Les cailloux blancs
- scnario -
Ç Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Paris Vancouver Hyres Maintenon New York et les
Antilles
La fentre sĠouvre comme une orange
Le beau fruit de la lumire È ;
Apollinaire dernire strophe de son pome Ç Les Fentres È
NOIR : On coute dĠabord la campagne, qui nĠa rien de silencieuse quand on sait lĠcouter : Ç Un coq au loin, des vaches qui meuglent, un tracteur qui roule È. La campagne est en marche ds lĠaube. Pas de foule, ni de fureur, pas de mtro ou dĠautoroute mais autre chose. Durant une minute le silence sĠimpose.
AUTOMNE. Il est aux alentours de 7H du matin.
Ç Et quelle est la couleur du Pays Basque ? È ; Ç Le vert et le rouge È. Pour son drapeau, mais surtout pour les volets et les piments de ses maisons blanches immacules, planantes ou entasses, dans la campagne vallonne verdoyante.
Le Pays Basque est une rgion o il pleut beaucoup, la terre regorge dĠeau et lĠherbe alentour sĠimbibe dĠun vert tnbreux que seul le soleil ravive lors de ses apparitions inattendues.
Pome : Arthur Rimbaud, Octobre 1870, 1re strophe : Le Dormeur du val.
Ç CĠest un trou de verdure o chante une rivire
Accrochant follement aux herbes des haillons
DĠargent ; o le soleil, de la montagne fire,
Luit : CĠest une petit val qui mousse de rayons. È
1) Le quartier : La Chapelle de La Bastide Clairence, ou Ç Le Dormeur du val È
Existe tĠil ? Etranges sont les personnes qui eussent entendu le nom de ces vallons qui assembls forment le quartier dĠune minuscule commune au fin fond des Pyrnes Atlantiques. Ici, ou plutt l bas, ce sont les collines de cette Bastide, construite au XIVme sicle par la volont de Louis Ier de Navarre, futur Louis X dit le hutin, qui ont dessin les premiers paysages de mon enfance. Un quartier devenu quelque peu moderne avec son ancienne chapelle, o la Vierge Marie traine quelque part accroche un mur dans son voile bleu ; son ancienne cole construite dans les annes 50, o une classe unique invitait tous les enfants du secteur sĠinstruire. L'cole a ouvert en 1957 exactement, un tardif ricochet d'aprs guerre, une floraison d'enfants, un baby-boom prvisible aprs de trop longues et douloureuses absences.
LĠcole a ferm moins de 26 ans plus tard, soit deux ans avant ma naissance, o l'on appelait dj les provinciaux se rapprocher du village sĠils dsiraient accder de quelconques activits. CĠest un peu comme dans nos villes actuelles et vivantes, o les couleurs du modernisme et du luxe triomphent sur celles de la nature qui sont pourtant plus gaies, plus vives, plus humaines bizarrement. Je cite Armand Frmont, gographe : Ç La mtropolisation du territoire est le phnomne majeur des temps contemporains. È
Extrait du pome dĠArthur Rimbaud Mai 1870 : Ç Soleil et Chair È
Ç Je regrette les temps de lĠantique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient dĠamour lĠcorce des rameaux
Et dans les nnufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps o la sve du monde,
LĠeau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
O le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chvre ;
O baisant mollement le clair syrinx, sa lvre
Modulait sous le ciel le grand hymne dĠamour ;
O debout sur la plaine, il entendait autour
Rpondre son appel la Nature vivante ;
O les arbres muets, berant lĠoiseau qui chante,
La terre berant lĠhomme, et tout lĠOcan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu ! È
LĠcole ferme, elle est devenue une maison, o le salon est venu se substituer la salle de classe, le garage au prau, seul lĠappartement, de la matresse disparue, a conserv ses fonctions. Cette norme btisse, pour des yeux dĠenfants, fut le foyer de mon enfance aux cts de mon frre et de mes parents durant 10 ans.
