Entre bruit et silence: Yves Bonnefoy
Matre de Chapelle ?
(esquisses acroamatiques)
La porte sĠouvre. Un orchestre sĠavance.
[P 58][1]
LĠinquite voix
Heureuse sous les roches du silence [É]
[P 171]
LĠÏuvre dĠYves Bonnefoy, on ne peut en douter, est envahie par le regard port sur les peintres et sur le monde, vident et soutenu, mais elle est toutefois profondment travaille, certes de faon moins manifeste mais sans doute tout aussi dcisive, par une coute tour tour inquite (Ç JĠcoute, je ne sais quel bruit È [P 277]) et abandonne, voire, lĠinstar de la perception non-thtique de la phnomnologie[2], dlaisse[3] (Ç JĠcoute, je consens È [P 276]).
Cette coute varie, subtile, cette fine coute, est capable de donner leur place, leur vrai lieu, aux nuances les plus diverses (par exemple la saisie dĠun Ç mme bruit dĠabeilles / Dans le bruit de la neige È [SL 147], permettant ainsi une ouverture lĠinfini, comme dans la formulation suivante, dans laquelle un moment musical, rduit sa phase inchoative, semble instaurer la dynamique dĠune force hors du commun : Ç Tu as vaincu, dĠun dbut de musique, / La forme qui se clt dans toute vie. È [SL 65]
Il y a par consquent beaucoup dĠacousmates[4] dans cette Ïuvre, en raison des Ç objets È subtils quĠune telle coute se propose dĠentendre, et on assiste mme souvent, comme dans la citation qui prcde, leur naissance.[5]
Deux exemples, parmi dĠautres, en ce quĠils peuvent tre considrs comme des emblmes.
Premier exemple : la Ç voix dĠinterdit È [RT 126], qui retentit aussi dans On me parlait [VE 65], me rappelle irrsistiblement ce que les moralistes dĠautrefois appelaient le dictamen[6], dicte de la conscience thique (ou encore cette rsonance du premier commandement, Ç tu ne tueras point È, dont Lvinas suggre quĠelle vibre en qui se trouve devant un visage). CĠest ainsi que lĠunivers acousmatique de Bonnefoy semble habituellement toujours-dj compntr de philosophie – mtaphysique et thique mles.
Deuxime exemple : il y a souvent, notamment dans Douve, lĠinscription dĠun acousmate dans le corps, ou plutt son mergence[7] depuis le corps, comme amplification, en bruissement de sang : Ç La musique suprme commence dans la main, dans les genoux, puis cĠest la tte qui craque, la musique sĠaffirme sur les lvres, sa certitude pntre le versant souterrain du visage. È [P 52] On peut noter quĠici la propagation acousmatique est si pre, si harcelante, quĠelle aboutit une violente ccit qui achve de plonger la sensibilit dans une sorte de fantastique lmentaire : Ç Ë prsent se disloquent les menuiseries faciales. Ë prsent lĠon procde lĠarrachement de la vue. È [ibid.] Cette chute dans un abme acroamatique[8] situ mme le corps constitue ainsi le deuxime paradigme acousmatique cher Bonnefoy : si le premier reprend son compte la longue tradition de la voix dans le cÏur, telle que Saint Augustin ou Saint Anselme lĠont faonne,[9] celui-ci nĠest pas insensible ce quĠun Ren Char appelait Ç troubles et pulsations È.[10]
On peut donc considrer que les acousmates chez Bonnefoy ont principalement deux origines distinctes, qui permettent de les classer en deux catgories principales : lĠune compose de sons mentaux, quasiment toujours constitus en Ç voix È (et le dpart en eux de ce qui relve dĠun travail effectu sur la tradition philosophique et de ce qui correspond une exprience acousmatique originale est souvent difficile tablir) ; lĠautre constitue de bruits la plupart du temps mergeant du corps puis se propageant tous les tages de la scne acousmatique (et l il semble que les philosophmes encombrants soient bousculs).
Il y a dĠautre part dans les acousmates de cette Ïuvre des traits distinctifs que lĠoreille intrieure ne peut pas ne pas percevoir assez vite. Souvent, ils sont brouills, bruyants, turbulents, comme on le constatera plus bas. Ailleurs, lĠacousmate trouve un rgime plus harmonieux : Ç Je tĠcoute / Vibrer dans le rien de lĠÏuvre / Qui peine de par le monde. / Je perois le pitinement / DĠappels / Dont le pacage est lĠampoule qui brle. È [P 269]
Une ampoule qui brle vibre... Mais aussi une voix peut dire Ç Je suis la lampe È [P 181], comme si la lampe mme parlait par la voix (dans une sorte de prosopope transcendantale), comme si la voix tait faisceau lumineux vibrant, langue de feuÉ Les acousmates faisant chanter la lumire, dans la grande tradition de Dante[11], sont par excellence ces acousmates harmonieux o lĠÏuvre trouve ses cadences les plus heureuses : Ç La lumire tait si intense ! [É] on et dit le prsent sans fin, lĠespace sans ici ni ailleurs, les essences seules tre dans leur ample bruissement clair dĠair qui monte en vibrant au-dessus dĠun feu È [RT 147] ; Ç Donne-moi ta main et prcde-moi dans lĠt mortel / Avec ce bruit de lumire change, / Dissipe-toi me dissipant dans la lumire È [P 278] ; Ç Toutefois le soleil bourdonne sur la vitre, / Et, lĠme enveloppe de ses rouges lytres, / Il descend, mais en paix, vers la terre des morts. È [P 299]
Enfin, la richesse acousmatique de cette Ïuvre est telle quĠon peut y entendre des acousmates de toute nature, cĠest--dire selon tous les tages de la scne acousmatique. Tout dĠabord des acousmates au sens restreint, proprement dits, autrement dit des sons aussi tnus et hypothtiques que le chant des anges dans la tradition mystique : tel est le chant du Phnix, dans Douve [P 75] repris sous forme de Ç chant des morts È dans Hier rgnant dsert [P 124] ; tel est encore Ç le bruit du pinceau È [RT 75] ; tel encore le chant entrecoup de silence qĠun ange de lumire ayant pris lĠapparence dĠun enfant [SL 91-92]. Puis ce quĠon peut appeler des acousmates en cho : dans un vnement sonore Ç objectif È sĠentend un autre son (le pome Aux arbres, dans Douve : dans le bruissement dĠarbres sous le vent, autre chose prend voix : Ç JĠentends travers vous [les arbres] quel dialogue elle [barque des morts] tente / Avec les chiens [É] Le tonnerre profond qui roule sur vos branches [É] signifie [É] È [P 65][12]) ; et parfois cette prise de voix est opre par une instance mtaphysique : Ç JĠentends dj grandir le bruit dĠun autre gave / Qui sĠapaise, ou se perd, dans notre ternit. È[13] [P 222]. Ou encore, cet acousmate qui est comme lĠamplification dĠune des petites perceptions leibniziennes, le bruissement du sang transfigur en voix potentielle et mme imminente (ce thme est rcurrent dans lĠÏuvre) : Ç Ouvre-toi, parle-nous, dchire-toi, / Couronne incendie, battement clair, / Ambre de cÏur solaire. È [P 246] ; Ç dj retombe / La draperie de sang, grand bruit sourd, / Sur la lumire È [P 261]É[14]
Enfin, lĠÏuvre est ponctue par lĠmergence rgulire dĠacousmates spcifiquement philosophiques, je veux dire trouvant leur origine dans lĠabstraction philosophique, comme si, malgr toutes les prventions bien connues de lĠauteur, manait encore de certains concepts le big-bang motionnel dĠune prsence, la faon dĠune vibration rsiduelle. Dans Douve, cĠest nommment les Ç vieilles ides È : certes le feu sĠy est tari, mais elles sont encore Ç retentissantes È [P 92] ; ainsi, dans Hier rgnant dsert, le feu devenu Ç cendre È demeure toutefois Ç bruit de visage mort È [P 121].[15]
Considrant que lĠusage de lĠoreille, activit cruciale dans la construction du sens, est, au cÏur de la cration potique, une instance indispensable, ce que les paragraphes qui prcdent permettent de confirmer propos de lĠactivit de Bonnefoy, jĠimaginerai donc ce pote dans son activit acroamatique et je lĠenvisagerai pour ce faire sous les traits dĠun musicien, frre attentif de la Ç musicienne du silence È qui joue ses acousmates dans nos mmoires modernes, et sur laquelle il a consacr bien des lignes[16]. CĠest pourquoi je voudrais, au fond, esquisser ici son portrait en Matre de Chapelle, afin de retransmettre, autant que faire se peut, les voix dont son oeuvre est le corps conducteur. Pour se faire je tenterai de diriger mon oreille[17] vers certains retentissements acousmatiques rvlateurs, sans les prsenter dans une taxinomie charge de leur faire produire du sens, mais en restant sans cesse attentif aux tensions significatives quĠune telle coute de lĠÏuvre peut rvler.[18]
QuĠest-ce quĠun Kappelmeister ?
