En partant pour la Nouvelle-OrlŽans, je reus de mon pre comme prŽsent, une petite bo”te dĠallumettes contenant une petite maison de poupŽes. Elle Žtait composŽe de plusieurs chambres et dĠune salle de bain ŽquipŽe de toilettes au deuxime Žtage. JĠy jetai un coup dĠÏil comme on se perd au bras dĠune femme devant des vitrines. Je bouclai mes valises pour le grand dŽpart. Sur le bateau, lĠennui suivant son cours, je rŽexaminai ma petite bo”te et je crus apercevoir sur le petit lavabo de la salle de bain, Ç ses dents È. CĠest comme cela quĠil appelait son dentier. Je fus un peu surpris. A c™tŽ il y avait une toute petite brosse ˆ dents. A ce moment mĠest revenu le visage de mon pre avec un grand sourire de bŽbŽ qui me dit : Ç au moins, celles-lˆ, tu ne les auras pas volŽes ! TrainŽe ! È.

Je refermai la petite bo”te, un peu dŽconcertŽ, avec pourtant mon insatiable espoir de dŽcouvrir de nouveaux paysages. Tous les jours, jĠouvrais la petite bo”te qui me rendait la tte un peu plus vide ˆ chaque fois. De retour chez moi, je mĠaperus que la petite brosse ˆ dents Žtait usŽe jusquĠˆ la corne.

Quelque chose sĠarrtait, jĠŽtais comme dŽlivrŽ dĠun devoir absurde, celui de laver chaque soir le petit dentier, la petite ŽternitŽ de mon pre, mais qui occupait tout le territoire gauche de ma tte.

En allant acheter le billet pour le prochain voyage, je me fis renverser par un chauffard qui me brisa la jambe. Aprs plusieurs opŽrations, la gangrne gagna la bataille et lĠon dut mĠamputer. Je pus enfin partir. JĠŽtais libre.

 

 

                                                                      Armand DĠAnjou

 

 

 

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