Les joueurs de chistera et de pelote basque du dimanche ont dsert malgr le fronton construit aux cts de lĠancienne cole. Le mur blanc aux courbes sinusodales fut rcemment restaur, mais semble toujours aussi impopulaire ou dsert en dĠautres termes. Seuls la pluie et le vent sĠoccupent quotidiennement de lĠusure de ce mur imbib de tristesse et dĠabandon.
A lĠarrire plan de cette muraille, existe un chne que nous avons sauv ma mre et moi. LĠarbuste commenait se faire ronger par les ronces qui grignotaient petit petit les prmices de son feuillage. Un coup de scateur, des gants et au feu les plantes envahissantes. AujourdĠhui je ne peux mĠempcher dĠaller le voir et de lĠadmirer, lui qui sĠaffiche immense et fier grce aux mains maternelles et bienveillantes de ma mre.
Les jours de repos, lĠabribus en bois, construit lĠangle de la chapelle et de lĠancienne cole accueille certains fugitifs des corves quotidiennes, qui sĠassoient et discutent en fumant une bonne pipe lĠabri des commrages. Cette cabane quelque peu rustique a t rige comme point de rencontre entre le quartier et le monde extrieur. Tous les matins scolaires, lĠantique mini bus blanc (cf dessin de Reiser), aux courbes rondes, ramasse les bambins du secteur, qui attendent patiemment le ronron des quatre roues, afin dĠtre dposs devant lĠune des deux coles du village : lĠune prive, lĠautre publique.
Les jours dĠcole on peut donc observer le bus descendre la colline face la nouvelle maison (lĠancienne cole), aux grandes baies vitres et aux volets rouges. A mon poque de petite fille les volets de la gigantesque btisse taient bleu lavande, une envie de soleil de ma mre certainement.
Le bus dvale la pente doucement comme au ralenti, on a lĠimpression quĠil est minuscule et quĠil fait tche avec sa carrosserie blanche dans ce paysage verdoyant et automnal. Les chnes et les platanes sont robustes ici, mme si plus personne ne fait attention leurs postures de gants.
Le bruit du moteur de lĠengin scolaire se rapproche de plus en plus. Le mini bus disparat un instant dans le creux dĠune colline puis rapparait immense cette fois-ci de derrire le fronton. Ils ont la mme couleur tous les deux.
Trois enfants dont une petite fille (6 ans, 7 ans et 9ans), avec des sacs dos de diffrentes couleurs (violets, roses, et bleus) montent dans le bus.
La route commence pour ¾ dĠheure de trajet avant dĠarriver destination. 45 minutes dĠattente et de paysages pour des enfants qui nĠont rien se dire. La place du chef existait dj dans le bus et a toujours t immuable. Elle se trouve au centre, les fauteuils alentours faisant partie de sa cour.
2) Le trajet du bus scolaire dans le quartier de La Chapelle.
Au moment o les trois enfants montent dans le bus la musique dĠAlain Baschung commence : Ç Les Petits Enfants È de lĠalbum Live tour 85. 85 cĠest lĠanne o je suis ne. 93 lĠanne o je suis monte la premire fois dans ce bus et o jĠai compris une fois de plus que je nĠtais pas ma place. JĠtais habille comme une poupe russe, tout en rouge, un nÏud blanc dans les cheveux, et des ballerines dores de citadine. Mon 1er surnom : Ç la parisienne È a man de ce dguisement de petite poupe chic et flambant. Une catastrophe dans le paysage des pulls gris, o seuls les cartable sont en couleurs. Un acte inconscient, une envie dĠautre chose, au loin brille un autre monde. La lumire.
Le chauffeur de bus est une femme, toujours en jupe carreaux dlavs et aux grosses fesses qui affaissent de jours en jours, dĠannes en annes, le fauteuil en cuir beige. Cette femme a un regard bienveillant sur nous tous, les enfants des champs de mas. Elle sĠappelle Josette. Une fois le ramassage scolaire termin, le bus se repose dans le jardin de cette femme. Il attend la fin de notre journe lĠabri dĠun chne centenaire. Pas de retraite pour le bus, seulement des vacances scolaires et des week-ends, les jours o les mmes ne sont pas de sorties. Cet engin est devenu au fil du temps une mascotte, parce quĠil nous faisait voyager, et nous arrachait cette immobilit territoriale.
