MEDECINE ET PENSEE (I) : pierres de gu
ÒLa
philosophie de la mdecine - et son histoire - est un champ immense et qui
reste entirement en friche.Ó
Novalis,
Encyclopdie.
Mais
ce corps, il nĠest pas regard par des observateurs patients regardant Ç le
corps patient È. Ils ont voulu aussi produire un thtre des formes dans
le monde. Un thtre du monde.
Ce
que je dis abruptement, je ne le dis pas assez. Mais la face claire et abrupte
de lĠexpression me permet de le dire vite, et sans dtours.
Entre
le solide diagrammatis et le corps de connexions informes, entre lĠharmonie,
proportionÉ et la facture rellement humaineÉ la pense figurale et
figurative de la vie.
Les
lettres, chiffres, etc. ne sont pas simplement Ç lgende È, mais
parties dveloppes du corps dessin.[1]
La
faiblesse et la morbidit pathologiques nous intressent plus que lĠnergie, la
force vitale, lĠaffirmation ad nauseam de la vie et de la sant. CĠest en tant
quĠelles rsistent
la mort et la destruction que faiblesse et morbidit nous regardent.
La
biologie explique
les processus (par exemple la formation dĠun feuillet embryologique) ; la
mdecine complique
les procs en point-cls qui dsignent causes, signes, symptmes, effets
pathologiques (par ex. la douleur)[2].
La
douleur comme rappel soi de la conscience. Mais elle peut tre autant vigilance
que narcose. Elle sĠintensifie dans la vigilance, mais elle touche des seuils dĠintensit
o elle se tait. (La douleur se renverse-t-elle en tats de vie intensifie ?
Certaines fivres sont bien parfois une consolation du mal.) Dans la narcose,
la douleur lnifiante sĠannule elle-mme dans le mal.
La
douleur.
Bannir,
expulser, rendre, faire naufrage, jaculer : la douleur cĠest cela. La douleur est lĠexprience
mme. Elle est lĠexil en dehors de soi.
Elle
divise en cela quĠelle emmure le dedans et exile le dehors, jette une part lĠextrieur
et une part dans lĠintrieur bant et noir. Quand on se voit dolent, on sĠeffraie
de ces deux gouffres. Dans la souffrance, le regard est fascin, voil sur la
valeur des crasements. Mais si lĠhomme participe la douleur au point de ne
plus pouvoir la considrer, cĠest--dire ne plus la distinguer de lui, il doit
dire oui et invertir la force dolente. Quelles faons de gurisons ? Etre
tout au dehors. Dpli du point lĠtendue, et au del des limites du corps, ou
seulement comme la vie sĠchappe, per tota menbra.
Dispersion
de lĠnergie dolente. Une autre faon : rduction de lĠtendue dolente en
un point - interne ou externe par projection – et fixation de son entlchie.
Enrayement, mais non limination.
Un
des axes principaux du fond communiel de la doxa. Sens commun de la douleur.
Douleur du sensorium commune. Le coeur lourd.
Comprendre la douleur ?
In Court Trait de la Poursuite du Vent, 1992.
La
pense comme philosophie et mditation diffre et s'loigne des pistmologies,
histoires et sociologies de la mdecine dont le pivot est l'analyse des
discours.
Isabelle Stengers avait critiqu les
psychanalystes comme Ç propritaires des troubles de l'autre È. A
chacun de tenir sa place. Nous ne sommes pas non plus engags dans cette pense
en tant que propritaires des savoirs et manquements des mdecins, discours mdicaux,
encore moins des expressions pathologiques. C'est dire si les traits thoriques
que nous esquissons s'apparentent bien plus des lunettes qui servent voir
tantt de plus prs, tantt de plus loin, qu' des positions systmatiques et
par consquent dominatrices.
Questions
de mthode. Jalons pour une pistmologie de la mdecine.
A lĠpistmologie quand elle prend pour
objet la formation dĠune pistm incombe une double tche hermneutique et
historiographique quĠil importe de dcrire.
LĠarchologie est ne du passage de la
collection dĠantiques au catalogue raisonn dĠobjets et la recherche raisonne
de leur origine. Elle nat avec le procs du sujet connaissant et de lĠobjectit
de lĠobjet, tous deux spars par lĠacte de connaissance qui les mdiatise. CĠest
un axe diachronique qui spare lĠhistorien de lĠobjet de son tude, lĠhermneute
du texte quĠil a soigneusement circonscrit, et cĠest cet axe que lĠpistmologie
et la philosophie de lĠhistoire doivent sĠemployer dfinir, sinon dĠune manire
dfinitive du moins pralable. LĠhistorien des sciences et des savoirs prend
pour objet tel savoir, telle pistm, en formation. Sa premire tche est donc une approche
de lĠhistoricit, non seulement en tant que ralit historique donne et temps
local de la formation dĠun vnement, dĠun nonc, mais galement en tant que rgle. Elle nĠest en outre ralit vnementielle
quĠen tant quĠelle est rgle de formation.
Nous
critiquons premirement lĠillusion dĠun regard rtrospectif de lĠhistorien.