Je retiendrai de ses activits diverses celles quĠYves Bonnefoy me semble mettre tout particulirement en Ïuvre : un Kappelmeister est dĠabord un compositeur ; il est ensuite un matre de chÏur (et un chef dĠorchestre) ; amen jouer ses Ïuvres dans des lieux divers, il est enfin un acousticien. Telle est la triple mtaphore que je voudrais faire dfiler maintenant : le pote comme auteur de partitions acousmatiques, dans lesquelles les voix sont au premier plan ; comme excutant de sa propre composition acousmatique ; comme ordonnateur de lieux acousmatiques o elle puisse retentir de la meilleure faon possible. Dans ce parcours en forme de triptyque, la voix sera donc comme le fil conducteur du cheminement, la note fondamentale des harmonies ou disharmonies qui en jalonneront les stations. En effet, la voix est sans doute au cÏur des proccupations de Bonnefoy.[19]
*
Comme Ç compositeur È, Yves Bonnefoy, me semble-t-il, mle dans son Ïuvre deux grands styles quĠon pourrait croire incompatibles, mais qui instaurent des tensions sans doute puissamment sduisantes, coup sr rvlatrices. Y retentissent en effet beaucoup de bruits qui lĠapparentent la musique concrte, alors que, par ailleurs, la texture la plus frquente possde une pte de nature no-classique voire no-romantique.
Comme compositeur concret (Ç Nous / Parmi les bruits È [P 266], Ç Nous / Au fusant du bruit È [P 267]), Bonnefoy construit un paysage sonore martel de coups pres et sourds qui est certainement un des Ç vrais lieux È de lĠÏuvre. Heurter, marteler, pitiner sont des actes acousmatiques obsessionnels et leur inscription dans la destruction du beau peut faire penser au refus du concept de beaut dans la musique concrte ou chez Xenakis (la beaut Ç sera faite sang et cri È [P 136] ). Le pote recueille donc dans son pome toutes sortes de bruits contondants qui dchirent et blessent les tympans : cri de la pierre (Ç ï pierre grise [É] ouvre-moi le port de ton cri È [P 145]), cri des rocs [P 47], cri de lĠinsecte [P 239], Ç valles qui sont des abois È [VE 58], Ç les coups profonds du fer È [P 159], bruit de fourgonnette [P 296]É
Mais, lĠinstar de Ç ces rumeurs et ces grondements [qui] sĠamenuisent parfois jusquĠ parler du silence È [VE 177], dĠautres dynamiques, au sens musical du terme (intensit), sont galement enregistres et places des moments cruciaux de lĠarticulation du pome.[20] Tels sont les si nombreux bruissements dont se constitue le paysage sonore de lĠÏuvre : le passage du vent dans les arbres [P 222, P 239], le bourdonnement des abeilles [P 227, VE 216]], le roulement prcipit de lĠorage Ç au cÏur des frondaisons È [P 72], les flux et reflux plus ou moins renfls de toutes sortes de phnomnes liquides – bruit de mer (Ç bruit de mer lassant et sourd È [P 241][21]), Ç bruit constant de la vague È [VE 127]), bruit dĠcume [P 186, P 238], bruits de fleuve [P 305], bruit de ruisseau [SL 66], bruit dĠeau tout simplement [P 109, RT 19]. Mais tels sont aussi les vnements ponctuels touffs dans leur mergence : bruit de pas hsitants et lointains [P 112, P 118, SL 75], pitinement des btes [P 286], Ç bruit de fruits simples qui tombent È [P 172][22], Ç [b]ruit, clos, / De la perche qui heurte le flot boueux È [P 256] , le volet qui vibre [P 253, 312]É[23]
Toutefois cet usage des bruits concrets doit tre le plus souvent, me semble-t-il, entendu comme la crispation rarement sereine sur ce quĠYves Bonnefoy appelle le Ç bruit du monde mort È.[24] Reprend-il ici lĠimage acroamatique du Cymbalum mundi, la Ç Cymbale du monde È, qui reprsente le monde de la matire, selon certaines conceptions chrtiennes, comme une cymbale dĠo manent des vibrations dsordonnes autant quĠassourdissantes et chaotiques, toutes charges de ngativit, de dsordre, de dsespoir, de dsarroi[25] ? Exprime-t-il par l une sorte de fascination devant le lourd parasitage de lĠtre par la matire,[26] tel quĠil a pu y tre sensible dans sa formation mtaphysique, de Platon Hegel, en passant par Chestov[27] ? Je ne sais. Ce qui est observable en tout cas, cĠest que ce bruit vient brouiller, contaminer ce qui est nomm ailleurs la Ç vote chantante È [P 151] ou encore, dans une expression peut-tre venue du mysticisme rhnan, Ç lĠailleurs, lĠboulement obscur, le bruit sans fond, la matire È [RT 126]. Le tout dbut de Dans le leurre du seuil fait rsonner cet autre univers sonore dont le prcdent, concret, heurt, dchir, nĠest que la parodie, lĠcho distordu : Ç nouveau ce bruit dĠun ailleurs, proche, lointain È [P 253].[28] Ainsi comme Ç compositeur concret È, Bonnefoy semble osciller entre un accueil gnreux des bruits (Ç Et que de plnitude est dans le bruit, / Quand tu le veux, du ruisseau qui dans lĠherbe / A recueilli le murmure des cloches È [SL 66]) et une mfiance mtaphysique leur gard au nom dĠune postulation systmatique vers un empyre des sons, Ç [c]omme si au-del de toute forme pure / Tremblt un autre chant et le seul absolu. È [P 159]
CĠest l que vient prendre place lĠautre style compositionnel de Bonnefoy : cĠest que, pour lui, sans doute un contrepoint paradoxal doit-il tre construit entre ces deux mondes esthtiques plutt htrognes et dissonants entre eux : aprs avoir err Ç cte cte, longtemps / Interrompues, obscures È, les voix ont Ç soif de se trouver È [P 291]. Il faut crer un Ç rapport de musique È [P 300].[29] Et il semble que la figure tutlaire prsidant au bon accomplissement de ce travail soit prsente sous diffrents visages intercesseurs : Poe, Boris de Schloezer, qui entend dans son agonie Ç une musique / Dont ses proches ne [savent] rien È [P 255]; Mozart, aussi, mais un Mozart qui aurait intgrer des coups de gong, comme le suggre Pierre crite : Ç Vois, ce nĠest pas Mozart qui lutte dans ton me, / Mais le gong, contre lĠarme informe de la mort. È [P 197]
Des tensions sont en effet nettement audibles entre lĠici et lĠailleurs, et ces tensions trouvent une sorte de rsolution qui fait de leur dissonance un bonheur : Ç Ici lĠinquite voix consent dĠaimer / la pierre simple [É] LĠinquite voix / Heureuse sous les roches du silence, / Et lĠinfini, lĠindfini rpons / Des sonnailles, rivage ou mort. È [P 171] Autrement dit, on assiste quelquefois lĠintgration de lĠunivers sonore concret (sonnailles) une musique o les dissonances de lĠinquitude se fondent dans lĠharmonie dĠun certain bonheur, dĠun bonheur certain, dans lequel le monde matriel semble toujours prsent ici, rsonance continue, sans pour autant laisser dĠtre projet sur un ailleurs en forme dĠempyre.