Le bus roule toujours, son circuit nĠa pas chang. La municipalit le presse jusquĠ son dernier souffle, comme on presserait un citron, comme lĠaffichaient deux immigrs sur le portail de lĠusine de fonte grise MANIL Charleville en 1972, dans lĠune des photos Noires et Blanches de Grald Bloncourt (dans Ç Les Prolos travers le tmoignage photographique de Grald Bloncourt È). La pancarte disait : Ç Manil, Nous sommes des humains, Non des citrons È. Le bus nĠest quĠun bus, il nĠy aura aucune revendication, ni retraite.
Les enfants ne chantent pas, ni entre eux, ni chez eux, ni lĠcole. Il me semble avoir connu Ç La Marseillaise È de Lo Ferr avant lĠofficielle, lĠobligatoire, la connue. Ç Arrte un peu que je vois si tu as de la voix È Lo Ferr La Marseillaise, LĠċge dĠor. Ils se dvisagent, pensent, regardent par les vitres les nuages gris de la campagne. AujourdĠhui dĠautres du mme ge jouent aux jeux vido, sĠenvoient des messages de leurs tlphones portables, connaissent internet, 8 ans dj. Les temps changent.
Les vaches enfonces dans la terre boueuse nĠattirent plus leur attention, elles sont banales, videntes et apparaissent comme des tches beiges dans les vallons de leur circuit quotidien. Par moment ces mammifres se mettent courir, subitement, on sĠinterroge : une mouche les a pique ? On sourit intrieurement parce que lĠon repense aux syndromes mdiatiques de la vache folle, puis naturellement lĠesprit drive et vient se cogner aux marasmes mdiatiques tablis autour de la grippe aviaire, puis de la grippe porcine. A quand la prochaine ? Ç Et tant de trucs encore ; Qui dorment dans les cranes ; Des gniaux ingnieurs ; Des jardiniers joviaux ; Des soucieux socialistes ; Des urbains urbanistes ; Et des pensifs penseurs ; Tant de choses voir ; A voir et z-entendre ; Temps de temps attendre ; A chercher dans le noir È, Boris Vian, Ç Je voudrais pas crever È.
3) LĠcole prive du village La Bastide Clairence
CĠest une toute petite cole, premire vue trs charmante, son portail peint en rouge, comme ses volets, donne sur une toute petite cour o trne au centre : un fronton. LĠtage du haut est rserv la maternelle. La dame qui sĠen occupe a les cheveux courts et gris. LĠtage du bas, qui ressemble plutt une cave, est destin aux primaires. Une classe unique quelque soit la salle avec une seule institutrice, qui sĠoccupe des classes de CE1, CE2, CM1 et CM2 en mme temps. Si je me rappelle bien nous tions trois lves en CE2. Trois enfants du village avec trois styles de vie totalement diffrents. LĠun fils de paysan, seul garon hritier, connaissait dj les sillages de son destin que sa famille, de pres en fils, perptuait. [Travelling sur les sillages que forme la machine labourer la terre, o lĠon suit le trac dĠun tracteur travaillant celle-ci. Fin du plan Panoramique qui remonte sur le tracteur au loin qui continue son chemin de dos, avec Philippe conduisant la machine. Plan rapproch sur Philippe qui regarde devant lui en coutant la radio, il augmente le son afin de faire disparatre le bruit du moteur et nĠentendre que les infos de la radio]. Une autre, fille de RMISTE, nĠavait accs aucune activit extra scolaire, tant donn que ses parents nĠavaient pas dĠargent donc pas de voiture, ni de permis de conduire. La gamine tait voue rester dans ce village. Elle y est toujours. [On voit Galle assise sur des marches en pierre fumer une cigarette, regardant le sol. Ds quĠil y a une voiture qui passe elle lve sa tte vers lĠengin, elle est mal habille, avec des vieux vtements passes de mode et de couleurs. Plan suivant, sur des habitations nouvelles caractres sociaux. Galle est devant chez elle, un enfant dans les bras, elle est en haut dĠune colline o lĠon voit le village de La Bastide, elle regarde le paysage avec lĠenfant.] Et moi je mĠennuyais, mon esprit tait en vacances, au