Secondement, nous voulons instaurer le moment comme rgle (idation dĠune perception dans lĠexprience ;
concrtion dĠun schme de pense et dĠune exprience de pense).
LĠhistoricit
se prsente dans son principe comme la matrice dĠvnements possibles, la
structure dĠun schme pr-requis destin se dvelopper dans la diachronie
sous la forme dĠune succession chronologique de faits, et dĠune rgle dĠinterprtation
de ces faits. La structure pratique, diachronique, de la formation de lĠpistm
peut ici tre appele chelle dĠinterprtation, dans laquelle chaque Ç palier È
relve dĠun modle analytique spcifique. Nous postulons une gnrativit
intrinsque de lĠvnement (dĠune irruption alogique dans un tissu de faits
successifs), cĠest--dire la gnrativit dĠune actualisation dĠautres vnements
et de possibilits dĠinterprtation (et en tout premier lieu par idation de
nouveaux schmes de pense). LĠhistoricit matricielle se rvle bien diffrente
dĠun continuisme lisse et comporte dans son principe la discontinuit inhrente
toute systmatique, et toute chronologie. Cette Ç discontinuit È
est cratrice de formes.
De
tels procds dĠ Ç individuation È de moments dans lĠhistoire
permettront lĠhistorien de saisir les objets ou les noncs qui sont rests
au premier regard clos sur leur propre historicit, objets ou noncs que lĠhistoire
de la mdecine nĠa pas retenus dans son tissu pseudo-causal.
Elle
rpond une fonction dĠexemplarit, non de modle. Destin intgrer les diffrences
et les spcificits non en les aplatissant, en les lissant, mais en sĠinformant
lui-mme de ces singularits, ce schmatisme ne prtend en aucun cas totaliser
les units distinctives dĠvnements, mais il veut indiquer un sens, un
vecteur, une direction plutt quĠune loi. Il y a communication entre le fait
singulier et le schme pr-requis.
Quelques devoirs pistmologiques :
1.
La ncessit dĠinclure le discontinu dans le principe et dans lĠextension
pratique de lĠhistoricit. LĠanalyse foucaldienne des discours a autoris la
pleine considration de la discontinuit – Ç passage de lĠobstacle
la pratique È (Foucault) - dans son autonomie nonciative et sa singularit,
et dans son rle primordial constitutif de la diachronie et du discours,
occasionnant de nouvelles continuits sous forme de sriations temporelles. Le
principe dĠune discontinuit fondamentale dj amplement dcrit au travers de
la dialectique du non, de lĠapproche et de lĠinachvement bachelardiens. Ç Or,
lĠessentiel de cette dialectisation qui Ç ouvre È sans cesse les systmes
clos en prsence dĠune contradiction apparente, consiste, pour une proprit ou
une proposition A, impose par des principes antrieurs, considrer la dcouverte
dĠun non-A comme constituant, non pas une contradiction par rapport A, mais
une extension complmentaire telle que A et non-A puissent devenir compatibles
en une nouvelle totalit B par rvision des postulats impliquant la ncessit
de A. È (J. Piaget, in LĠpistmologie physique de G. Bachelard).
Faits
historiques, faits nonciatifs ne peuvent tre reprsents ni selon une
successivit ordinale, ni selon une alternance comptitive de positions. Il
faudra encore lĠhistorien exercer la controverse comme mthodologie du
contact entre les discours.
La
question est la suivante (question qui interdit toute administration ÒpacifiqueÓ
de la logique) : la ngation de A est-elle redoublement de la position de
A, ou in effectu
lĠabolition de cette position ? Nous sortons de lĠ Ç esprit de
finesse È de la dialectique.
Histoire
et pense de la mdecine nous sont insoumises. Le catgorme manque. Nous
devons revenir une approche figurale du corpus textuel comme du corps rel,
imagin ou symbolis de lĠhumain.
2.
Le rtablissement de la prgnance de la notion de schme originaire dans la vie de la pense mme, et
ainsi dans la vie de la mthode. LĠobjet particulier que lĠhistoire des
techniques isole est lui-mme le produit dĠun Ç schme originaire È.
Un cercle, une ligne ; un choc et une force qui le perptue deviennent un cylindre
et un piston, une machine de force, une pompe eau, un rouet... LĠalliance de
lĠimage et du concept produit le schme. Elle impose une Ç imagination cratrice È
comme expression de la rationalit. Un nouage entre idation et concrtion doit
tre ici pens. LĠ Ç analyse de la pense È que Foucault
qualifie pjorativement dĠ Ç allgorique È (en rapport lĠanalyse
des discours) concourt nanmoins redfinir le statut pistmologique de lĠimage
pour la pense. La notion dĠun schmatisme pr-requis in theoria mais permable la spcificit
pratique des faits sĠoppose pour une part lĠanalyse historique en termes dĠ Ç vnements
nonciatifs È et discursifs.
Mais
jĠai dj parl de pense diagrammatiqueÉ Le corps malade est un systme de
signes, soit. Mais je dfinis une FORME DE VIE par une anhypothtique dsignation :
cela est. Et ensuite jĠempathise ses kinesthses, etc.
