11

TÊTES

 

 

 

 

1.

Une étoile

gît à l’intérieur de mon crâne

 

Nous vivons dans un monde rond

 

Mortel, je suis né mortel.

 

 

 

 

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2.

 

L’animal des sables

- un morceau de cendre désirant s’échapper -

creuse sa galerie puis disparaît

 

Le vent pique la peau

efface toutes traces.

 

 

 

 

3.

 

Je m’assieds face à la mer

 

Pour chaque vague -

- le repos d’une battue

 

Les effluves gonflent ma vie comme à l’annonce d’un départ.

e

 

 

 

 

 

e

4.

En mer gelée

 

Désormais blessée, avec pour seule présence

la mémoire de ce souffle sur ma nuque

 

Je  m’allonge et pleure

de n’avoir pris le temps  pour moi

    ….d’amour et d’orgueil

    ma bouche reste seule, sans tête

 

autrefois je possédais un corps

 

    …une chance, peut-être, pour raviver les fouilles

 

De l’or, de la pierre et du verre

ce moment précieux où tout se cabre

pour venir à moi

vive

pleine de tout ce qui m’entoure

mais désormais blessée.

 

 

 

5.

 

Chanson

 

Du ciel, ta présence

plus qu’un fleuve, une tempête -

- et l’esprit du large pailleté comme une soie animale

 

Du ciel, de cet horizon épars

 

Une saison entière, rien que pour toi

 

Le souffle bleuté d’un pays aride

 

Tes chants résonnent

avec qui je fus

aujourd’hui même

hier à peine encore

demain dans la lumière de ma mort.

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6.

 

Une chute

 

Le ciel

relié à la mer

se courbe jusqu’à  nos pieds

 

Nous pensions être seuls

au bout du monde

mais lorsque les nuages se relevèrent

nous vîmes une ligne, à l’horizon

déployée d’est en ouest

 

Pour toujours la lumière tombe

 

Le tourbillon qui nous vit naître bientôt nous accueillera.

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7.

Une saison

 

Neuf rapaces griffent le ciel nuageux

s’approchent, lentement

puis filent vers le nord

 

Ils empruntent le chemin des hauteurs

 

Le soleil se couche

 

Le vent masque le chant des insectes

 

L’automne est là

Dans la fraîcheur.

 

 

 

8.

Une tête

 

Des masses blanches et bleues

 

De la pierre malaxée

 

La façade, trop verticale, au risque de s’effondrer

 

Plus aucune végétation ici

seulement de la rocaille et de la glace chantante

l’abstrait des calcaires

et ces arches neigeuses, coupantes

 

Le désert de  haute altitude.

 

 

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9.

Cube

 

Dans cet espace

le poids

relatif à la taille des éléments

masque toutes valeurs

 

De la même façon

une perspective impossible

divise en deux notre regard

sur l’horizon instable d’un globe que nous croyions plat

 

Nous vivons ainsi

enveloppés dans ce faisceau d’illusions

mangeons de la terre, buvons de l’air

jouissons d’autres corps

nés, eux aussi, de cette même terre

 

Des cristaux pleuvent dans notre bouche.

 

 

 

10.

Triangle

 

L’encre, tarie, cherche à survivre à la sécheresse -

- notre alliée minuscule

 

Le poids d’un autre âge se donne

ou ne se donne pas

 

Quelle misère pour ceux qui crurent harponner, à profit, l’exigence de s’exprimer  !

 

De notre tête

brûlée

un vide s’élance.

 

 

 

 

11.

 

Rond

 

 

Je prends mon stylo pour un couteau

 

Je vieillirai ainsi

 

Une pluie tombe en un scintillement minéral

 

    Est-ce froid ?

 

    Est-ce chaud ?

 

 

L’œuvre est un rond

avec

en son centre

une tempête

 

Je prends mon stylo pour un couteau

perçe ainsi le mystère

pour un autre mystère.

 

 

Lionel Marchetti avait d'abord répondu à Mausolée 1, et Olivier Capparos a choisi de compléter ces poèmes par 11 nouvelles têtes, moins une.

 

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