loin dans les nuages de mes penses vagabondes qui rvaient dĠun ailleurs, que je ne connaissais pas encore, mais qui allait sĠouvrir moi grce la curiosit, lĠenvie, aux besoins dĠautre chose. Toutes les classes confondues, nous apprenions encore et encore les tables de multiplication qui nĠtaient toujours pas sues. Les lves de CM1 taient plus nombreux, parmi eux il y avait Fabienne, la grande sÏur de Philippe. Elle aussi fille de paysan est reste au village. La dernire fois que je l'ai aperue, elle tait dans le restaurant du village. Je ne sais pas si elle m'a reconnue, j'ai hsit m'avancer vers elle afin de la saluer. Enfin, je n'ai pas os, j'aurais d, je pense. [Travelling avant qui entre dans le restaurant du village, Fabienne est assise la premire table du restaurant, devant elle un bb sur la table, assis en face de Fabienne en homme, le pre de l'enfant. La camra entre dans le restaurant, le restaurant devient silencieux, ils tournent la tte vers la camra. Celle-ci panote l'intrieur du lieu. L'homme se lve en off et passe derrire le bar o il commence essuyer des verres. Le plan termine sur lui et moi qui entre pour commander un caf. Il me le prpare, je me retourne pour regarder Fabienne].
A l'cole, nous pouvions donc laisser trainer nos oreilles dĠune classe une autre, si le dsir nous prenait, ce qui me permit dĠviter le CM2 et de passer directement du CM1 en 6me. Je voulais dj partir loin, loin, Ç comme un bohmien ; Par la nature, heureux comme avec une femme È, Arthur Rimbaud, extrait de Sensation Mars 1870.
Le midi, les enfants sont envoys la maison de retraite, de lĠautre ct de la rue, o des sÏurs Bndictines taient employes. Elles faisaient le service et la cuisine. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'elles sont devenues. Les personnes ges taient convies manger dans la mme pice et la mme heure que les enfants, seules activits pittoresques que la maison de retraite prvoyait dans leurs journes. Je nĠirai pas en maison de retraite. Hors de question. Elles me font peur, et je ne cesse dĠy voir Jack Nicholson dans Ç Vol au dessous dĠun nid de coucou È. Mon pre venait de temps autres travailler dans cette maison de retraits, mais je ne me rappelle plus lĠavoir crois. Ma mmoire a volontairement, semblerait-il, fait barrage certains souvenirs. Tous les jours nous traversions la route pour nous rendre dans cette cantine scolaire improvise. Un trajet en hauteur qui permet de voir lĠglise du village, seul monument en pierre datant encore du XIVme. Autrefois, sĠaffichaient sur le porche du vieux btiment, les armes de la ville, qui furent arraches durant la Rvolution parat-il. A lĠentre du btiment religieux se dresse lĠimmense sapin qui aurait pu veiller nos sens et nos joies dĠenfants lors des ftes de fin dĠannes, sĠil avait t dcor de gigantesques guirlandes lumineuses, revtu dĠtoiles et dĠobjets multicolores. Il semblerait que la destine de ce sapin ne fusse lie quĠ son unique fonction de grand tas vert pineux et monochrome. La pente qui sĠoriente vers la place du village est de premier ordre pour les casse-cous des sports de glisse. Mais personne ne fait de roller ou de skate ici, il faut partir plus de 30 kilomtres si lĠon veut apercevoir des hommes en harmonie parfaite avec les vagues de lĠAtlantique. Mon pre fait partie de ces grenouilles en combinaison noire, armes de planches et dĠtincelles dans les yeux quand ils entendent lĠexplosion de ces gantes boules dĠeau venant se fracasser contre le sable. [Travelling latral sur les vagues gantes Anglet qui se fracassent contre le sable, contre champs en travelling latral galement en sens inverse, sur des surfeurs aligns en combinaison noire (mon pre parmi eux), regardant la mer en la dvorant des yeux. Ils ont tous les yeux clairs, et les cheveux bruls par le soleil].