CĠest pourquoi jĠai parl de no-romantisme, un no-romantisme la Wolfgang Rihm[30], capable de faire tenir ensemble grosse caisse, violoncelle et alto pour voquer les errances de Verlaine et Rimbaud ainsi que le parasitage de la mlodie verlainienne par la percussion rimbaldienne[31]É Un pome dĠAnti-Platon mettait sans doute dj la puce lĠoreille, en rvlant un pote, je veux dire un compositeur, sensible aux transitions, qui sont autant de mises en relation dĠlments htrognes, et ce, par le jeu de la rsonance de proche en proche : cet tre est, nous dit Bonnefoy, Ç sensible la modulation, au passage, au frmissement de lĠquilibre È [P 41]. Je rappellerai que lĠart des modulations constantes tel quĠun Wagner lĠa pratiqu, par exemple dans Tristan, a ouvert la voie au srialisme, cĠest--dire lĠexpression la plus vertigineuse des passages et frmissements relevs dans Anti-Platon. Or tout dmontre lĠenvi que Bonnefoy refuse le srialisme, malgr quelques tentatives peut-tre de dconstruction de sa prosodie traditionnelle dcelables dans le recueil Dans le leurre du seuil.
La vertu de ces modulations, lorsquĠelle ne tombent pas dans lĠindtermination du srialisme, est en effet quĠelles font basculer lĠattention auditive dans un entre-deux constant, entre deux lments successifs certes, mais aussi entre deux mondes, qui en deviennent dsormais, malgr leur htrognit, chos, Ç rpons È, lĠun de lĠautre. Ici et ailleurs mls dans un entrelacs de vibrations.
QuĠen est-il, ds lors, de lĠattitude auditive de Bonnefoy devant les timbres – tant donn quĠun timbre, dans sa texture, capture les vibrations dĠune faon particulire, qui fait sonner diffremment la mise en relation de lĠici avec lĠailleurs ?
Il faut faire la remarque suivante : Bonnefoy, la suite de Mallarm pense que la musique de la posie nĠest pas lĠimitation de celle des instruments, qui se rduit au sonore, car elle avant tout musique des mots. Or, justement, cette musique de mots, telle est du moins notre hypothse de travail, est avant tout acousmatique. Elle nĠest donc pas en principe incompatible avec le retentissement des timbres instrumentaux dans la scne quĠelle construit. Si Bonnefoy assume sur ce point lĠhritage mallarmen, il nĠen reste pas moins que pourtant, dans son univers acousmatique, vers lequel je mĠefforce de diriger mon oreille et la vtre, retentissent quelques instruments privilgis : ainsi Yves Bonnefoy est-il un orchestrateur parcimonieux, seuls quelques timbres trouvant grce son oreille,[32] dans une ligne post-platonicienne : la flte[33], surtout, qui sĠentend plusieurs reprises [P 255, SL 16, SL 60, VE 149] Ç des bribes de grandes orgues dans la nue È [VE 41], Ç un petit violon È [VE 107] ; mais surtout quelques instruments percussion, les Ç tambours exultants de tes gestes È [P 47] et, principalement, le gong, dj mentionn, dont une variante timbrique dfinit priphrastiquement lĠeffet, Ç vibrant clair È, Ç airain qui sonne È [P 289] : effet de vibration prolonge et pntrant tout jusquĠau silence, paradigme fascinant de lĠentre-deux quĠon vient dĠvoquer. Cet entre-deux est parfois peru lĠoccasion dĠun brche opre fort acousmatiquement par un instrument au nom tu mais qui nĠest pas sans rappeler un pisode biblique, sorte de trompette acousmatique dĠun Jricho ontologique : Ç O notre force et notre gloire, pourrez-vous / Trouer la muraille des morts ? È [P 113] ; Ç Il nĠose pas savoir / [É] sĠil a droit dĠaimer cette parole dĠaube / Qui a trou pour lui la muraille du jour. È [P 131]
De fait, plus quĠun homme dĠorchestre (lĠorchestre qui sĠavance dans lĠpigraphe du prsent article produit une Ç musique affreuse È, une inondation assourdissante dĠinsectes monstrueux), Yves Bonnefoy est un compositeur vocal, un musicien de voix solistes, parfois de chÏur, sans doute fascin par lĠopra.