La
douleur, quand on la nomme, est-elle toujours Ç mienne È ?
La
Ç forme de vie È est-elle un sentiment ?
Quel est-il, ce fait que lĠhistoire de lĠpistm en
formation sĠemploie saisir ? Un fait historique et textuel ne se rduit pas
un fait de langage ; il constitue un acte avant dĠtre intentionnalit, au sens o
il noue avec le lecteur, lĠhistorien, un complexe - un complexe de lecture - dont on ne peut rien dire
sinon quĠil demeure impens (cĠest le propre de la pr-intentionnalit) et quĠil
ressort dĠune physique, dĠune connaissance doxique, intuitive. A partir dĠvnements
disperss la smiologie foucaldienne repre lĠintentionnalit des discours
occasionnant des dialectisations de fait et non de nature. Il sĠagit de
substituer lĠanalyse historique en termes de faits nonciatifs une analyse phnomnologique
du fait. (Au pralable, on dira quĠune telle phnomnologie, non seulement
descriptive, interroge une intriorit du signe et une conversion de la
pratique au conceptÉ Schme pratique et schme conceptuel Ç se touchent È
par des actes spcifiques de lĠimagination).
Formation
de lĠpistm mdicale.
Au
vu de ce schmatisme, lĠhistoire de la mdecine, de la pense de la mdecine et
lĠhistoire des dcouvertes semblent devoir en illustrer de faon exemplaire
certaines phases, les grands mouvements si ce nĠest la totalit. Est-ce l un
mouvement gnral dĠune Ç pistm des savoirs È, dĠautant que lĠvolution
des conceptions du monde et lĠhistoire des dcouvertes en mdecine paraissent
procder du mme mouvement dĠassomption dĠun paradigme physique - voire mcaniste
- et de destitution dĠun modle moral - du ieratikon, des conceptions morales
du corps...
Une
mdecine aux prescriptions tranges. Faire dĠun cart une norme, un cart
favorable.
Soigner un organe sain gurit un organe malade. Combattre la douleur non sur
son terrain mais dans ce quĠelle nĠatteint pas. Favoriser lĠtendue dĠun mal
vers lĠindiffrenciation du bien et du mal. Soigner un organe sain, cĠest accrotre
la sant (le plaisir induit)
de lĠorganeÉ
É
Limiter la souffrance non par anesthsie du nerf mais par information nerveuse. Informer le nerf, occasionner
de nouveaux aiguillages, de nouvelles connexions.
Obstacle
incoercible : en nous subsiste toujours un tre-malade, un corps dmonique
de la faiblesse et de la strilit – qui ne veut pas de ces prilleuses
conversions.
Ç ÉCĠest
par mchancet que je refuse de me soigner. È
Ç ÉlĠexcs
de conscience est une maladie, une vritable, une intgrale maladie. È
Ç Je
vous le demande, peut- on vraiment
avoir le moindre respect envers soi-mme, lorsque lĠon a eu lĠaudace de dcouvrir
de la volupt dans sa propre dchance. È
Dostoievski
Le
mal ne se convertit jamais en bien (en autre mal), mais en vertu. Force vitale.
Chez
Novalis, la maladie comme Ç folie corporelle È et Ç ide fixe È.
Douleur :
fine incise devenue tche sombre. Je la bois sans lĠpuiser.
Etre
soi-mme une pense et son prolongement.
Desquamation
acclre. Drglement de la cintique tissulaire. Attente des expectorationsÉ
SueursÉRejets favorables. Clinique de lĠhystrie et des psychoses juge comme
une symptomatologie des grands accroissements de chair.
In
Court Trait de la Poursuite du Vent, 1992.
Dans lĠant-mdecine, nous sommes dj en
prsence de concepts et de pratiques systmatiques dans lĠordre magique. Cette
part de Ç theoria magique È est relgue lĠarrire-plan dĠune doxa
pr-scientifique, et avec elle lĠaspect moral (statut du sujet malade, du sujet
thaumaturge...) propre au ieratikon[3].
Dans
la mdecine pr-scientifique, et dans ses plus anciennes interprtations de la
maladie, la sant est Ç expression corporelle de la dik, la Justice inhrente la
nature des choses È.[4]
LĠorganicit
y est Ç isonomie È, summetria, toujours fonde sur lĠhomostabilit
des lments, qualit des humeurs, puissance organiqueÉ On y voit lĠquilibre
toujours subordonn deux entits : la philia et le neikos, hypostases permanentes depuis la source
de la synthse empdoclenne. La Ç lutte permanente au sein de lĠUn È[5] sĠexprime donc aussi dans la
nature de chaque homme. Le neikos, la haine dsintgrative sĠoppose lĠamour
de la philia, lien ou tissu dĠattracts, dont la forme - la fois statique de lĠUn
et dynamique de cette mme lutte - est une sphre (spharos). LĠant-mdecine repose sur une
lutte abstraite et
physique de principes contraires, sur un imaginaire thico-moral du corps et de
la vie, sur une rmission que promet principalement le sommeil[6].