4) Le Mercredi Matin
EXT/JOUR, ETE travelling sous le long porche de lĠglise.
Le mercredi matin, cĠtait catchisme ou Ç cat chips È, comme disait mon frre quand il tait petit, pour les enfants du village qui prparaient leur communion. Mon frre dsirait y aller lui aussi, pour tre avec ces quelques copains, les seuls que lĠon peut avoir dans un endroit aussi petit. Il voulait faire sa communion pour avoir plein de cadeaux comme tous les autres. Image sur mon frre (cheveux longs dans les yeux et barbe) en skate avec sa guitare lectrique sur le dos, glissant dans la pente de La Bastide. Il sĠarrte au niveau de lĠglise attrape son skate et monte les marches. On le retrouve devant le porche, aprs un long travelling entre les pilliers, avec sa guitare lectrique dans les mains sĠapprtant jouer en regardant la camra avec un sourire complice. Il commence jouer la guitare les premires notes du morceau : Ç House of the Rising Sun È de The Animals. Plan suivant sur mon frre en costume avec d'autres musiciens (un pianiste, un batteur, un bassiste et une fille travestie en garon, portant tous le mme costume), aprs un long travelling imitant le premier, qui fait apparaitre au fur et mesure les musiciens sous le cloitre de l'glise. La camra navigue entre ces poteaux blancs, faisant apparaitre tour tour les musiciens. Ici une chorgraphie est crer entre la camra, les pylnes et les guitaristes qui se dplacent jusqu' nous amener jusqu' la chanteuse, (travestie en homme) qui chante dans le micro les paroles de la chanson Ç House of the Rising Sun È :
There is a house in the New Orleans
They call the Rising Sun
And itĠs been the ruin of many a poor boy
And God I know iĠm one
My mother was a tailor
She sewed my newbluejeans
My father was a gamblin man
Down in New Orleans
Now the only thing a gambler needs
Is a suitcase and trunk
And the only time heĠs satisfied
Is when heĠs on a drunk
Oh mother tell your children
Not to do what i have done
Spend your lives in sin and misery
In the house of the Rising Sun
Well, I got one foot on the Platform
The other foot n the train
IĠm going back to New Orleans
To wear that ball and chain
Well, there is a house in New Orleans
They call the Rising Sun
And itĠs been the ruin of many a poor boy
And God I know iĠm one
Mon frre qui aurait voulu faire du "cat chips". Lui, qui nĠa jamais mis les pieds dans une glise, sauf pour certaines visites culturelles scolaires, bien sr ! Le recueillement nĠest pas lĠordre du jour, mais le rockĠn rollÉ.It is !
Enfants, avec mon frre et les autres, nous tions dans des coles prives. Et qui dit religieux dit : Ç Un Notre Pre È, le matin avant de dmarrer la journe. Les maitresses nous amenaient galement lĠglise afin que nous puissions nous confesser. Je nĠai jamais pu imaginer ce que des enfants racontaient au cur lors du confessionnal. Ç Oh mother tell your children, Not to do what I have done, Spend your lives in sin and misery, In the house of the Rising Sun È.
Long travelling silencieux, sous le porche de lĠglise, travelling qui caresse les tombes incrustes dans le sol. En fond sonore orgue qui joue les notes de la musique : Ç Des armes È de Noir Dsir, il nĠy aura pas les paroles. Puis la camra entre dans lĠglise, on entend dornavant lĠorgue jouer en son rel. La camra traverse lĠglise au milieu des bancs jusquĠ arriver lĠautel. Une fois la camra devant lĠautel, la musique sĠarrte (elle sĠestompe doucement), puis Noir, et la camra se retrouve dans le cimetire avec lĠorgue qui redmarre. Elle navigue entre les vieilles tombes et les belles fleurs clatantes de couleurs et de fraicheur. Un beau contraste de vie et de mort. Quand les grands ne se soucient plus des petits. Les petits sĠarrangent pour vivre comme ils peuvent.