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Au martlement du bruit dchirant le paysage sonore et lĠinsistance des percussions dans lĠorchestre acousmatique correspond ce que Michle Finck analyse dans lĠarticle cit, la Ç raucit È de la voix. : Ç Ta voix, soudain, / Est rauque comme un torrent. È [P 253][34] Ë ce titre, Bonnefoy a sans doute intgr dans sa technique vocale certains aspects du sprechgesang post-schoenbergien, sans pour autant admettre, du moins en totalit, le travail de dsarticulation et de dcomposition de la voix tel quĠont pu le conduire des musiciens comme le Ç savant È Berio[35] ou le Ç sauvage È Xenakis.[36] Sans doute y a-t-il pour lui, dans une Ç raucit È pousse lĠextrme, quelque chose dĠinsoutenable parce que dsormais indchiffrable : le pome en prose intitul prcisment LĠindchiffrable propose lĠaudition fortuite dĠun entrelacs de voix dsarticules, Ç comme ces discours dĠobsds quĠon entend parfois, travers des cloisons, et qui se perdent, dans les rumeurs de lĠimmeuble, mais recommencent, hlas ! Je pense aussi des litanies. È [RT 124] Ainsi considres, les litanies sont plus proches du bgaiement rptitif, dans lequel le sens est aval, que du rituel invocatoire, o il est en rserve. Quelques lignes plus bas Bonnefoy prcise : Ç malheureusement cĠest ml, ce fragment de sens, des grumeaux qui semblent dĠune nature tout autre, agrgats de voyelles ou de consonnes quĠon dirait entasses l par hasard ÈÉ SĠil doit y avoir dans la voix des Ç fissures È, des Ç grondements È, des Ç chos È et mme du Ç silence È (pareil celui Ç des pentes que parsment de grandes pierres È) [RT 129], cela ne peut aller jusquĠ constituer Ç une profondeur rsonnante mais touffe de ravin o lĠon ne va pas, cause dĠabord des arbres qui sĠentremlent l, lĠhorizontale presque, sur les pentes. È [RT 124] Il y a pentes et pentes : les premires, dpouilles et peu encombres, donc praticables et propices ; les deuximes, redoutables parce quĠenchevtres et chaotiques. Voil pourquoi Bonnefoy traite la voix avec parcimonie, lui assignant la plupart du temps dĠmerger du pianissimo afin dĠy retourner aprs avoir fait entendre, en atteignant toutefois rarement le fortissimo, un grain perturb, mais point trop nĠen faut, par la concrtude et la corporit de la raucit : Ç Nous ne parlions que peu, voix rouille / Comme on cache un clef sous une pierre. È [P 322] ; Ç Nous, la voix que refoule / Le vent des mots. È [P 266]É
Les arias, duos ou chÏurs les plus fondamentaux semblent donc tre fonds sur le parlando, mais un parlando dans le piano et mme le pianissimo (avec parfois des chÏurs de souffle comme dans Cendres de Xenakis) : Ç toi [É] parlant bas È [P 186] ; Ç nous nous parlions bas È [P 190]É Cette messe basse rcurrente ne doit pas tre entendue comme une oraison, plutt comme un rituel la limite de perdre son sens : Ç Il ne faut plus tenter dĠunir voix et prire È [P 197] ; Ç Qui es-tu ? Je ne sais de toi que les alarmes, / Les htes dans ta voix dĠun rite inachev. È [P 199] Le parler bas dĠailleurs peut aussi tre le parler dans le grave, dans une attraction vers lĠinfra-son au nom de Ç lĠintuition qui fit se pencher Homre / Sur des sons de plus bas que ses cordes dans / La maladroite lyre des mots terrestres. È [P 97]
Il y a donc une inquitude de la voix, tiraille par lĠentre-deux, prsentant la fois les volutes mlismatiques du bel canto, du chant grgorien ou de lĠars nova la manire de Guillaume de Machaut, et les crpitements parasitaires des clappements, craquements et autres claquements quĠune fivre intense ne cesse de produire : Ç voix consume par une fivre essentielle È [P 181], la voix de prdilection est Ç [l]Ġinquite voix / Heureuse sous les roches du silence, / Et lĠinfini, lĠindfini rpons / Des sonnailles, rivage ou mort. È [P 171] Une telle voix, place sous la double ascendance dĠun silence idal et dĠune percussion incessante, est aussi directement relie aux bruissements acousmatiques de lĠappareil circulatoire : Ç Il y avait un dmon dans ces veines / Qui sĠest enfui en criant. / Il y avait dans la bouche une voix morne sanglante / Qui a t lave et rappele. È [P 249] Cette formule est la toute dernire du dernier pome de Pierre crite intitul Art de la posie : cĠest dire lĠimportance pour Bonnefoy de la composition vocale considre comme un alliage dans la voix entre dĠune part ce qui y fait entendre le corps propre, mais aussi la chair du monde, et dĠautre part ce qui pointe vers lĠidalit du souffle. Alliage, cĠest--dire aussi quilibre, et lĠon retrouve ici la tension instaure dans lĠorchestre bonnefoyen entre musique concrte et musique no-romantique.
CĠest dans cette perspective quĠil faut entendre, me semble-t-il, les nombreuses formules dans lesquelles sĠexprime, sur le plan vocal, cette tension : Ç votre voix, qui a en elle des fivres, qui a voulu la musique È [VE 131] ; Ç chant naufrag È [P 195] ; Ç Il y avait / QuĠune voix demandait dĠtre crue, et toujours / Elle se retournait contre soi et toujours / Faisait de se tarir sa grandeur et sa preuve. È [P 137] ; Ç Oui, par le bonheur simple, la voix brise. È [P 331]É Ce tiraillement de la voix entre lĠici de sa raucit et lĠailleurs de son chant[37], il arrive Bonnefoy de le nommer ironie (Ç La voix tait dĠironie pure È [P 154] ; dans la voix de Kathleen Ferrier Ç [t]oute douceur toute ironie se rassemblaient È [P 159]).
Ainsi, si les voix, Ç [i]nterrompues, obscures È, errent dans lĠentre-deux avec la Ç soif de se trouver È [P 291], cĠest toujours dans un ressaisissement sous les auspices du silence et de la nuit quĠelles peuvent se reprendre et retrouver leur direction : Ç LĠoiseau dans lĠarbre de silence avait saisi / De son chant vaste et simple avide nos cÏurs, / Il conduisait / Toutes voix dans la nuit o les voix se perdent È [P 153] Autrement dit, il y a comme une cole de la simplicit, dont lĠoiseau est le matre. QuĠy apprend-on ? Ce qui est ncessaire la voix pour permettre sa rdemption, entre absolu et matire. Ç Que te faut-il, voix qui reprends [É] ? È : quatre choses, Ç [l]e temps divin È, Ç [l]a patience È, Ç [l]Ġattente indivise È et Ç [l]Ġheure aux arches ouvertes È [P 230], la premire et la dernire tant des dons, ou des circonstances (la premire venant de lĠabsolu, la dernire de la matire), les deux centrales tant des qualits que la voix doit se construire afin de mriter les deux autres.[38]
Les voix selon Bonnefoy sont donc voix troues (par la nuit [P 315, SL 74, SL 76] par le vent [P 263]), cĠest--dire des voix que purifie un crible mtaphysique, pas des voix disperses, dissmines, passes au pressoir confus du Cymbalum mundi.
Sont-elles ce titre autant de versions de Ç [l]a voix dĠÎdipe sauv È [P 173], comme si diriger le chÏur des voix acousmatiques consistait lui viter chaos et drliction ? CĠest probable, mais peu nous importe ici. Ce qui retient notre coute, cĠest la labilit incessante qui fait glisser les voix vers le silence et dans la nuit : Ç Comme ta voix sĠen va, ouvrant parmi ses ombres / Le gave dĠune troite attente murmure. È [P 199]
Cette labilit semble nous faire quitter ce monde pour nous diriger vers lĠUn plotinien, ce qui pourrait faire tension avec les postulations inaugurales dĠAnti-Platon : Ç il sĠagit bien de cet objet : la tte en cire dĠune femme tournant chevele sur le plateau dĠun phonographe. [É] Ce rire couvert de sang, je vous le dis, trafiquants dĠternel, visages symtriques, absence de regard, pse plus lourd dans la tte de lĠhomme que les parfaites Ides, qui ne savent que dteindre sur sa bouche. È [P 33]
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Toutefois intervient ici une des qualits majeures du Kappelmeister Bonnefoy : son sens aigu de lĠacoustique, qui signe lĠinscription indfectible de ce plotinisme tantt subreptice et tantt revendiqu[39] dans des lieux spcifiques et concrets, qui sont autant de scnes (comme le Ç thtre È initial de Douve en tmoigne [P 45-63]) o peuvent retentir toutes les compositions possibles. A contrario, des lieux o lĠacoustique est brouille, marque indfectiblement par les parasitages des bruits chaotiques du corps et du monde, ces lieux sont rcuss : Ç Il y a dans ces rgions extrmes du Nom une profondeur rsonnante mais touffe de ravin o lĠon ne va pas [É] È [RT 124] Il sĠagit en fait systmatiquement pour Bonnefoy dĠ Ç [lever] [É] lĠhorizon dĠune voix È [P 121].