Dans
le procs du passage dĠune mdecine pr-scientifique une mdecine
scientifique et de la relgation dĠun savoir Ç ngatif È la doxa,
la formation du corpus hippocratique est emblmatique. Autres caractristiques
de ce paradigme distinctif : Ç Ds les temps homriques (..) le
malade passait pour victime de la colre ou de la malveillance des dieux È
; pour lĠcole hippocratique des Physiologues, la mdecine devenait une
tekn, Ç un savoir positif qui fondait son action sur la connaissance du dterminisme
morbide È[7]. Dans lĠant-mdecine homrique
comme dans la tekn hippocratique, la Justice est toujours lie la Ç Ncessit
physique È. Suffirait-il lĠesprit, pour comprendre lĠaffinit et la rpulsion
des principes, ou les lois de la Justice divine, une comprhension
diagrammatique, gomtrisante de la nature humaine ? La sphre pour Empdocle,
les triangles parfaits pour Platon.
Nous
avons parl dĠlments transversaux lĠant-mdecine et la tekn mdicale,
et ceci malgr le marquage de leurs diffrences, et encore ne sĠopposant pas
une rappropriation directe du corps. Nous constatons quĠen dpit des
dispositifs florissants et des interprtations toujours plus mdiates que
promet la tekn, lĠobservation simple se trouve intensifie dans lĠmergence de
la mdecine comme science, jusquĠaux fondements modernes de la mdecine exprimentale.
CĠest
une acception qui nĠest pas loigne de la Ç thorie du fait brut È de Duhem auquel celui-ci
attribue un fait plus une loi physique. LĠenregistrement du fait sĠaccompagne invitablement
dĠune interprtation thorique, et cette interprtation substitue aux donnes
concrtes recueillies par lĠobservation des reprsentations abstraites et
symboliques qui leur correspondent en vertu des thories admises par lĠobservateur.
Ç Duhem, crit Piaget, en est venu dcouvrir que le fait physique est
toujours le produit dĠune laboration complexe et nĠexiste que relativement lĠinterprtation
thorique, autrement dit lĠactivit mathmatique dĠun sujet. È Enfin, le
fait brut Ç nĠest pas simplement imit par le fait conceptuel ou physique,
il est assimil aux schmes logico-mathmatiques et cĠest le produit de cette
assimilation qui constitue la loi È.
Le fait peut tre rduit un contenu schmatique,
une forme dĠacte pistmique dont la nature est prsuppose dans le schme thorique
de sa formation et la dfinition de son historicit (quĠest le principe dĠhistoricit
dtermin).
La discontinuit que doit comporter le
principe dĠhistoricit et le schme de la formation du savoir nĠest pas au
premier chef lĠespace qui spare un nonc dĠun autre nonc, ou le discours de
lui-mme, en son sein, mais une htrognit du vivant, conue non plus
seulement sous lĠangle du sens, mais aussi sous lĠangle de la puissance et de
son conomie. Ç Le mouvement gnral dĠexsudation (de dilapidation) de la
matire vivante lĠanime [lĠhomme], et il ne saurait lĠarrter È (G.
Bataille)... Dans lĠordre de la doxa pr-scientifique ou celui du savoir, la
loi dĠconomie dans lĠorganicit parat tre la loi de tout corps. LĠopinion,
les croyances populaires abondent dans le sens de lĠaversion (ou d'un
renversement positif en une adhsion cultuelle, Ç sacre È) pour le
sang et la matire organique.
Y a-t-il une rsistance de la vie en
elle-mme – contre elle-mme ?
On
songe lĠcart antique entre Ç vie È (bios) et Ç vie È (zo)É Ce premier terme de Ç vie È,
je lĠappellerai le vivre ;
il est la fois la formulation des conditions et des moyens de la vie, et prservation
de cette vie. CĠest un VERBE par lequel sĠexpriment la TENSION et le PROJET.
Par ailleurs, ce quĠon veut dsigner de la Ç vie È par zo, cĠest lĠtre vivant, lĠanimal,
le NOM de la vieÉ le NOM du VIVRE. La premire acception est le verbe dĠaction
du vivre ; la seconde est le nom de la vie pour un vivant.
En
quoi les ralits de langage que recouvrent ces deux termes sont-elles images lĠune de lĠautre ?
La
vie ambidextreÉ
Comme on peut dire de la vie exubrante quĠelle est la ngation de la vie prserve.
Le
SANG a t et est toujours le nom du symbole de lĠactivit de vie dans le corps
concret. Est-il le symbole quasi-physique de telles ambiguts ? (Comme si
une mtaphysique de lĠordre et du dsordre avait les odeurs et le got du sangÉ)
Il nous faudrait tre capables de penser toute la science et toute la rhtorique
littraire et imaginaire du Ç cÏur È et du Ç sang È, tout
en considrant, la fin de notre interprtation, que la mtaphore nĠexiste pas, que les
fonctions mmes du langage se voient modifies par un systme dĠchange gnral
de toutes les significationsÉ
É
Une philosophie qui nĠa pas peur de la vie qui sĠaffirme, mais de ce que les
hommes affirment tre Ç vie È, Ç mort È, Ç corps È,
Ç personne È, etc.