5) Le village de La Bastide Clairence. ETE Soleil, Lumire trs forte.
La descente du village mne la place centrale et unique, o chaque anne le march potier ouvre ses tables dpliantes afin dĠaccueillir tous les talents models des artisans environnants. Grce sa place encadre dĠarcades, le village sĠest vu attribuer le label des "plus beaux villages de France", un atout visant promouvoir les petites communes franaises, riches dĠun patrimoine de qualit. La dfinition dĠune Bastide selon un petit dictionnaire franais est une ville neuve fortifie dans le sud-ouest de la France. Si l'on dsire en savoir un peu plus, la fondation des bastides au XIVme sicle, dcoule de rivalits politiques et du dsir de contrler certains sites stratgiques. La Bastide Clairence protgeait un poste avanc navarrais permettant par le fleuve, un accs Bayonne. Les motifs de scurit et la volont de protger certaines routes entrainrent donc la cration de ces diffrentes bastides du Barn et du Pays Basque.
Sur la place vide de La Bastide, on trouve un seul restaurant, et juste en dessous de celui-ci, toujours sous les arcades, un tlphone carte est fix aux vieilles pierresÉ.QuĠimporte. JĠappelais ma mre de ce poste afin quĠelle vienne me rcuprer pour me ramener la maison. Quand jĠtais courageuse et quĠil faisait beau, je parcourais pied ces 5 kilomtres pour rentrer jusquĠau quartier de La Chapelle. 5 km cĠtait une heure de marche. Autrefois les vieux du quartier empruntaient deux fois par jour, aller/retour, ce chemin aux travers des vallons, pour aller la messe, lĠancienne chapelle tant dj devenu une habitation. Cela se chiffrait 20km par jour. AujourdĠhui on peut voir dans les couloirs du mtro parisien, dans les rues angevines, et certainement ailleurs, une invitation la marche au travers de panneaux publicitaires qui nous indique le temps quĠil nous faudrait pied pour nous rendre tel ou tel endroit. Comme si la marche tait une grande et nouvelle dcouverte de bien tre pour le corps. Heureusement nos grands-parents et arrires grands-parents nĠont pas attendu tous ces bienfaiteurs inquiets de notre sant physique, pour se rendre dĠun point un autre sans transport. DĠailleurs nĠest ce pas ce quĠils essayent de faire. Une nouvelle directive : les postes de conducteurs se faisant de plus en plus rares, les mtros aussi, il faut vider tous ces couloirs de ces mendiants qui dsirent vivre comme des hommes ! Allez hop tout le monde dehors, tout le monde pied. Enfin tout le monde, que lĠon sĠentende, la cour ne se privera pas de ses carrosses o la machine caf est 25000Û. Oui oui, pris sur nos impts, ne vous faites pas dĠillusions. Elle est drle cette cour loin des honneurs. Drle pleurer.
Une place en pente. Des murs blancs, des volets rouges, des fleurs aux balcons. Derrire cette faade vernie se cache une curiosit dont seuls quelques rares rsidants du village connaissent lĠexistence : le cimetire juif. Une soixantaine de pierres tombales graves attestent de la prsence dĠune communaut juive entre 1610 et 1785. En 1492, sous l'inquisition, des juifs chasss d'Espagne, gagnent le Portugal, mais doivent nouveau quitter ce dernier en 1496. Ils trouvent alors refuge dans les villes frontires de la France, telle Bayonne ou La Bastide Clairence. Partis de cette Bastide avant la Rvolution, il ne reste aujourd'hui que ces pierres, noyes dans les herbes, comme preuve de leur passage. Le cimetire appartient aujourdĠhui au Consistoire Isralite de Bayonne. Si on ne sĠintresse pas lĠHistoire ou si on ne nous la transmet pas, lĠHistoire avec un Grand H disparat et un peu de nous mme par la mme occasion ! Toutes nos annes : sociales, solidaires, humaines, enfin dans la limite de lĠacceptable, tombent lĠeau, la jeunesse avec. Cette jeunesse sacrifie o seuls les Ç copains de È sĠen sortent. Triste France, qui se transforme en ple copie de ce qui existe dj.