DĠailleurs Anti-Platon (1947) signalait dj quĠon tait toujours Ç captif dĠune salle, du bruit. È [P 37] Ce qui bien sr, annonait les thmes asymptotiques lis lĠarrire-pays, mais sans sĠy puiser : en indiquant plutt la ncessit dĠun travail acousmatique consistant tester les lieux, la recherche des vrais lieux, ceux qui permettent aux voix dĠtre la fois mlodieuses et traverses de raucit. LĠpreuve de ces lieux, cĠest lĠpreuve de lĠcho, et Dans le leurre du seuil indique bien que lĠacoustique acousmatique est un art de lĠcho, une recherche de la matrise de lĠcho : Ç JĠentre donc par la brche au cri rapide. È [P 288] ; Ç coute. / LĠcho nĠest pas autour du bruit mais dans le bruit / Comme son gouffre. È [P 267] En effet lĠcho peut quelquefois tout envahir et tout brouiller, vertigineusement : Ç On lui disait, de loin : Viens, et il nĠentendait que cet claboussement du son qui se rpand sur les dalles. È [SL 156] Les jeux de son et de sens sont donc insparables dĠun lieu : comme on prouve un espace acoustiquement, un cri sĠlve alors, qui a pour effet de faire merger ce lieu vrai : Ç Je crie, Regarde / Le signe est devenu le lieu. È [P 288]
Toutefois le lieu nĠest parfois que la caisse de rsonance dĠun son qui a sa destination ailleurs, dans une exprience acousmatique extrme : Ç QuĠil parle, pour lui seul : les mots retentiront dans un autre monde. È [SL 160] Et de fait lĠacousticien chez Bonnefoy est sans cesse confront un arrire-monde fait de silence et nous retrouvons l la tension fondamentale qui ordonne son univers mtaphysique. Telle ou telle remarque significative rvle une ambigut du silence ( la fois pesant et librateur) que seule lĠaccommodation acoustique est apte lever, par instants : Ç Et les mots trouvaient mal leur voie dans le terrible silence. È [P 179] Voir encore cette autre notation : Ç Le silence / Comme un pont boul au-dessus de nous / Dans le soir. È [P 314] Et quelques pages plus loin : Ç Oui, par la voix / Violente contre le silence de, / Par le heurt de lĠpaule / Violemment contre la distance de È [P 318], o lĠon constate que silence et distance vont de pair et appellent une riposte.[40]
CĠest
pourquoi de ravin en pice
basse (celle ou Ç lĠtre
du cri se resserre È[41], ou encore telle Ç salle basse trs peu
claire È o Ç une voix basse tremble È [P 140]), de Chapelle Brancacci[42] (o Ç [j]Ġentendais plus avant dans une
ombre semblable / Un pas de chaque soir qui descend vers la mer È [P 108])
en lieu dsert dfini comme un Ç sol sonore et vacant È [P 95] ou en
paysage enneig touffant les sons [SL 47, 120, 121], et mme de Ç vote
chantante È [P 151] ou de Ç vote sonore È [SL 94] en
Ç vote de lĠcho È [P 266][43], lĠÏuvre mentionne et dfinit des espaces
dĠacoustique privilgie, un peu la faon de ces temples cho dont Pascal
Quignard nous dit ailleurs lĠimportance dans lĠhistoire de lĠimaginaire sacr
de la musique : Ç Lucrce disait simplement que tout lieu cho est
un temple. È[44]
*
Les jeux dĠchos inscrits dans des lieux tests acoustiquement puis composs acousmatiquement dans le pome font au bout du compte apparatre lĠesquisse dĠun Matre de Chapelle qui serait un Ç matre de la nuit È, cĠest--dire un musicien du seuil[45], un musicien des Ç limites sourdes È [P 62] : entre musique concrte et modulation no-classique voire no-romantique, entre les voix qui se tarissent et celles qui font rsurgence (et dans la voix entre le mlisme et les raclements), entre lĠunivers vocal et les vibrations privilgies de quelques timbres instrumentaux, entre le Ç fate de la parole È et la Ç houle dĠun bruit second È [P 268]. Afin que la nuit et le silence retentisse Ç dĠun autre chant È, encore plus acousmatique et tnu : Ç JĠentends des voix / Ë lĠavant du monde. È [SL 113] CĠest dans cette perspective que je comprendrais la fameuse formule : Ç ÔAu loinĠ prendre musique, Ôau soirĠ se dnouer È [P 245]. Toujours lĠentre-deux et toujours le tropisme mtaphysique plus fort que lĠinscription dans la matire.
En effet la parole des Ç htes de nos soirs È (Ç notre lampe et des feuillages È), cĠest--dire, en terme autoris, la prsence, Ç commence au trembl de nos voix. È LĠpiphanie des dieux est consigne dans un pome en prose (Les dieux [RT 41]) qui fait de ceux-ci un Ç cela È constitu de Ç grappes dĠailes vibrantes È, paradoxalement enfouies dans un silence hors du commun : le lieu de lĠvnement est Ç la plus haute terrasse È avec un Ç parapet È qui fait office dĠobstacle propice la rverbration sonore, mme si, paradoxalement, elle a lieu aussi, comme on lĠa constat, dans les Ç fissures È que la raucit instaure dans certaines voix, Ç ces rebords de prcipice dĠo monteraient des grondements, des chos, et plus loin encore cĠest le silence des pentes que parsment de grandes pierres. È [RT 129]
Ç JĠcoute, rien ne vibre, rien ne finit È [P 299] : de fait le fantasme acroamatique majeur du Matre de Chapelle Bonnefoy est dĠentendre et de composer un son sans vibration, un son hors son, ft-il acousmatique, qui de la sorte ne finirait jamais nĠayant jamais commenc.[46]
On peut dĠailleurs constater que le diapason de Bonnefoy nĠest pas le la, il est le si, note sensible dans la gamme de do, note qui pose donc la fois une stabilit lĠaune de laquelle instruments et voix peuvent sĠaccorder, mais aussi une instabilit, une attraction vers une autre note, une attente toute en tension vers un ailleurs : Ç La note si / Rsonne trs longtemps dans lĠtoffe rouge. È [P 226] Mais si lĠon considre le titre du pome que clt la formule cite (Le sang, la note si) on voit que le si est choisi par paronymie avec le sang et que cette rsonance sĠinscrit dans le bruissement acousmatique de lĠappareil circulatoire. Autrement dit, il y a bien dans le choix du si comme diapason (la note se maintient, la faon dĠune pdale, dĠun point dĠorgue[47]) des considrations qui viennent du penseur de lĠarrire-pays, mais il nĠen reste pas moins quĠil donne aussi y entendre les battements dĠun cÏur tout charnel, saisis dans leur amplification acousmatique.