Un
langage de la mdecine doit chercher son vocabulaire (les Ç pierres de gu È
de son discours) dans les symboles physiques qui cessent dĠtre mtaphores, mtonymies,
tropes en gnral, etc. quand ces mmes symboles DESIGNENT enfin une part
manquante au cÏur de toute observation.
Une
construction du regardÉ Heures de la mdecine moderne.
Claude
Bernard lĠa constat lui-mme : la perception naturelle est limite ;
il existe une Ç observation simple È qui se rvle
insuffisamment (qui rvle insuffisamment lĠobjet que lĠon sĠest efforc de
saisir). Cette insuffisance, Claude Bernard y remdie :
a/
Ç amplifier la puissance des organesÓ (les organes des sens), en sĠaidant Ç dĠappareils
spciaux È.
b/
Se servir dĠ Ç instruments È qui concourent pntrer lĠintrieur
des corps (Ç É pour les dcomposer et en dcrire les parties caches È).
Entre
le niveau de la perception naturelle, de lĠobservation simple et insuffisante,
et le niveau de lĠamplification de notre puissance naturelle travers la
technique, il y a une diffrence de niveau dĠ Ç investigation È.
Mais cette diffrence au sein du voir simple qui nous permettra peut-tre de Ç mettre
au jour les phnomnes qui nous entourent È (C. Bernard) rvle lĠexistence
des phnomnes. Voil la leon de la mdecine exprimentale. LĠobservation rvle
lĠexistence des phnomnesÉ
certaines conditions.
Or
cĠest prcisment pour le mdecin autant que pour le philosophe de mdecine que
se joue le contrle dans le cas dĠune pistmologie de contrle. (Cf. Claude
Bernard, Introduction la mdecine exprimentale, ¤2)
Que
signifie une pistmologie de contrle quand on parle de mdecine ? Si
lĠon suit Claude Bernard, il y a dĠune part Ç les faits È, soit tout
ce que lĠon construit partir du donn. Il y a dĠautre part
Ç raisonnement È, soit la contrainte formelle, tiraille entre induction
et dduction qui assure le formatage des faits. Le rapport entre raisonnement
et faits est dans un milieu scientifique nettement empiriste le Ç seul
moyen de nous instruire sur les choses È. JĠajouterai que ce jeu
dialectique est en ce cas le seul moyen de former une exprience. LĠobservation
MONTRE, lĠexprience INSTRUIT, l o le prolongement technique a produit dans
le meilleur des cas une conversion du regard. Les choses se voient. L o lĠexprience nous a
instruits, elle a produit du sens et du savoir sans que nous nĠayons jamais la
moindre intuition immdiate de quelque chose. (H. Davy sĠtait dj oppos au
dductionnisme de Liebig, lui opposant lĠinduction partir de lĠobservation et
lĠinfrence partir des faits.)
Poursuivons le sens de cette distinction entre investigation
et art du raisonnement. Si lĠinvestigation est Ç recherche et
constatation des faits È, lĠart du raisonnement construit ces mmes faits
logiquement Ç pour la recherche de la vrit È. Or la recherche et la
constellation des faits supposent deux modes dĠexercices : une activit
dans lĠesprit et une passivit dans les sens. Le voir simple dĠabord
mthodologiquement critiqu est en mme temps la passivit ncessaire de ce que
constitue lĠobservation en gnral.
Le
voir simple qui nĠest pas encore observation (sense datum) demande tre
construit. Il accde par l lĠobservation autant quĠ lĠhypothse. Ds lors,
rien ne saurait tre pargn, lĠhypothse comme lĠobservation, dĠune
ritration incessante fonde la fois sur le modle de la description du fait
observable, donn ou construit, et lĠinterprtation, soit la vrification de
cette premire position.
Ne
pas sĠarrter aux simples observations. LĠexprimentation pourvoira
premirement au succs de lĠopration. La raison doit exercer son
Ç contrle È, mais sans lĠexprimentation elle nĠest que systme. Le
Ç sens clinique È moderne a en ce sens pris racine dans les mdecines
de Pinel et de Lannec.
Dans
le Trait mdico-philosophique sur lĠalination mentale et la manie (1800) de PinelÉ
ÉLa
nature dispose ingalement les tres face la maladie. Il faut donc renforcer
certaines natures par des auxiliaires... Ç LĠusage intrieur de certaines
substances propres fortifier le coeur et le cerveau, celui des poudres
narcotiques, lĠextrieur
, des pithmes appliqus sur la tte, sur le coeur ou sur le foie, comme dit
Heurnius, pour recrer ce viscre. È
Or,
lĠexemplarit du procd me parat double. Elle met en question une tradition
de lĠimposition de lĠpithme, dĠune action extrieure qui doit traiter la
pathologie interne, qui dborde largement le savoir mdical classique en tant
que tel, et qui le dborde dans lĠordre du ieratikon pr-scientifique et des
pratiques du corps contemporaines. Secondement, la recration du viscre me
semble oprer symboliquement lĠextrieur du corps malade, dans lĠpithme
lui-mme. Dans la logique dĠune primaut de la surface du corps et de la
ngation de lĠorganicit, lĠpithme opre symboliquement comme reprsentation
de lĠorgane malade, comme projection et modle que le praticien travaille.