Ici dans cette Bastide de la France profonde rien nĠa chang. Je suis partie il y a huit ans maintenant, il me semble que cĠtait hier, tant le paysage est immuable. Tandis que moi, devenue nouvelle citadine, jĠai du mĠhabituer aux changements rapides, prcoces, irrflchis des nouveaux urbains urbanistes. Ç Et moi je vois la fin ; Qui grouille et qui sĠamne ; Avec sa gueule moche È, BorisVian, Je voudrais pas crever.
Au village lorsquĠun petit vieux nĠest plus assis sur son muret en fin de journe, regarder la fin de sa vie dfiler devant ses yeux, on sĠinquite. Ils ont leurs habitudes de jeunes retraits mme sĠils sont vieux. Ils nous saluent, nous sourient, parlent de nous : les jeunes. Fellag dirait quĠils tiennent les murs. Ils sont devenus muristes avec le temps. JĠai un grand respect pour ces personnes qui ont travaill toute leur vie parce quĠils nĠavaient pas le choix. Tous les jours, mme le dimanche et les jours fris, mme combat. AujourdĠhui ils sont immobiles, cause du travail inhumain qui les a tus, sucs jusquĠ lĠos, et pourtant ils ne Ç rclament ni gloire, ni larmes, ni lĠorgue, ni la prire aux agonisants È, extrait de LĠAffiche Rouge, Aragon. Seuls leurs corps exigent grce, pnitence, apaisement, repos, aprs tant de labeur, et de sacrifices. Un repos qui sera dj trop vite ternel tout jamais. Ils ont t jeunes eux aussi. Il ne faudrait pas lĠoublier. Ç Nous sommes des humains, Non des citrons È. Grald je reprends la phrase de tes ouvriers ! Avec toi je ne risque rien, tu es des humains humanistes. Toi qui as sacrifi ta vie pour lĠimmortalit des cris de la rvolte, de la justice, de la vie tout simplement, de tous ces gens qui lĠon rajoute cette particule : Ç De rien, rien, rien È.
Le soleil se couche sur La Bastide. Toujours aussi belle. Toujours aussi vide. Un jour de plus en moins pour nous autres les fils De rien. Musique : Ç Volontaire È Alain Bashung Live Tour 85. Plan partir dĠune colline en hauteur o lĠon voit le village en entier, la camra reste en plan fixe (time laps) sur toute la dcomposition de la lumire et du soleil au travers de ce village. On assiste au coucher du soleil intgralement.
6) Le folklore dĠune rgion. ETE.
INT/JOUR. Salle des ftes de La Bastide Clairence.
Un professeur (une femme la tte burine et aux cheveux blonds dlavs) donne des cours de danse basque des jeunes filles et garons. On dcortique les mouvements, ils dansent de manire individuelle, puis collective entre filles et garons. Dans un mouvement o ils tournent sur eux mme, on les retrouve en ETE sur la place du village, ils sont en costumes blanc et rouges. Ils dansent ensemble.
EXT/JOUR. Place du Village.
Des hauts parleurs passent de la musique sur laquelle les danseurs se callent afin dĠeffectuer leurs pas. Ils continuent de danser tout en s'approchant de la camra. Puis dans un autre tour effectu sur eux-mmes, les danseurs disparaissent, la camra reste fixe, des jeunes hommes courent du bas de la rue vers la camra (situe en haut de la rue centrale du village), ils se dirigent vers la camra jusqu' sortir du champ. Derrire eux des vachettes foncent dans la direction des hommes qui courent, les vachettes foncent vers la camra. Celle-ci remonte en travelling avant jusqu' voir la place entire du village o l'on dcouvre les spectateurs. Au loin le son des sabots des chevaux approchent de plus en plus, jusqu' apparaitre dans le champ. Ils sont trois cavaliers fermer la marche des danseurs et des vachettes.