Il sĠest souvent exprim de faon explicite l-dessus, tout en disant justement parfois le contraire, dans ce tiraillement entre Plotin et Lucrce (ou Berio) que nous avons sans cesse rencontr : Ç crire, potiquement, cĠest effacer dans le mot, par le souci de ce qui en lui est sonorit, musique en puissance, cette part notionnelle qui le met en relation avec dĠautres notions, dĠautres ides È [VE 189] Quand Ç rien ne vibre È, nulle raucit, nulle matire, nul temps. Mais effacer la Ç part notionnelle È nĠest-ce pas, au nom du Ç souci È de la Ç sonorit È, se refuser lĠabsence de vibration et en appeler nouveau la raucit ? Au demeurant Yves Bonnefoy ne parvient jamais effacer le concept. Et mme, plus il efface plus a revient, comme dans la phrase suivante o lĠeffacement (chapper au sens) conduit lĠmergence dĠun dferlement acousmatique, frapp au sceau de lĠidalit du souffle, qui instaure par l une sorte de transcendance du concept (Ç en-avant de lĠesprit È) : Ç Quand les mots du pome semblent chapper leur sens pour dj nĠexister plus que pour de grands vents dans un en-avant de lĠesprit dont on entend presque le bruit qui dcrot ou sĠenfle. È [VE 216]
Nous pensons quĠil faut oublier le penseur dans le pote, oublier le penseur dans le Ç compositeur È acousmatique, car le penseur propage un brouillage dans la pratique potique et bloque lĠmergence dans la langue des rythmes et des sons montant des profondeurs acousmatiques. Lire acroamatiquement Bonnefoy, cĠest entendre ce brouillage mais aussi ce blocage.
Il y a donc bien chez Bonnefoy une sorte de musica reservata, autrement dit un chromatisme secret, accessible seulement un cercle restreint dĠinitis. On peut par consquent aussi le considrer comme un Matre de Chapelle au sens restreint du terme : animateur dĠune confrrie. On sait que sur la scne potique, il existe toujours des disciples, qui relaient surtout le matre penser. Si la musica reservata de Bonnefoy relve exclusivement de la propagation de philosophmes, ses disciples peuvent bon droit faire penser aux lves pythagoriciens pour qui un acousmate est avant tout un enseignement philosophique transmis de faon sotrique par un matre, appris par cÏur et ressass lĠenvi.[48] Dans cet article en tout cas, attentif la musica reservata de Bonnefoy en tant que brouillage et blocage, on sĠest refus se perdre dans le silence idal de la pense[49], tre men du bout de lĠoreille par les seuls acousmates philosophiques de cette Ïuvre, parce quĠon a considr quĠil fallait replacer ces derniers dans leur environnement acousmatique gnral, afin de ne pas favoriser la fascination quĠune coute enchane et un regard exorbit produisent souvent ailleurs.
Patrick Quillier
Universit de Nice-Sophia Antipolis
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[1] Abrviations : Pomes (Du mouvement et de lĠimmobilit de Douve, Hier rgnant dsert, Pierre crite, Dans le leurre du seuil), Posie/Gallimard, 1982 [P] ; Ce qui fut sans lumire, suivi de Dbut et fin de la neige, Posie/Gallimard, 1991 [SL] ; Rue Traversire et autres rcits en rve, Posie/Gallimard, 1992 [RT] ; La Vie errante, suivi de Remarques sur le dessin, Posie/Gallimard, 1993 [VE]
[2] Voir, entre autres, cette formule de Merleau-Ponty : Ç la perception originaire est une exprience non-thtique, probjective et prconsciente. È (dans Phnomnologie de la perception, Gallimard, 1945, p.279)
[3] Ce dlaissement est le contraire dĠune fuite, tel celui que dnonce Bonnefoy dans LĠImprobable : Ç Il y a dans lĠhomme conceptuel un dlaissement, une apostasie sans fin de ce qui est. È (p.21)
[4] Voir ce sujet mon article Ç Des acousmates dĠApollinaire aux voix de Bonnefoy, quelques rflexions sur la Ôfine couteĠ È, dans Littrature et musique dans la France contemporaine, Actes du Colloque des 20-22 mars 1999 en Sorbonne, Jean-Louis Backs, Claude Doste et Danile Pistone d., Presses Universitaires de Strasbourg, 2001. Rappelons ici la dfinition minimale de lĠacousmate : Ç bruit ou son dont on ne saisit aucune cause objective È.
[5] Voir par exemple : Ç Je croyais mme entendre des mots, ou presque / (Presque, soit par dfaut, soit par excs / De la puissance infirme du langage / Passer, comme un frmissement de la chaleur. È [SL 20] ; Ç Mais on ne sait / Si on entend ce mot ou si on le rve. È [SL 130] ; Ç Et jĠentends en moi cette voix, qui sourd du fond de lĠenfance È [SL 159].
[6] Voir encore dans Ç LĠindchiffrable È (Origine de la parole) : Ç Je pense alors, ou quelquĠun me souffle, que cĠest peut-tre l un rbus [É] Il me semblait quĠon mĠapportait un message, que jĠallais entendre un appel. È [RT 127]
[7] Notons quĠon retrouve ici la dimension inchoative.
[8] Le terme acroamatique (du grec akroaomai: Ç couter È, Ç prter l'oreille È, Ç tre un auditeur attentif È, Ç tre un disciple È), prsent chez Leibniz au sens dĠsotrique, a t repris plus rcemment dans son sens premier (Ç relevant dĠun usage de lĠoreille È) par Manfred Riedel (dans Ç Logik und Akroamatik. Vom zweifachen Anfang des Philosophie È, dans Philosophisches Jahrbuch 91, p.225-237) et Juergen Trabant (notamment dans Traditions de Humboldt, ditions de la Maison des sciences de lĠhomme, Paris, 1999, passim). Nous lĠutilisons dans nos travaux dans la perspective dĠune audiocritique qui privilgie lĠoreille comme instance centrale de lĠexprience potique, chez le pote comme chez son lecteur.