QuĠest-ce
quĠune hypothse ?
Une forme de question mais qui peut tre gnratrice de norme. Nous dirons avec
dĠAlembert quĠ Ç il faut poser des questions la nature È.
LĠinductivit
et la dductivit sĠmiettent comme positions pseudo-stables devant un schma
aussi simple et draconien qui met en scne le voir simple, lĠobservation et
lĠinterprtation.
La
mdecine est, comme regard, exercice de lĠintelligence portant sur des
hypothses. Ce qui commence la maladie ou la finit par arrt de mort, cela
nĠest plus dans le domaine de la mdecine. En un sens, le philosophe dirait que
la mdecine est par excellence lĠart de lĠattention et de la promptitude dans lĠexprience.
La
rappropriation directe du corps serait pour nous aujourdĠhui le rve de
lĠauscultation immdiate l o Lannec avait pens lĠauscultation mdiate. La
difficult premire est la suivante : requrir au nom de la sant ou de la
mdecine efficace le maintient dĠun statut thico-moral du corps ; voir
enfin lĠintrieur des corps en tant que nous les palpons. La premire posture
dĠabord nonce comme thico-morale doit maintenant recevoir lĠappellation de
Technique. En
outre, nous tentons de restaurer une certaine valeur de lĠobservation, de
lĠauscultation immdiate.
Lannec, De lĠauscultation mdiate (1816)... Grce au stthoscope,
Ç je vois dans la poitrine È, et lĠaspect contemplatif dĠune telle
pratique permet en outre de rvler la maladie en la nommant.
Pour
la mdecine de lĠpoque, les peuples primitifs sont comme les enfants :
ils se nourrissent non de mots, non de concepts, mais
dĠimages. Ç Dans les sciences de la nature, les mots lĠemportent mme
sur les choses, dans la mesure ou ils obligent la thoriser et la
rduire. È [8]
En
1891, il semblerait que lĠradication du terme Ç phtisie È au profit
de Ç tuberculose È a contribu rduire une nosographie peu ou prou
imaginaire. Les origines mystrieuses de la contagiosit de la phtisie, sa
dfinition de Ç varit du mal de vivre È (en Angleterre la fin du
XVIIIe sicle), les symptmes hystro-phobiques de la crainte des contacts, les
pseudo-diagnostics dĠaphasie et de loqule quĠon lui associe seront rduits par
une dfinition nosologique plus dense et concentre.
A
diffrents niveaux, on mdiatise le rapport au corps, on euphmise lĠorganicit
menaante du corps. LĠauscultation mdiate Ç permet dĠapprocher le secret
du corps tout en le tenant distance. LĠobstacle moral se transforme en
mdiation technique, et le souci des convenances devient le moteur de
lĠefficacit. DĠo le rejet de lĠauscultation directe. È[9]
LĠindfinissable
en un nom est le
cauchemar de lĠtiologie et de la smiologie mdicales.
Lannec nous a lgus plus encore :
sa mthode Ç anatomo-clinique È dont lĠune des bases consista
hirarchiser lsions, signes, symptmes. ÒLes vritables signes nĠexistent pour
ainsi dire pas, mais naissent de la rencontre du malade et du mdecin qui sait
les rencontrer.Ó[10]
Platon
avait dj substitu la purification pr-homrique la catharsis qui agit par
la parole. Auscultation et parole, dans un complexe participatif de lĠoue, du
toucher, du langage parl allaient assurer le succs de la mdecine moderne que
nous connaissons encore.
De
1820 1825, lĠusage du stthoscope se gnralise. Mais cette extension ne suit
pas seulement un discours de la moralit ou le contexte sociologique dĠune
poque. La technique transforme elle aussi Ç lĠobstacle moral È, la
posture dĠune socit en face du corps. Le corps lĠtude est une surface et
une table de rsonances qui laisse entendre ce quĠon ne peut voir, le
bruissement dĠune chair paraissant aussi lointaine que peut lĠtre un au-del
de cette limite, ce masque, ce bouclier que constitue la peau.
Voie dĠaccs possible : les usages du
microscope, fin XVIIe.
Se servir de
lĠauscultation mdiate cĠest, au dire de M. Foucault, se servir
Ç impudemment de la pudeur È. En quoi consisterait une auscultation
immdiate ?
Cela reviendrait premirement ouvrir le corps, Ç explorer vif
Ç É Ou bien : exercer une coute sans rsistance.
É
Grande ambigut de lĠart mdical comme Ç art des signes È. Subsiste
toujours un problme portant sur la nature de lĠattribution dĠun symptme un mal, dĠun mal
un corps, etc.
Deux
idaux de la mdecine : MONTRER, non pas dsigner – cĠest la
vocation du thtre dĠanatomie. DESIGNER, ne pas montrer : on saisit le
battement, la pulsation de la Ç vie È quĠon ne peut pas voir, mais
quĠon coute ou quĠon palpe. Deux contradictions portes mais non
dialectisables.
