une géographie mutante
Point Vague est l’axe de ce monde écrit
ce coup est une prière
en brisant les os il révèle la lumière
qui anima longtemps
les organes le corps entier
à celle qui avait pris l’habitude
de dater les disparitions et les noms
un simple arbrisseau décompte les naissances
les chutes de bourgeons, de fleurs et de fruits
éteindre, voir
cette nuit noire n’a pas de coeur
donne-moi une réponse provisoire
au travail des arcs entamant
la chair tiède de nos arbres
les plus jeunes, les plus grands
ont répondu intimement
en discrétion et en pudeur
par tout le fer qu’ils ont émoussé
la voie des arbres
la valeur réelle et ses degrés
la déduire en quantités égales
dont apparaît le premier pli
tonal, ancrage de tous les tons
ce fluide a aussi sa cloison de briques
en lui, et sans encore l’emmurer
sur la paroi ton soleil personnel
enduira un plan de mortier
et tailladera ensuite
que les entailles dans ton corps
imitent la valeur
des entailles dans les arbres
l’étendue urbaine mentale
à travailler aux griffes ou bien
d’une circulation d’aspects
doit naître une surface polie, sans événement
la voie des arbres :
du travail des surfaces
qui sont privées de corps
une chaise : elle s’anime
sans rien trahir de son immobilité
à la table marbrée
qui endure la passion d’une chaise
voie des arbres, des bois cannés
du temps et des aspects,
toujours scellée si ne viennent
patience, promptitude dans l’attente,
l’attention droite qui décide de l’image
prépare un verre rempli de toi
d’une couleur de bois rance
de la mixtion d’un cerveau
trop longtemps étanché
chaque chambre chaque membre de ton esprit
attend la dessication
au travail dans la nuit
une main épouse le coffret
une autre rebondit
les efforts sont semblables
ils ont construit ensemble
une seule main qui descelle
le verdaccio des anciens
ocre, chaux, noir de vigne
et l’eau qui fluidifie le tout
le fruit de ses eaux
naît sec des lumières intérieures
il fait nuit
ton de chair brûlée
attaque la chair rose
mais la terre perce et dessous
vit encore le premier des solides
avant l’élévation
l’élément chante, liquide
l’usure des anciens
le vieux pierrier de la mémoire
d’un vol rapide
dans la tête
en haut de l’arbre
racines d’en bas
racines d’en haut
arbre de vie
arbre de la folie
et un dernier
lié à l’ombre d’œil
caché
Scire Scissor
sous le ciel déclinant
je sculptais un tronc
comme une viande - on s’acharne
mais là-bas pas de sang
une nuit s’écoule
sur un soleil moribond
mes larmes tombent sur mes mains
rien n’arrête les ciseaux
devant un corps impénétré
…comme si la certitude de connaître
s’appuyait sur un corps
découpé et tué
ô corps ouvert sur sa clarté…
Medecine naturelle
les racines sont ma demeure
j’imite l’eau
avenante qui te reçoit
libère mes attaches limite mes contagions
et fais sortir de terre
un nouveau germe de rosée
sur des pétales de sang
Arbre et forme
je cherche la forme qui peut prendre
toutes les formes
promène-toi doucement et deviens
l'instrument de sphères plus élevées
(soumis aux branches souples et aux fruits)
que de vents paresseux
incapables de nous soulever de terre
la beauté est l'exception
(le feu apparut à Moïse
et la tasse ébréchée
a lui sur la table)
la veillée
sous un arbre foudroyé
Qu’est-ce qu’un bras
qui se referme
sur une corbeille absente,
mais dont les fruits
font monter aux yeux
des couleurs vibrantes et claires ?
La nuit, nous nous tenons près d’une silhouette d’arbre mort
plus noire que la nuit
Qu’en est-il d’une parole
à laquelle le geste et le regard
ne viennent pas en aide ?
Une pensée nous est venue.
Nous avons ri de ce qui nous était donné.
Et de cette pensée, nous avons formé des images
animaux, chiens, oiseaux,
des murs et un toit
que la nuit en nous recouvrant
a effacés, ou emportés
avec les dernières vies du jour
Une question concernait l’instant perdu
où l’arbre avait reçu la foudre.
Nous avons quêté les proies amères
de nos questions plus amères
sans deviner
qu’un regard pût se remplir
et recréer en lui le foudroiement
Plus tard, l’aube ne vint pas.
Qu’est-ce qu’une veillée
qui ne se nourrit pas de la patience
soumise à l’attente de demain ?
Le rêve ne nous apporte
l’arbre, ni la foudre, dit un second.
Le rêve nous apporte le rêve, dit un troisième,
et le rêve, le désir.