[9] Voir Claude Panaccio, Le discours intrieur de Platon Guillaume dĠOckham, Seuil, 1999, notamment pp. 94-108, 153-168, 306-307
[10] Parlant de Picasso, Char crit : Ç Guetteur terr plus qu'embusqu, puisatier l'intrieur du corps humain, il en saisit les troubles et les pulsations. È (dans Îuvres compltes, Bibliothque de la Pliade, p. 596)
[11] Sur ce sujet voir le livre de Paolo Bollini Dante visto dalla Luna (Figure dinamiche nei primi canti del paradiso, Edizioni Dedalo, Bari, 1994, en particulier les chapitres 1 et 4. Ou encore, du mme auteur, lĠarticle intitul Ç Un dispositif visuel dans la posie de Dante È, dans Revue dĠtudes Franaises dite par le Dpartement de Franais de la Facult des Lettres de l'Universit Etvs Lrnd de Budapest et le Centre Interuniversitaire dĠtudes Franaises (livraison automne 98 : publication des Actes du Colloque : Linguistiques, potiques, musiques – Rencontres en marge de lĠÏuvre dĠIvn Fnagy et en hommage en son travail, organis par le Centre Interuniversitaire dĠtudes Franaises, en collaboration avec le Collegium Budapest, lĠInstitut Italien de Budapest et lĠAcadmie des Sciences de Hongrie, les 7, 8, 9 mai 1997), Patrick Quillier d., pp.93-105
[12] Voir le texte Deux musiciens, trois peut-tre [VE 107-109], qui pose la question significative de cet acousmate en tant que tiers-inclus : Ç Y a-t-il un troisime musicien, plus grande distance encore sous lĠhorizon ? È Sur le thme de lĠcho, voir le dbut du texte Sur les ailes de la musique [RT 133]. Et aussi ces formules de Hier rgnant dsert : Ç Plus tard jĠai entendu lĠautre chant, qui sĠveille / Au fond morne du chant de lĠoiseau qui sĠest tu. È [P 152], et de Dans le leurre du seuil : Ç Dans lĠÏuvre / La houle dĠun bruit second. È [P 268]
[13] Voir encore : Ç Et tout ce bruit / DĠabeilles de lĠimpure et douce ternit. È [P 227] Et : Ç Tu coutes le bruit dĠabeilles des choses claires, / Son gonflement parfois, ce absolu / Qui vibre dans le pr parmi les ombres È [SL 66].
[14] Le geste acousmatique initial est parfois indiqu dans le texte : Ç JĠentends (ou je dsire entendre, je ne sais) È [P 128] ; Ç il semble quĠelle coute / Le bruit de lĠautre mer dans ses veines bleues È [VE 94].
[15] Voir aussi lĠcoute de la Ç pense dĠavant È [VE 143].
[16] Voir notamment Ç Mallarm et le musicien È, dans Yves Bonnefoy – Posie, peinture, musique, textes runis par Michle Finck, Presses Universitaires de Strasbourg, pp. 7-21
[17] Michle Finck en appelle Ç une audition de lĠÏuvre dĠYves Bonnefoy È, Ç capable de se placer au point nodal o lĠcriture et la voix changent leur substance. È (dans Ç Potique de la voix rauque È, dans Yves Bonnefoy – Posie, peinture, musique, op.cit., p.33) CĠest dans cette perspective, acroamatique, que se situe notre dmarche.
[18] Un des meilleurs spcialistes de lĠÏuvre de Bonnefoy, Patrick Ne, indique quĠil sĠest refus, pour sa part, afin de ne pas laisser pour compte les proses, conduire une tude qui et t Ç auscultation patiente È, consistant Ç prlever tel segment de tel ou tel livre, de le rapporter tel autre, dans un brassage permanent des rfrences, dans ce jeu dĠchos gnralis È quĠil avait tout dĠabord envisag (dans Potique du lieu dans lĠÏuvre dĠYves Bonnefoy ou Mose sauv, PUF, 1999, pp.9 et 10) Aussi conduit-il dans cet ouvrage une Ç recherche perdue dĠun centre qui permette dĠchapper la dialectique (initialement reconnue mauvaise) de lĠIci et de lĠAilleurs È. (ibid. p.12) Nous avons cout lĠunivers acousmatique de Bonnefoy dans lĠÏuvre entire, mais nous restons sensible au Ç jeu des chos È, sans oublier toutefois que notre coute restera forcment partielle, et cĠest pourquoi il sĠagit ici dĠesquisses.
[19] Voir lĠarticle de Pierre Brunel Ç Yves Bonnefoy : LĠvocation dĠune voix È, dans Yves Bonnefoy – Posie, peinture, musique, op.cit, pp. 23-32., qui analyse certains pomes centrs sur lĠvocation dĠune ou de plusieurs voix, notamment le clbre Ë la voix de Kathleen Ferrier, en les rattachant un phnomne de retour lĠenfance et la figure de la mre.
[20] Michle Finck fait par exemple cette juste remarque selon laquelle chez Bonnefoy le pianissimo Ç est toujours le signe distinctif des moments dĠpiphanie È. (art. cit., p.35)
[21] Voir aussi P 275
[22] Voir aussi RT 17
[23] Dans Rimbaud par lui-mme (Seuil, 1961, p.68), Bonnefoy fait une remarque qui en dit long sur son propre tropisme auditif vers les bruissements naturels : Ç Habit par les voix du vert, du clair, du vgtal et des eaux, hant, vcu par ces manations de la profondeur incolore, il [Rimbaud] sent se dsagrger en lui les problmes dĠune personne et, devenu transparence, il est vraiment, au lieu comme autrefois de mditer et dĠagir. È Si donc les rumeurs naturelles en appellent une coute flottante, un consentement au monde sans arrire-pense, il est toutefois permis de faire remarquer que Bonnefoy ne sĠen tient pas la simple constatation auditive, et quĠil la recharge dĠune rflexion o se laisse percevoir sa culture philosophique.
[24] Voir encore : Ç JĠai cd au bruit mort qui remuait en moi. È [P 152]
[25] On retrouve ce dispositif symbolique de la Ç cymbale du monde È, rendant sont bruit sous lĠaction de lĠhomme, dans un image de Dans le leurre du seuil : Ç Moi le maillet / Qui heurta, coups sourds, / Le ciel, la terre noire. È [P 296]
[26] Certes, on peut difficilement nier cette affirmation de Michle Finck selon laquelle Bonnefoy Ç est venu la posie par un acte dĠadhsion la matire È (art.cit. p. 36), ce qui entrane, selon la mme commentatrice, le fait que Ç la Ôvoix rauqueĠ bouleverse Bonnefoy parce que la raucit fait don de la matire. È (ibid., p.35) Cependant, il nĠen reste pas moins vrai que les radiations mtaphysiques issues des grands systmes idalistes rendent cette adhsion quelque peu ambigu. Michle Finck elle-mme conclut ainsi : Ç Le son ÔrauqueĠ ne rsume-t-il pas la double postulation de la posie, tendue entre le parti-pris de la matire, de la finitude, de lĠalliance de la faille et de la forme (raucit) et le dsir de lĠidal, de lĠternit, de la perfection formelle close sur elle-mme (refus de la raucit) ? È (ibid. p.41)
[27] Dans un Ç Entretien avec John E. Jackson È, Bonnefoy dit ceci de Chestov, ce qui semble bien donner un indice de lĠinfluence du Russe sur le Franais eu gard lĠattitude notique devant la matire (si du moins on associe temps et matire) : Ç Chestov lui-mme a peur du temps [É] QuĠon ne retienne que ses valorisations, – la prsence contre lĠessence, ce quĠon aime contre ce qui est, ou passe pour tre – et on pourra aboutir une ngation de lĠabsence, une rsurrection de ce qui se perd, mon avis mieux fondes en comprenant que lĠabsolu que nous dsirons gt dans la plnitude dĠune seconde o intensit vaut ternit. È (LĠArc nĦ66, p.88)
[28] Dans une analyse quasiment acroamatique du Corbeau de Poe, Bonnefoy lui-mme nous indique quel point le bruit est pour lui une notion dimension mtaphysique : Ç le bruit entendu chez Edgar Poe nĠest plus un bruit naturel È ; il est un Ç signifiant dpourvu de tout signifi È ; mais il est Ç charg par Edgar Poe – ou du moins, par son pome – de signifier le nant È. (Dans Ç Mallarm et le musicien È, dans Yves Bonnefoy – Posie, musique, peinture, op.cit. pp.11-12)
[29] CĠest, dĠaprs Bonnefoy, ce que russit Poe dans Le Corbeau : transcrire une Ç exprience de caractre mtaphysique (É) comme une mise en question aussi de la tradition musicale. QuĠest ce quĠa t lĠvnement initial, en effet, sinon un bruit dans un pome lui profondment musicalis, cĠest--dire en rapport analogique avec un art qui sĠest institu comme un systme de sons ? È (ibid., p.11)
[30] Composteur allemand contemporain, n en 1952.