Nommer
une maladie, est-ce dj la gurir ?
Il
faudrait relire sans cesse le Wittgenstein des Philosophische Bemerkungen concernant la proprit des
douleurs. Que signifie pour soi avoir mal dans le corps dĠun autre ?
La
formation de lĠpistm mdicale opre par rptition dĠactes de conversions
successives, dĠassomptions logiques et de relgations la doxa. Car ce que
nous avons dit de lĠidation et de la concrtion exprime une conversion la
theoria et une rversion la doxa (croyance et pratique).
A) Etablissement des concepts gnraux
depuis les premiers actes de nomination et de dsignation. Les objets (les
corps) sont mis distance par la mdiation langagire du mot. Exemple de
lĠanalyse par Snell (1955) de lĠapparition du concept de Ç soma È
dans la Grce post-homrique qui rend possible lĠorganicit et la maladie en
lui apposant une unit coercitive, soit un NOM.
B) attribution de domaines de rgence qui
sont les champs de spcificit des concepts, examen des cas par voie dductive,
catgorisation de noms/objets. Premire systmatisation des pratiques ; en
rglant les usages du concept, on rgle lĠusage - la fonction - de lĠorgane, du
membre, de lĠobjet...
Que
nous reste-t-il dĠune magie que la thorie nĠait pu tout fait exempter
(Ç soigner È) de la doxa magique de lĠant-mdecine ?
Dans
lĠunion sexuelle, et plus encore dans tout ce qui, en matire de sexualit,
nĠest pas lĠunion, nous prouvons comme acteur et regardeur une mise en scne
du corps. La scne (la topique de lĠacte) : un lit, une rue, un parterre,
nus, vierges, ou agrments dĠobjets et de tissus. Les corps en scne sont
paradoxalement dpossds dĠeux-mmes alors quĠils sont uss parfaitement, en
pleine possession dĠeux-mmes, en pleine possession dpossdante de leur usure
et de leur abandon, contrairement o au thtre les masques, corps, gestiques
ne se montrent pas pour ce quĠils sont, mais pour des formes, les convocations visibles de
forces et de vies, enfin dĠmes. Si bien quĠen tant dpossds dĠeux-mmes, sans me, les corps extirpent ce qui en
eux nĠest pas corps mais sourdes puissances du tremblement. Ces corps ne mettent
en fin de compte pas tant en scne leur propre facture de corps que les
puissances quĠils produisent.
Tout
concourt ce que le corps sexu prouve la confusion des sexes, ceci en vue de
raliser pour lui-mme la plus claire et la plus dtermine ralisation de son
sexe.
La
sexualit dveloppe une capacit que nous avons inventer des sens. Nous pensons avoir cinq sens,
quelquefois un sixime ; pourquoi pas sept ou vingt autres sens ?
LĠinvention des sens est notre facult de prolonger nos organes par de nouveaux
organes, nos vaisseaux par de nouvelles irrigations, de fabriquer de
lĠhtrogne en nous, tout cela afin de nous Ç sensibiliser È un peu
plus. Un morceau dĠpiderme, un tissu devenant sensible par lĠopration de cette facult
dĠinvention ne devient pas simplement un nouvel oeil, ou une nouvelle oreille,
mais chaque fois le capteur de signaux non identifis et le moteur de
sensations inprouves.
Plus
tard, nous inventerons de nouveaux corps.
In Court Trait de la Poursuite du Vent, 1992
Ecrire la mdecine
Y
a-t-il dĠautre histoire de la mdecine quĠune histoire de la lutte et de la
contradiction entre lĠintrieur du corps et son dehors ? On pratique la
mdecine comme on crit son histoire, la lisire, sur cette ligne de partage
entre le dedans et le dehors. On a nomm ce lieu de partage Ç peau È,
la fois membrane, limite du corps et rsistance au monde, et membrane
intermdiaire entre le vrai et le faux. Selon les temps diffrents, le vrai se
situe soit dehors soit dedans. Mais il nĠen est rien. Rien ne nous semble moins
convaincant que la mtaphore de la peau, que cette catachrse commode (la
Ç surface de la peau È) pour orienter et partager lĠhorizon de la
mdecine et de son criture. (Une lexicalisation du terme Ç peau È
(quand on croit savoir pouvoir la nommer, la dsigner) laisse voir quĠil fut
trope dans le langage avant dĠtre concept oprant dans le mme champ de lĠintermde
rel et de la Ç membrane conceptuelle È entre une position et une
autre, une affirmation et sa ngation). Il ne sĠagit pas de retirer sa fonction
imaginaire de limite mais plutt de lui ter sa primaut de modle. Intrieur,
extrieurÉ Nous parlons bien plus dĠune histoire du regard et des points de
vue. Dans la limite de la peau il y a aussi le passage et le contact.
