l’art de la fresque
I
autour de la place où se dressaient l’église et les avoisinants
café du commerce, mairie, tabac, l’homme juste arrivé
frissonnant de froid trainaît le pas
des piaillements troublaient à peine le silence de l’air froid
du matin, le pas de l’égaré, la pensée vague -
II
- qui perpétraient la vie,
pousse la porte du café et va vite t’accouder au vieux zinc,
homme simple, dans l’inhospitalier, qui parlait peu
sur le tremblement solitaire de ses mains,
dans l’église l’appareil était rare, d’une piété sourcilleuse
et austère romanisme glacé qui s’avoue -
III
- dans le sombre pourrissement de caves humides,
mes mains renient le métier, dit l’homme contre la gravité
dévote de la colère à voix basse,
mes petits regards de missels sur les prie-dieu,
- mon père, et comme à contre-voix dans la sueur du son
à la surface des pierres, tu ne tueras point,
- mon père ! et on lui indiqua la petite porte -
IV
- fermée sur la chapelle attenante, tu ne voleras point,
la porte étroite de la pierre grise et nue, l’endroit
était vide, - mon père ! la cellule froide avec dans un coin
des sacs de chaux, des boîtes et des pots autour
d’un tabouret, un morceau de pain et du lait, tu ne...
leva les yeux et lut le mur
- MON PERE !
V
un dessin à la craie, carreauté, de l’annonciation
par un trait lent et lourd
par un premier jour
sans travail, simplement à regarder
l’ébauche première, et dans un bourdonnement à peine audible -
VI
- le vol d’une mouche dans la cellule sombre,
quelle mesure
refera de la matière des idées
une forme affranchie de l’esprit ?
la mouche promet par le vol de grandir
à travers ces lignes, dans ces traits orthogonaux
cette poussière de nombres redevenue géométrie
VII
l’insecte s’est posé un instant
sur la tempe de gabriel
VIII
le soir du premier jour il suivit une fille de ferme
qui sortait de l’église, il la suivit jusqu’au petit café
les hommes attendaient, des femmes
arrachées à l’intense concentration de clarté
qui bougeait dans les verres,
l’homme toujours vague seulement fait
de regards et de tremblements vagues, sans signification
il s’arrêta une fois la porte franchie
il s’arrêta -
IX
- dans les rires et la mort qui tombait du ciel,
viens goûter l’hostilité parfaite
qu’il y a dans le chatoiement du rire
et l’épanouissement de l’ivresse
X
autour de la place où l’homme avait erré hier
frissonnant du froid et des anciennes perspectives de la nuit
le lendemain très tôt l’ouvrage devait être entrepris
derrière la porte étroite de la pierre grise et nue,
ô ébauche cet envol, et fuis !
alors sa main que le tremblement ne quittait pas
prit le pinceau -
XI
- ou la craie et inscrivit les noms par lesquels
il avait nommé en silence les têtes chaudes
des habitants et des tardifs du café, omettant
d’inscrire celui de la femme qui à ces yeux
était privée du nom juste
qui figerait en lui toute une vie, toute une rivière
de mouvements de ce corps
XII
je suis astreint à une vie
où la faux aiguisée est impérieuse
elle est loi
mais non une menace
XIII
noms chevauchant les lignes du carreau et de l’esquisse
d’un ange recouvert et souillé de noms humains
qui sont tous des injures,
mais dès qu’il entendit la lourde porte du baptistère
il mouilla la chaux et prépara l’enduit
pour le projeter frais à la hâte sur la rigueur du carreau
que les noms écrits avaient troublée,
personne ne verrait, personne
mais chaque jour de peinture
un homme ou une femme dont un nom
avait figé l’existence
devait mourir
XIV
seule épargnée la jeune fille venait chaque soir
prier devant l’autel
et elle montait en image sous les traits
de marie dans l’annonciation que la main tremblante
et le travail du temps perfectionnaient
pour la magnifier à la fin jusque dans
les rehauts et les laques