[31] Allusion un passage prcis de la partition de Rihm intitule Ersten Doppelgesang, revendique comme musique programme portant sur les deux potes franais (pour Alto, Violoncelle et Orchestre, Ïuvre compose en 1980)É
[32] Ainsi quĠun instrument inou, proprement acousmatique, produisant Ç les tagements dĠun son clair : cliqutements qui passent comme des rires, bruissements dĠune brise dans des feuillages, brves ondes jaunes et rouges. È [VE 108-109]
[33] Il semble que la flte retentisse dans lĠespace acousmatique bonnefoyen en ce quĠelle se manifeste comme un hritage philosophique : le pote lui-mme souligne son rle de paradigme dĠune musique Ç des sens È, Ç musique motionnelle, musique non de la harpe dĠApollon mais de la flte, celle du berger, celle aussi de la courtisane. È (dans Ç Mallarm et le musicien È, op.cit., p.8) Cette musique-l est considre dans cet article comme oppose la musique savante, dans une perspective post-platonicienne.
[34] Le pome majeur de la raucit est bien sr Voix rauques [RT 129-130].
[35] Se fondant sur ses activits au Ç Studio di fonologia È de Milan, quĠil a cr avec Bruno Maderna, Berio compose des Ïuvres o la voix est envahie par le consonantisme et les borborygmes (Sequenzia III) ou entrelace dĠautres voix traitant toutes sortes de styles vocaux (Sinfonia, Recital 1 for Cathy, Laborintus 2).
[36] On pense notamment Nuits (et en particulier sa toux grave finale) et As o un baryton tire sa voix jusquĠau fausset, au hurlement prolong, au cri strident.
[37] Dans son chef dĠÏuvre en matire de composition vocale, Sur les ailes de la musique [RT 133-137], Bonnefoy crit : Ç ce chant est ici autant que l-bas È [RT 135]. Voir les commentaires de ce pome dans Pierre Brunel Ç Yves Bonnefoy : LĠvocation dĠune voix È, art. cit., pp.27-28 et dans mon article Ç Des acousmates dĠApollinaire aux voix de Bonnefoy, quelques rflexions sur la Ôfine couteĠ È, art. cit., pp. 188-189
[38] Certaines voix sourdent du monde animal pour prsenter lĠoreille (mais aussi la pense) une assomption de la matire. Par exemple : Ç le grillon / Effray a repris, hors de la mort, / Son chant qui est matire faite voix / Et, peut-tre, lumire, mais pour rien. È [SL 36] ; Ç Des mouettes crient leur me tes vitres givres È [SL 103].
[39] Patrick Ne a cette formule situant la posie de Bonnefoy Ç dans une gypte de nulle part o coule le Nil – le rien – de lĠĉtre ; moins le fleuve dĠHraclite que celui de Plotin, le fleuve Un o brillent les instants multiples du monde. È (op. cit., p.13)
[40] Toute la stratgie de LĠpars, lĠindivisible, dernire section de Dans le leurre du seuil consiste marteler un consentement volontaire qui est insparable la fois dĠune violence concerte (Ç ÔcrireĠ, une violence / Mais pour la paix È [P328]) et dĠun retour la musique des commencements (Ç Et par ces quelques mots que jĠai sauvs / Pour une bouche enfante / [É] / CĠest dj musique dans lĠpaule, / Musique dans le bras qui la protge, Parole sur des lvres rconcilies. È [P 327] On dirait l que le Ç Matre de Chapelle È tablit la partition dĠune voix dĠalto confie un garonnet, et destine tre chante dans un lieu lĠacoustique intime (tout le pome oppose un ici qui est lĠintrieur dĠune masure un dehors qui est la nature tout entire), si intime dĠailleurs quĠil semble rsonner mme le corps, de faon doublement acousmatique. En sorte que lĠimage ultime du ciel Ç Infini / Mais tout entier soudain dans la flaque brve. È [P 332] ne fait que replacer dans lĠordre visuel un dispositif dj mis en place sur le plan acousmatique.
[41] Le cri, chez Bonnefoy, est proche du bruit, trait distinctif du rien, comme on sĠen est aperu plus haut ; sur ce sujet, les formules de Roger Munier commentant Dans le leurre du seuil nous semblent pertinentes : Ç le cri, dĠabord, pouse le ngatif. Il est comme lĠcho dĠun cri premier des choses dans le retrait du sens. È (dans LĠArc nĦ66, p.18 Voir justement ces formules de Bonnefoy : Ç jĠentends le cri / Qui perce la musique È. [P 304] ; Ç Ici vibra le cri sur le gond du sens. È [P 314]
[42] Ç Ë la chapelle Brancacci, quand il fait nuit È [P 179] Et si Bonnefoy crit, dans le mme pome : Ç (Ë tous les palais du monde pour lĠaccueil quĠil font la nuit.) È, on notera dĠabord quĠil le fait voix acousmatique basse, dans la sourdine dĠune mise entre parenthses, et ensuite que lĠaccueil fait la nuit est aussi un accueil fait la fine coute : la nuit favorise lĠattention auditive, est propice lĠmergence de lĠacousmate. Stratgie dĠacousticien subtilÉ
[43] Voir encore : Ç L nous parlions le soir, presque voix basse / Ë cause des rumeurs des votes È [SL 21] ; Ç Es-tu venu pour entendre lĠcho / Des marteaux sous la vote È [SL 27].
[44] Dans La Haine de la musique, Calmann-Lvy, 1996, pp.165/6
[45] Le seuil est le vrai-lieu-limite que cherche tablir lĠacousticien acousmatique : lieu de passage et de rverbration, lieu de partage des sons : Ç Quand les larges vents passent / Le seuil o rien ne chante ni parat. È [P 211]
[46] Voir encore : Ç Oui, par la vibration qui parfois semble finir È [P319]
[47] Un autre passage donne entendre une note persistante pouvant faire office de diapason, et si elle est nĠest pas nomme, on peut toutefois suggrer quĠil sĠagit dĠun si, dĠabord maintenu puis ouvrant, dans sa rsonance, u chemin dans le silence : Ç Dans la note qui, brusque, / SĠintensifie / JusquĠ tre, glaciaire, / Presque la passe // Puis lĠinsistance de / La note tue / Qui dsunit sa houle / Nue, sous lĠtoile. È (P 259]
[48] Voir Les Prsocratiques, dition tablie par Jean-Paul Dumont avec la collaboration de Daniel Delattre et de Jean-Louis Poirier, Bibliothque de la Pliade, 1988, p.1406