Ce
qui se cachait peut tre dans la querelle entre tekn scientifique et
ant-mdecine pr-scientifique ressortissait une querelle des contenus et des
contenants. Ou bien devrions-nous plutt parler dĠune lutte entre ce qui
maintient lĠorganicit dĠun corps en elle-mme et ce qui en occasionne
lĠpanchement ? (L encore, une linguistique et une rhtorique –
devrait-on parler de Ç potique È ? – semblent devoir tre
requises de tels travaux de discernement et de structuration des phnomnes
et des discours).
Question
des interdits portant sur lĠpanchement du sang (lĠEglise promulguant lĠEdit de
Tours de 1163), la dissection... La posture thico-morale du corps maintenue
contre lĠautorit savante. Et : les reprsentations violentes de lĠorganicit
(et mme bien plutt de la matire organique) au sein de la chrtient. Odon de
Cluny (Collationes),
Anselme de Cantorbry (De contemptu mundi), Saint-Bernard, Hilaire, Ambroise,
Damase et les rcits de martyrs...
É
Grande ambigut de lĠart mdical comme Ç art des signes È. Subsiste
toujours un problme portant sur la nature de lĠattribution dĠun symptme un
mal, dĠun mal un corps, etc.
Dnoter, connoter, prdiquerÉ quelle Ç linguistique È, quelle
Ç logique È du parler mdical ?
QuĠun
seul Ç dessin È pour le corps reprsent et les lettres qui le
dissquentÉ penser pour tout Ç signe È stylis des planches
dĠanatomie un seul et mme systme de reprsentation (o tous les signes se
dnotent par ressemblance, contigut ou causalit (morphismes ayant le sens de
lĠattribution dĠune source un rsultat))É.
JĠai
tenu pour important les regards certes parfois fastidieux que jĠai ports sur
la science historique quand elle prend la mdecine pour objet, et la science
exprimentale en gnral, et cela, peut-tre, pour enfin nous dpartir des
postures dominantes de lĠune et de lĠautre.
La
mdecine, enfin, ne peut comme pense se rsoudre une pense de
lĠobservation, ni de lĠhistoire, et si dĠart il nous faut parler, lĠart de la
mdecine est un art de la rencontre entre le patient et le mdecin, le corps et
ses plaies, le mal et son symptme.
Ç Rencontre È est un mot humble
et gnral dont le sens est au fond celui dĠANALOGIE.
(É)
[1] Vsale entrant en contact avec lĠorganicit (1542). LĠesthtisation de la reprsentation graphique (De humani corporis fabrica). De faon gnrale, tude des reprsentations du corps dans le dessin dĠanatomie (problme dĠesthtisation de lĠorganique, dĠutilisation de la ligne dure, de la ligne douce...).
ÒCar dĠun ct la douleur a valeur minente et
prcieuse de signe, qui guide le praticien et lĠintroduit lĠintelligibilit
mme du processus pathologique. Et de lĠautre, elle est surtout, par elle-mme,
lĠaiguillon qui, dans un corps que les froidures de la maladie treignent,
submergent et dfont, va tendre les ressorts salutaires dĠune raction nerveuse
dfensive au gr de laquelle se dessine bientt le libre chemin dĠun ordre
retrouv, restaur. Ó
(LĠabsence de douleur deviendra ainsi la marque
dĠune insidieuse absence de signe, et donc menace de troubles encore venir.)
[3] Dans lĠadvenue de la thoria mdicale scientifique disparat (ou bien plutt se convertit) la posture thique du sujet. En cela notre poque signifie peut-tre un retournement (non un retour la magie, au ieratikon) ; une irruption du fond doxique contre la suprmatie scientifique du phusikon... (redfinition thico-morale du corps, de la vie, de la mort - de la normeÉ; importance croissante du psychisme dans les pathogenses..). Etrangement, lĠloignement du corps et du praticien par une prolixit de la technique, en tous domaines, ctoie une rappropriation directe du corps, dans un dveloppement de pratiques du corps . Cet antagonisme se rsout-il quant une euphmisation toujours progressive du corps et de lĠorganicit ?
[4] Marcel Sendrail, Des champs de Troie aux portiques dĠEpidaure, in Histoire culturelle de la maladie, Privat, 1980, p. 98.
[5] ibid p. 99
[6] ibid, p. 105, 106. Sous le sol dĠEpidaure, il y a un Òlabyrinthe o sĠengageaient les initis, pour atteindre un puits mdium o on prsume que se laissait entendre une confidence oraculaire. Par le songe (É) comme par lĠextase dans la nuit de cet hypoge se figure une descente symbolique aux royaumes infernaux qui transfigurait la gurison du fidle en don sacr. Ó
[7] ibid, p. 107.
[8] F. Dagognet, Le Catalogue de la vie, PUF, 1970, p. 58. ÒLes mots garantissent les vivants contre ce qui les masque ou les parasite. Et forger un ÒtermeÓ nĠest pas un acte secondaire dĠappellation, mais un drame rel, rapide, une lutte contre lĠenvahissement de lĠaccessoire. Ó p.59
[9] I. Grellet et C. Kruse, Histoires de la tuberculose/les fivres de lĠme, 1800-1940, Ramsay, 1983.
[10] in F. Dagognet, op. cit.