Après Cavafis (3 poèmes grecs)

 


1- Ithaque

 

Il approchait déjà d’Ithaque

Et il ne pensait plus à ces vingt ans

Qu’il avait perdus à imaginer des histoires de Pénélope

Et de son fils – son nom déjà,

Quel nom lui avait-il donné, Laërte ? –


Son cœur déjà bondissait

Vers ceux à qui son affection allait se donner

Ceux qui s’étaient installés dans ses pensées

Son père, aussi, et le chien,

Maldoror ? non, pas Maldoror, il ne savait plus –


Il tremblait d’émotion tout en clignant des yeux

Le Rocher, le petit port aux yachts blancs

La montée vers le château

Le soleil était si intense qu’il a posé les mains

sur son visage

Qu’il les a appuyées sur ses paupières


Quand il a voulu regarder Ithaque – Ithaque ?

Non, pas Ithaque

Mais la mer et la fatigue

Et une éternité encore de mal de mer

de faux naufrages de vraies tentations

Et de noms propres décevants


Ithaque ? – Oui, Ithaque, éternelle impropre

au règne des noms propres, toujours prétendant

toujours trompant

 

 


2- Roi de Sparte


Le roi de Sparte, Cléomène de son nom

Au roi d’Égypte dut laisser sa mère en otage

Ainsi le raconte Plutarque et plus tard Cavafis


À mon corps défendant disait le roi

Raison d’état se justifiait le fils

Mais la mère ravie ne l’écoutait pas


Tous les fils sont ainsi, toute honte bue

Rois, roitelets ou poètes nous sommes tous pareils

Nous laissons notre mère en otage


Raison d’état ou autre, vous vous inclinez, mères,

Otage consentant de l’amour que vous nous portez,

Envers et contre toute raison

 

 

 

3- Nestor


Vieillesse venue

celui qui toujours a été vieux

Nestor proclame

en enfonçant son sexe

dans le con de sa jeune maîtresse :

« En remettant à plus tard,

puis à plus tard encore,

quel gain j’ai réalisé !

Quelle camelote que la jeunesse.

Et l’âge d’homme …

Si je m’étais écouté…

mais je ne me suis pas écouté.

Je me suis bouché les oreilles.

Si j’avais écouté…

Quelle camelote j’aurais écoutée.

Si j’avais pris la parole.

Quelle camelote j’aurais proférée.

En fermant la bouche.

Quel gain j’ai réalisé !

Musique céleste. Paroles quintessenciées. »

Mais aussitôt la voilà qui hurle,

la jeune lavandière

é é é é é é é-é-é-é-é ô ô ô ô ô ô ô

et encore la voilà qui hurle

sa jeune compagne

é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô

et la voilà qui lui enfonce la tête sous l’eau glacée

et la voilà qui le tord

é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô.

Ses mains de lavandière

à la mauvaise circulation

plus grosses que sa tête

essorent le vieux Nestor

et ne ruisselle qu’une eau froide, glacée,

é ô é ô é ô é-é-é-é-é ô

musique céleste paroles quintessenciées.

 

 

 

Nicolas Vatimbella

 

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