Arbre, éclair, nuit
mots nous touchant comme des injures
tant nous voudrions leur donner tous les sens
et aucun
Nous chantons, et ainsi
le mot rassemble les voix
en les déjoignant de leur corps
Qu’est-ce qu’un mot,
ou une seule bouche
auxquels une seule voix suffit ?
Toute la sève
réfugiée dans le cercle que nous formons
autour de rien, autour de toi
repousse l’espace de la fin
où somnambuliques nous rejoindrons
ce qui n’est partagé, ce qui est tout divisé
Une nuit, où le vent descendit dans la plaine,
nous entendîmes le coche
et les sabots grondent
l’orage est passé
sur la branche noire.
Qu’est-ce qu’une vérité conquise
livrée à des bouches
dédaigneuses de la faim ?
Nos bouches s’ouvraient
à chaque étoile
à toutes les lumières
qui ne tombent pas.
T’es-tu prémuni de la soif ? me demanda le deuxième,
as-tu étouffé le désir
qui siège dans ta gorge,
en pensée, en toute chair ?
Qu’est-ce qu’une chose armée
contre ses forces de perdition et d’oubli ?
De telle chose, nous n’en avons
jamais vue,
jamais nous n’en avons touchée.
Le questionneur se tint debout
contre le tronc de l’arbre,
et d’une main désigna les branches hautes,
tandis que l’autre main se tendit
aux racines.
Tu dis un mensonge,
alors que tout mensonge conduit
à ressembler à l’arbre,
comdamne tes doigts
et tes orteils à bourgeonner,
fleurir et porter fruit.
le soir voulant manger et boire
quand dans le jour le ciel
avait été gris, piqué de corbeaux
nous étions abattus, ralentis
blessés sous des ailes lourdes
des oiseaux plus lourds que la nuit déchargeait
de sa haute profondeur
sillons noirs qui ne domptent
ni la faim ni la soif
mais attisent par le claquement
la rigueur du désir
les chemins nous ont usés...
Je rencontrai une nuit plus sombre, et en elle une souche plus sombre et plus profonde que la souche de notre arbre. Ce fondement était brûlant et noir, et son feu noir se rappela le feu oublié de la première foudre, de première brûlure.
Mais comme je tentai d’exprimer ce que je vis, et de le faire partager à tous, ma bouche se remplit d’un goût de cendre et cracha à terre des langues de feu noir qui éclataient dans le sable en fumées, étincelles. Tous firent un pas en arrière, et de leurs yeux m’accusèrent de ma monstruosité. Je me détournai finalement de la souche brûlante, et définitivement ne voulus plus rien voir. Les mots me revinrent. Mon palais se mouilla. Le feu et la cendre furent chassés de ma bouche. Lorsque je voulus revoir le feu noir qui avait tant bouleversé le cours de la veillée, je ne pus retrouver l’endroit de la souche, ni la cendre, ni l’ombre dansante d’une flamme qui y avait brillé.
entrer
dans une souche morte
et y perdre la vue,
n’est-ce pas faire jaillir de nouvelles sources ?
contrairement au sourcier
qui du bout de son bâton
découvre tremblant la source enfouie,
l’homme qui plonge ses mains
sous la terre et les racines
et perd tout ce qu’il est
crée la source
qui fertilise le limon
Qu’est-ce que le repos
en lequel l’éclair demeure ?
le feu continue de brûler...
Nous ne savions pas non plus répondre à cela.
Certains se disaient soldats
émissaires d’un dieu mort
et s’apaisaient comme nous
sous arbre à l’ombre mince,
pensant se rapprocher
de ce qu’ils avaient perdu.
nous compterons les villes que nous aurons traversées
la conversation s’achève
les mains se lèvent pour me souiller de terre,
de telles mains, reconnaissantes
s’ouvrent à la soif,
ne juge pas la méchanceté de ces mains, mais
leur maladresse
et puis, ces mains ne sont pas vraiment des mains
tout juste de vagues images
des griffes inarticulées,
ballons
j’appartiens à la rencontre,
ma veine rarement l’occasion d’une source
le ciel n’a pas encore éteint sa rage contre nous,
dit un autre.
peut-on refuser au grain
une lente et pénible germination ?
Ce que j’écris dans une langue imprécise, tu le lis sans peine comme tu lis au visage aimé. Ce que je dis,crachant et bégayant, tu l’entends
section
vive de pierre
de taille.
La veillée sous l’acte foudroyé.
fiction crasse rassie
mais éveilleuse
du jaune parmi l’oeuf
je touche l’étonnement
quelle ombre de certitude
ne veut pas que je m’y arrête ?
dessins : O. Capparos
photographies : E. Beauron