EXT/A LA TOMBEE DU JOUR. Fte du village. Place du village.
Les spectateurs du spectacle de la journe sont devenus acteurs. Ils errent sur la place, ils se parlent. A partir de ce moment camra paule. Certains sont dj la buvette, ils s'invitent boire des verres. Une estrade avec une sono et un chapiteau ont t monts temporairement devant le fronton du village. Les gens vont et viennent, certains sont habills en blanc et rouge d'autres non. Premier et seul moment du film o il y a de la vie humaine et dense l'cran. On suit les activits des uns et des autres, ceux qui fument en cachette, les bisous vols, ceux qui vont d'un bar un autre, ceux qui mangent table (les adultes), les enfants qui courent et qui s'amusent entre eux sur la place. On dcouvre ainsi les rues annexes la rue principale. Un groupe de jeunes s'clipse, la camra le suit. Ils descendent tout en bas de la rue principale du village. Ils arrivent la piscine municipale dcouverte o ils entrent par effraction. Ils ne font pas de bruit, la gendarmerie est en face. Elle aussi est appele disparaitre, pour donner naissance des villages sans homme de la loi. Les jeunes se dshabillent et plongent dans la piscine, c'est l'heure du bain de minuit. On les voit batifoler dans l'eau. Ils se coulent entrent eux. Un petit malin pique toutes les affaires et s'enfuit en courant comme un fou vers la place du village. On entend les autres crier dans l'eau. En chemin, charg comme un mulet, le jeune garon sme, sans faire exprs, plein de vtements, un peu comme le Petit Poucet. Il remonte vers la place du village, les bras encore encombrs. Il bifurque sur sa droite et arrive dans un mignon petit chemin qui le mne au Moulin du village. Il s'arrte regarde autour de lui, coute la sono lointaine, sourit et se dirige vers le lavoir du moulin. Les autres sortent de la piscine en sous vtement et commencent courir et ramasser sur la route toutes leurs affaires. Le petit garon revient sur la Place du village, o les adultes errent de bar en bar. L'ambiance a chang, il y a quelque chose de plus lourd, de plus pesant. Deux hommes commencent se battre, on tente de les sparer. Un autre est allong dans le caniveau, il est malade. Un autre homme pisse debout, dos la camra dans un pot de fleurs, une clope au bec. La camra quitte petit petit toutes les personnes prsentent, puis s'loigne doucement de la place du village en travelling arrire en empruntant la rue en pente. La dernire voix off commence alors :
"LE PETIT POUCET
On est perdu sur le chemin du retour et on sme les indices d'une enqute qui dessine la carte du prsent.
J'ai rv de fragmentation, de dispersions; des mots, des objets, des ides parpilles. Un Petit Poucet titubant, ivre, un Petit Poucet qui aurait pris des cailloux non pas pour marquer son chemin l'aller mais pour indiquer son errance en retour. Un Petit Poucet qui voudrait faire le point sur sa disparition.
C'est toujours l'anabase, la remonte vers l'origine, le pass plus riche en futur qu'aujourd'hui. On cherche le chemin du retour et on finit par se perdre.
C'est en se perdant qu'on laisse les traces de son existence.
Pas de prsent sans paresse, sans ivresse, sans errance, pas de prsent sans d'infinies spculations, pas de prsent sans dsÏuvrement.". Fabrice Raymond ANABASE
Le travelling arrire continue jusqu' la sortie du village. Il descend toute la pente, passe devant la piscine, la gendarmerie teinte, et enfin aux cts du panneau qui signale l'entre dans une commune : LA BASTIDE CLAIRENCE. (on est travelling arrire !). Et ici le mot : FIN.