Il approchait déjà d’Ithaque
Et il ne pensait plus à ces vingt ans
Qu’il avait perdus à imaginer des histoires de Pénélope
Et de son fils – son nom déjà,
Quel nom lui avait-il donné, Laërte ? –
Son cœur déjà bondissait
Vers ceux à qui son affection allait se donner
Ceux qui s’étaient installés dans ses pensées
– Son père, aussi, et le chien,
Maldoror ? non, pas Maldoror, il ne savait plus –
Il tremblait d’émotion tout en clignant des yeux
Le Rocher, le petit port aux yachts blancs
La montée vers le château
Le soleil était si intense qu’il a posé les mains
sur son visage
Qu’il les a appuyées sur ses paupières
Quand il a voulu regarder Ithaque – Ithaque ?
Non, pas Ithaque
Mais la mer et la fatigue
Et une éternité encore de mal de mer
de faux naufrages de vraies tentations
Et de noms propres décevants
Ithaque ? – Oui, Ithaque, éternelle impropre
au règne des noms propres, toujours prétendant
toujours trompant
Le roi de Sparte, Cléomène de son nom
Au roi d’Égypte dut laisser sa mère en otage
Ainsi le raconte Plutarque et plus tard Cavafis
À mon corps défendant disait le roi
Raison d’état se justifiait le fils
Mais la mère ravie ne l’écoutait pas
Tous les fils sont ainsi, toute honte bue
Rois, roitelets ou poètes nous sommes tous pareils
Nous laissons notre mère en otage
Raison d’état ou autre, vous vous inclinez, mères,
Otage consentant de l’amour que vous nous portez,
Envers et contre toute raison
3- Nestor
Vieillesse venue
celui qui toujours a été vieux
Nestor proclame
en enfonçant son sexe
dans le con de sa jeune maîtresse :
« En remettant à plus tard,
puis à plus tard encore,
quel gain j’ai réalisé !
Quelle camelote que la jeunesse.
Et l’âge d’homme …
Si je m’étais écouté…
mais je ne me suis pas écouté.
Je me suis bouché les oreilles.
Si j’avais écouté…
Quelle camelote j’aurais écoutée.
Si j’avais pris la parole.
Quelle camelote j’aurais proférée.
En fermant la bouche.
Quel gain j’ai réalisé !
Musique céleste. Paroles quintessenciées. »
Mais aussitôt la voilà qui hurle,
la jeune lavandière
é é é é é é é-é-é-é-é ô ô ô ô ô ô ô
et encore la voilà qui hurle
sa jeune compagne
é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô
et la voilà qui lui enfonce la tête sous l’eau glacée
et la voilà qui le tord
é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô.
Ses mains de lavandière
à la mauvaise circulation
plus grosses que sa tête
essorent le vieux Nestor
et ne ruisselle qu’une eau froide, glacée,
é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô
musique céleste paroles quintessenciées.
Nicolas Vatimbella